FORTE PARTICIPATION AUX ELECTIONS DES JUGES POPULAIRES

Kigali, 2 octobre 2001 (FH) – Les Rwandais ont voté massivement jeudi pour les 260 000 juges des 11 000 juridictions populaires gacaca. La participation a été beaucoup plus importante (plus de 90%) dans les cellules rurales visitées par l’agence Hirondelle que dans la capitale.

3 min 16Temps de lecture approximatif

La cellule est la plus petite entité politico-administrative au Rwanda.

Avant le vote, le coordinateur du comité de cellule, le "maître des cérémonies", rappelait d’abord les règles: pour voter, il fallait avoir 18 ans au moins, habiter la cellule, et n’avoir pas été condamné en justice pour génocide et crimes contre l’humanité.

L'Agence Hirondelle a noté une forte participation de femmes dans les réunions publiques électorales, ainsi que l’élection d’un nombre important de femmes comme juges.

Les foules étaient disciplinées. Aucun déploiement de sécurité n’était visible. Là où l'on a vu les "local defence forces", sorte de force de défense civile, cette dernière était très discrète. L’atmosphère était bon enfant dans les réunions, malgré l’opportunité donnée aux électeurs d’émettre des critiques à l'encontre les candidats.

Les critiques émises étaient généralement liées au jeune âge des candidats, à leur état de santé ou aux obligations familiales pouvant les empêcher, une fois élus, d’avoir le temps de remplir leur devoir de juges. D’autres étaient en rapport avec le comportement social, comme par exemple "abuser du vin de bananes". L'Agence Hirondelle a cependant relevé quelques autres cas d’accusations relativement graves.

Par exemple, dans la cellule Gatwa, secteur de Murambi, district de Buliza, dans la province Kigali rurale, à une quarantaine de kilomètres de la capitale, un candidat a été accusé d’avoir participé aux massacres et un autre d’avoir "perturbé la sécurité". Ils n’ont pas été élus.

Dans la cellule de Ryabaheshwa, secteur Muyumbu, district de Bicumbi, dans Kigali rurale également (à environ une quarantaine de kilomètres à l’est de la capitale), la présentation d’un candidat a été suivie par un lourd silence général. "Avez-vous quelque chose à dire sur lui ?", a demandé le coordinateur du comité de cellule. Quelqu’un dans la foule a alors avancé que "cet homme sort juste de prison pour génocide". Les autres ont alors crié en même temps qu’il "n’a jamais été condamné". Il a été élu. Bicumbi est la commune qu’a dirigée Laurent Semanza, actuellement en jugement devant le Tribunal Pénal International pour le Rwanda (TPIR) à Arusha. Le successeur de Semanza au poste de bourgmestre (l’équivalent de maire) de Bicumbi, Juvénal Rugambarara, est lui-même recherché par la justice rwandaise. Il figure sur les trois listes des "génocidaires" de la première catégorie (planificateurs du génocide et des auteurs de viols et tortures sexuels) publiées par le procureur général près la Cour suprême en 1996 (n°698), en 1999 (n°1653) et en 2001 (n°2241).

Sur les 19 juges élus dans la cellule de Ryabaheshwa, onze sont des Tutsis (deux rescapés du génocide de 1994 et neuf rentrés de l’ancienne diaspora). Sept sont des femmes, dont une faisant partie du comité de coordination.

Dans la cellule Katabaro, du secteur Kimisagara, mairie de Nyarugenge, dans la capitale Kigali, un homme a été accusé d’avoir refusé l’abri à une femme qui cherchait à se cacher chez lui en avril 1994, pendant le génocide. Il m’a dit d’aller chercher ailleurs", a dit la femme à la foule. Ce candidat a été rejeté.

Selon la loi organique instituant les gacaca, les juges des juridictions populaires gacaca, appelés les "Intègres", doivent être de bonne conduite et de bonnes moeurs, ne jamais avoir été condamné à une peine de prison de six mois, ne pas avoir trempé dans le génocide ou dans les crimes contre l’humanité entre le 1er octobre 1990 et le 31 décembre 1994, être exempt de tout esprit de sectarisme et de discrimination, et être caractérisé par un esprit de partage de la parole. Quant à l’âge, ils doivent avoir au moins 21 ans. Les personnalités ayant des responsabilités liées à des institutions comme l’Etat, les Eglises, les partis politiques, les ONG, ou encore en activité dans la magistrature ou les forces de sécurité, sont exclues de la candidature.

Environ onze mille tribunaux populaires gacaca sont en train d’être mis en place à quatre niveaux politico-administratifs pour juger au moins cent mille présumés exécutants du génocide. Les "gros poissons" relevant de la première catégorie continueront, quant à eux, à être jugés par les treize tribunaux de première instance et les tribunaux militaires. Les juges des gacaca des niveaux supérieurs à la cellule (secteur, district et province) seront élus indirectement de vendredi à dimanche.

Les juges des juridictions gacaca seront des bénévoles mais recevront une indemnité journalière (per diem). Leur mandat s’achèvera à la fin des procès, qui pourraient commencer au cours des six premiers mois de l’année prochaine (2002), pour durer environ cinq ans comme l’espèrent les autorités judiciaires rwandaises.

JC/GG/WK/PHD/FH (RW1004A)