LA COMMUNAUTE TWA INQUIETE A LA VEILLE DU DEMARRAGE DES GACACA

Arusha, 6 juin 2001 (FH) - La communauté twa se dit inquiète à la veille du démarrage des juridictions traditionnelles gacaca conçues par le gouvernement rwandais pour accélérer les procès de génocide anti-tutsi de 1994. "Quand on va entrer dans les juridictions gacaca, nous les Batwa [pluriel de Twa] on a peur", a indiqué à l'agence Hirondelle, Zéphyrin Kalimba, coordinateur de la communauté des autochtones rwandais, un collectif d'associations qui défendent les intérêts du groupe twa, apparenté aux pygmées d'Afrique centrale et constituant l'une des trois composantes ethniques du Rwanda aux côtés des Hutus et des Tutsis.

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"Parmi les Batwa, il n'y aura pas d'Inyangamugayo [juges élus]. C'est une communauté qu'on a mis à l'écart", a expliqué Zéphyrin Kalimba. Les juges qui vont siéger dans les gacaca seront élus par la population au niveau local. Zéphyrin Kalimba craint que sa communauté ne soit ignorée lors de ces élections.

"Il est temps de voir comment le cas des Batwa soit considéré comme un cas particulier" a plaidé Zéphyrin Kalimba, insistant sur leur infériorité numérique et leur marginalisation par les pouvoirs qui se sont succédé au Rwanda depuis l'indépendance en 1962. Le coordinateur de la communauté des autochtones rwandais estime à vingt mille le nombre de Batwa résidant actuellement au Rwanda, sur les trente mille recensés avant le génocide en 1994.

éphyrin Kalimba revendique au passage, pour les Batwa survivants, le statut de rescapé du génocide, que leur ne reconnaît pas le pouvoir en place. "Nous avons dix mille Batwa qui ont été tués pendant le génocide. Ce ne sont pas les Batwa qui se sont entretués. Ils ont été ballottés des deux côtés. Ils devraient être considérés comme des rescapés du génocide. Or, jusqu'à présent, il n'y a pas d'actions entamées par le gouvernement pour soutenir les Batwa.", dit Zéphyrin Kalimba, un tantinet inquiet.

L'autre problème qu'entrevoit Zéphyrin Kalimba pour les membres de sa communauté lors des procès devant les gacaca, c'est le manque de témoins à décharge. "Lors des procès, les Batwa ne trouveront pas de témoins à décharge. Ils sont minoritaires. Au Rwanda, avec la force vous pouvez trouver les témoins facilement", estime-t-il.

Parlant des Batwa qui devront comparaître devant les juridictions classiques, Zéphyrin Kalimba indique qu'il existe pour eux des circonstances atténuantes. "Il n'y a pas eu réellement de la formation à l'égard de cette communauté pour les mettre à l'abri de commettre des fautes pareilles". "Nous les Batwa, on ne voudrait pas que nous soyons considérés comme des planificateurs" du génocide, souligne-t-il.

éphyrin Kalimba s'appesantit ensuite sur le sort de ceux de sa communauté emprisonnés qui ne pourront pas avoir droit à l'assistance d'un conseil. "A cause de leur ignorance, ils ne peuvent pas trouver d'avocats. De plus, ils n'ont pas les moyens de les payer." Zéphyrin Kalimba invite en définitive les pouvoirs publics à considérer les Batwa comme "une partie neutre" dans le conflit rwandais, opposant essentiellement les Hutus et les Tutsis.

La communauté des autochtones rwandais dont Kalimba Zéphyrin assure la coordination comprend l'Association pour la promotion des Batwa, l'Association pour le développement global, la Fondation de la première nation, la Voix de la famille rwandaise en retardataire, Femmes et enfants rwandais oubliés.

éphyrin Kalimba affirme qu'à part quelques aides sporadiques, son organisation éprouve des difficultés à obtenir le soutien des donateurs, ces derniers considérant qu'ils "ne peuvent appuyer les activités de groupes ethniques. Parce que c'est interdit par le gouvernement."

Entre 250 000 et 300 000 juges devraient être élus pour siéger dans environ onze mille juridictions gacaca qui seront créées dans tout le pays pour juger les personnes accusées de génocide qui ne rentrent pas dans la catégorie des planificateurs. La date de démarrage de ces juridictions n'est pas encore connue. Les juridictions gacaca devraient durer cinq ans, selon leur coordinatrice, Aloysie Cyanzayire.

AT/PHD/FH (RW0605A)