MORT EN PRISON UN AN APRES SON ACQUITTEMENT

Kigali, 22 novembre 2001 (FH) – Selon l’hebdomadaire Umuseso paru cette semaine à Kigali, Zacharie Banyangiriki, 72 ans, est mort en prison le 1er novembre dernier, près d’un an après son acquittement. Il était gravement malade depuis plusieurs mois (il ne pouvait plus marcher tout seul).

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Le journal et un membre de sa famille, joint au téléphone par l’Agence Hirondelle, affirment qu’il n’aurait pas été soigné.

acharie Banzangiriki est resté dans le coma durant toute la semaine qui a précédé sa mort, selon sa famille. Sa femme et sa fille n’auraient pas été autorisées à le voir jusqu’au moment où la dépouille mortelle leur a été remise. L’enterrement a eu lieu le 2 novembre dans son village natal. Umuseso conclut en se posant cette question : "Si l’Etat veut éradiquer la culture de l’impunité, celui qui a refusé que Zacharie sorte de prison sera puni par qui ?".

Réactions contre l’arbitraire

Ancien député au Conseil National de Développement (le parlement du parti unique MRND de feu le président Juvénal Habyarimana) jusqu’en 1993, originaire du secteur Mpare, commune de Huye, préfecture de Butare, au sud du Rwanda, Zacharie Banzangiriki avait été arrêté en 1996. Accusé, avec sept co-inculpés, notamment de génocide, de crimes contre l’humanité et d’entente pour commettre le génocide, il attendra quatre ans l’ouverture de son procès devant la Chambre spécialisée du Tribunal de première instance de Butare. Le 1er décembre 2000, le verdict tombe: les co-accusés sont acquittés, faute de preuves suffisantes. Le tribunal ordonne leur libération immédiate.

Sur le champ, un groupe de rescapés du génocide de Mpare selon les uns, de contestataires selon la Ligue Rwandaise pour la Promotion et la Défense des droits de l’homme (LIPRODHOR), protestent par des manifestations devant le tribunal contre cette décision. "Le Ministère public juge alors inopportun de procéder à la mise en liberté des prévenus acquittés et argue par ailleurs de la survenance de faits nouveaux pour les maintenir en prison", écrit la LIPRODHOR.

Pour Umuseso, les prévenus auraient été victimes d’une conspiration impliquant le parquet de Butare. Par la suite, le procureur aurait refusé obstinément de signer les papiers d’élargissement. La LIPRODHOR relève que "les réactions ont été nombreuses contre cette attitude délibérée du parquet qui nargue la loi".

Les juges de la Chambre spécialisée et des autres chambres du Tribunal de première instance de Butare réunies ont écrit au président de la Cour suprême (également président du Conseil supérieur de la magistrature), se plaignant que "le parquet de Butare refuse de mettre en exécution certaines décisions du tribunal alors que c'est de son devoir".

La défense de l'ancien député Banyangiriki, ainsi que le procureur général près la Cour d'appel de Nyanza/Nyabisindu (qui couvre le ressort des préfectures Butare, Gitarama et Gikongoro, au sud du Rwanda) et même le procureur général près la Cour suprême (qui sont les autorités hiérarchiques du procureur de la République de Butare) ont écrit officiellement à ce dernier, lui signifiant que cette détention était illégale et qu'il devait relâcher les prisonniers acquittés. Toutes ces interventions n’ont jamais eu d’effet.

Violation du principe "non bis in idem"

Les sept co-accusés de Banyangiriki sont toujours en prison. Outre ce cas, la LIPRODHOR donne d’autres exemples de personnes jugées pour génocide et crimes contre l’humanité, acquittées par les juges et maintenues en prison par le Ministère public pour faits nouveaux, selon la Ligue en violation du principe "non bis in idem" interdisant de juger deux fois une personne pour les mêmes faits. La Ligue constate que "la survenance de ces faits nouveaux frappe souvent des personnes d’une certaine classe sociale, telles que des intellectuels, des ex-autorités politiques, des ex-hommes d’affaires…", s’étonne du fait qu’elle "est évoquée juste après le prononcé de la décision d’acquittement", et de ce que les faits nouveaux n’en sont pas en réalité.

Pour ne citer que quelques uns d’entre eux, la LIPRODHOR parle notamment de Théodore Munyangabe, ancien sous-préfet de Cyangugu, au sud-ouest du Rwanda. Condamné à mort par la Chambre spécialisée du Tribunal de première instance de Cyangugu, il se voit ensuite acquitté par la Cour d’appel du même lieu. ll est réincarcéré aussitôt par le parquet de Cyangugu. Dans l’acte d’accusation figure la mention: faits nouveaux.

Pierre Rwakayigamba, ancien vice-gouverneur de la Banque Nationale du Rwanda (banque centrale), acquitté par la Chambre spécialisée du Tribunal de première instance de Kibungo (sud-est du Rwanda), avait été arrêté à nouveau, alors qu’il était en séjour dans la capitale, par le parquet de la République de Kigali, avant d’être relâché quelques mois plus tard.

Ignace Banyaga, ancien sous-préfet de Kibuye (ouest du Rwanda) est acquitté et libéré le 27 avril 1999. Il est à nouveau mis en état d’arrestation le lendemain par le parquet de Kibuye. Mais, comme les autres Munyangabe et Rwakayigamba, les "faits nouveaux" invoqués sont "à 100% similaires à ceux contenus dans le premier acte d’accusation". La partie poursuivante s’aperçoit finalement de sa "méprise" et le libère plus d’un an plus tard (le 25 juillet 2000).

Emmanuel Munyankumburwa, était le prédécesseur de Fulgence Niyonteze (condamné par la justice suisse pour crimes de guerre) comme bourgmestre (maire) de Mushubati, préfecture de Gitarama (centre du Rwanda). Deux mois après son acquittement par la Chambre spécialisée du Tribunal de première instance de Gitarama et sa libération, il est à nouveau arrêté par le parquet de la République du même ressort. Le Ministère public présente les faits nouveaux devant la Chambre du conseil (chambre de mise en accusation). Le juge constate, en fin de compte, qu’il s’agit exactement des mêmes faits que ceux de la première poursuite. Il prononce un non-lieu en faveur du prévenu.

WK/PHD/FH (RW1122A)