ONZE CONDAMNATIONS A MORT POUR GENOCIDE A GIKONGORO

Kigali, 6 juillet 2001 (FH) – Le Tribunal de première instance de Gikongoro (sud-ouest du Rwanda) a rendu son verdict vendredi dans un procès dirigé contre 28 personnes, originaires de la commune Kinyamakara, poursuivies pour génocide et crimes contre l’humanité. Quatre des accusés ont été acquittés.

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Onze ont été reconnus coupables de toutes les charges, classées dans la première catégorie des auteurs du génocide et condamnés à mort ainsi qu'à la dégradation civique perpétuelle et totale. Sept ont été classés dans la deuxième catégorie et condamnés à la prison à perpétuité. Six ont été condamnés à des peines comprises entre quinze et six ans d’emprisonnement.

Quatre accusés de ce dernier groupe de six ont plaidé coupables dès la phase d’instruction déjà. Mais le ministère public a rejeté leurs aveux, "les trouvant contradictoires avec les résultats de ses propres enquêtes", a déclaré à l’Agence Hirondelle le substitut du procureur, Boniface Bungeli. Les accusés, a-t-il ajouté, "ont réitéré leur plaidoirie de culpabilité en arrivant devant les juges, qui l’ont acceptée ». Du coup, ils ont bénéficié de mesures de clémence: deux ont été condamnés à quinze ans de prison et deux autres à douze ans de détention.

Outre les quatre personnes acquittées, une cinquième doit être immédiatement relâché. Il s’agit de Masabo Nyangezi, directeur-général au ministère de l’environnement et du tourisme en 1994, très connu du public pour son talent de musicien-chanteur-compositeur. Il avait fui la capitale à feu et à sang et s’était réfugié dans sa commune natale de Kinyamakara, secteur Bitare, où il était resté jusqu’à son arrestation en août 1994.

Le parquet l’avait chargé du crime de génocide et de crimes contre l’humanité, plus particulièrement d’avoir conduit personnellement des groupes d’attaque contre les Tutsis. Dans ses conclusions, le tribunal a indiqué qu’il avait participé à une seule attaque, contre la famille Bucakara, qui a été complètement décimée.

Dans sa défense, l’accusé Masabo avait affirmé qu’il était effectivement allé chez Bucakara, un ami à lui, "uniquement pour tenter de lui porter secours quand j'ai entendu dire qu’un groupe de tueurs s’y rendait". "Mais quand je suis arrivé sur les lieux, la famille avait déjà été massacrée", a-t-il déclaré. Le tribunal a souligné qu’il n’avait pas recueilli de preuves indiquant que l’accusé n'avait pas participé à ce massacre. Il l’a classé dans la troisième catégorie et condamné à six ans de prison.

Le parquet avait classé Masabo dans la deuxième catégorie et requis une peine de prison à perpétuité. La défense de son côté plaidait pour l’acquittement, estimant "que l’accusation ne pouvait fournir aucun nom de personne tuée par l’accusé".

Parce qu’il vient de passer près de sept ans en détention préventive, Masabo aurait dû retrouver immédiatement sa liberté, mais "en raison de problèmes de procédure, il rentrera chez lui lundi", a déclaré à l’Agence Hirondelle l’un des avocats de la défense, Me Jean-Marie-Vianney Mugemana (ancien ministre de la justice, puis de l’intérieur, du président Habyarimana).

Environ 160 personnes s’étaient constituées parties civiles dans ce procès qui avait été ouvert sur le fond le 28 novembre 2000. Le tribunal a retenu une liste d’une centaine de personnes seulement, les autres n’ayant pas pu fournir les papiers nécessaires prouvant leur lien de parenté avec les victimes. Il a ordonné en leur faveur des dommages totalisant 152 millions de francs rwandais (environ 350 mille dollars américains).

Le parquet et la défense disent ne pas avoir obtenu totalement satisfaction et comptent faire appel.

Au départ, l’affaire concernait trente personnes. L’un des accusés est mort en prison avant l’ouverture du procès. Un autre, Enoch Mayira, qui était vice-bourgmestre (vice-maire) de Kinyamakara en 1994, a réussi à s'évader de prison avant le procès. Le parquet, qui le classait dans la première catégorie comme planificateur et superviseur du génocide, voulait qu’il soit jugé par contumace. Mais le tribunal a indiqué qu’il serait jugé quand il sera retrouvé.

WK/PHD/FH (RW0706A)