LES PREMIERS PROCES GACACA EN MAI 2002

Kigali/Gitarama, 10 décembre 2001 (FH) – Après les élections des juges des tribunaux "gacaca" en octobre dernier, la suite du programme établi par la Cour suprême pour ces juridictions populaires a été révélée lundi à Murambi, dans la ville de Gitarama (au centre du Rwanda), à l’occasion d’une rencontre d’une journée des juges composant les sièges des gacaca de niveau province (anciennement préfecture). Il s’agissait de la toute première rencontre d’un nombre aussi grand de juges après les élections d’octobre.

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Du 4 février au 15 mars 2002, sera organisée la formation des formateurs. Au nombre de 780, ceux-ci seront généralement des magistrats de formation ou en fin de formation universitaire. Ils apprendront principalement les techniques de formation des adultes.

Les candidats à la formation des formateurs seront répartis en cinq groupes de 156 personnes chacun. Leur formation se fera par deux groupes à la fois, à Kigali et à Murambi où il y a des infrastructures et des équipements suffisants pour recevoir un si grand nombre de personnes. A la fin de leur formation, les formateurs seront répartis alors en petits groupes, qui iront former les juges élus sur leurs collines.

Chaque petit groupe des formateurs aura en charge la formation de six secteurs. Les 780 formateurs auront trois mois pour former les 254'152 juges du pays élus en octobre dernier. Chaque juge élu aura droit à six jours de formation, à raison de deux jours par semaine.

Les premières sessions de formation des juges élus commenceront le 18 mars 2002 en même temps dans l’ensemble de la ville de Kigali et des douze provinces du pays (de bas en haut, l’organisation administrative du Rwanda est subdivisée en cellules, secteurs, districts (anciennement communes) et en provinces, la ville de Kigali, la capitale, ayant un statut à part). Chacun de ces quatre niveaux administratifs aura sa propre juridiction gacaca.

La gacaca de la cellule connaîtra des affaires de la quatrième catégorie, c’est-à-dire les affaires de pillage ou de destruction des propriétés des victimes durant le génocide. La peine contre les coupables sera seulement la réparation. Il n’y aura pas d’appel. C’est également cette juridiction qui aura la charge de catégoriser tous les suspects natifs de la cellule même.

La gacaca du secteur s’occupera des affaires de la troisième catégorie, c’est-à-dire des suspects qui ont blessé des victimes sans avoir l’intention de les tuer. La gacaca du district jugera les suspects de deuxième catégorie, c’est-à-dire ceux qui ont vraiment tué (la peine maximale est la prison à vie), ainsi que les procès en appel des affaires jugées par la gacaca du secteur. La gacaca de la province sera uniquement une instance d’appel.

Les suspects de la première catégorie, c’est-à-dire les planificateurs du génocide (dont la peine maximale est la peine de mort), continueront à être jugés par les Tribunaux de première instance (dont les juges sont des juristes de formation de niveau licence au moins).

Au cours de leur formation, les juges élus acquerront les principes de base contenus dans le droit (principalement dans la loi organique de janvier 2001 instituant les juridictions gacaca), la gestion des groupes (comment organiser et diriger une réunion), la résolution des conflits, les techniques de communication, la déontologie judiciaire, le traumatisme (comprendre ce qu’est le traumatisme, comment reconnaître une victime du traumatisme et comment se comporter face à une victime du traumatisme), la gestion des ressources humaines, matérielles et financières. Plus de cent mille livrets didactiques seront imprimés et traduits en kinyarwanda (la langue nationale).

Après la formation des juges, les procès seront lancés officiellement en mai 2002. La date n’a pas encore été précisée. Les premiers procès seront organisés en même temps dans douze secteurs différents, comme test. Puis le processus sera étendu progressivement de façon que toutes les juridictions du pays auront effectivement démarré deux mois après le début des procès-test.

La présidente du département des juridictions gacaca (l’une des six sections de la Cour suprême rwandaise), Aloysie Cyanzayire, a expliqué que le processus des gacaca s'est allongé long pour différentes raisons.

Par exemple, a-t-elle indiqué, aucune imprimerie rwandaise n’a la capacité technique d’imprimer les cent neuf mille livrets didactiques en moins de deux mois. Aucune ne dispose de stock de papier suffisant et il faudra l’importer. Aloysie Cyanzayire a donné comme autre exemple les problèmes budgétaires. Les juridictions gacaca ont été prévues pour la première fois dans le budget du pays après les élections des juges, c’est-à-dire dans le budget 2002, dont le projet de loi est en ce moment en discussion au parlement. Le budget pourrait être disponible vers la fin du mois de janvier 2002.

Dans le projet de loi budgétaire, le département des juridictions gacaca demande environ un milliard sept cent millions de francs rwandais (environ trois millions sept cent mille dollars américains), dont près de la moitié sera consacrée à la formation. Le reste sera englouti par la lourde logistique d’appui aux procès (notamment le transport des juges, des détenus, et des témoins). Les juges seront des bénévoles, mais ils percevront un per diem dont le montant doit encore être fixé par le conseil des ministres.

Enfin, les juges réunis lundi à Gitarama (19 par provinces) ont estimé que six jours de formation sont insuffisants pour pouvoir bien préparer les juges des gacaca à affronter les défis qui les attendent Ils ont par ailleurs vivement contesté le projet de former les juges de tous les niveaux ensemble, alors qu’ils n’auront pas les mêmes rôles, et d’autant plus que "les juges de l’échelle de la cellule sont globalement des illettrés". La rencontre a décidé que ces questions devront être réexaminées par le département des juridictions gacaca de la Cour suprême.

WK/PHD/FH (RW1210A)