TROIS CONDAMNATIONS A MORT DANS LE PROCES DE L'ISAR

Nyanza, 14 Mars 2001 (FH) – Joseph Mulindangabo, ingénieur agronome, ancien chef de la station de l'ISAR (Institut des Sciences Agronomiques du Rwanda) à Rubona, près de Butare (sud du Rwanda); Jacques Ntunda, ancien technicien phytosanitaire spécialisé dans les maladies du haricot à l'ISAR, et Innocent Nyangezi, simple paysan voisin de l'ISAR, ont été condamnés à mort par la Chambre spécialisée du Tribunal de Première instance de Butare en itinérance à Nyanza/Nyabisindu, à une centaine de kilomètres au sud de Kigali. Les trois hommes font partie d'un groupe de huit personnes qui étaient jugées depuis le 22 Février 2001 pour génocide et crimes contre l'humanité.

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Classés dans la première catégorie, ils ont par ailleurs été condamnés à la dégradation civique perpétuelle et totale.

Les cinq autres personnes ont été reconnues coupables de non-assistance à personnes en danger de mort et ont été condamnées à 10 ans de prison pour un ancien policier communal, Edouard Nishyirembere (détenu depuis le 1er novembre 1995), et à cinq ans de prison pour toutes les autres, Faustin Musabimana, Anselme Sano, Emmanuel Ndabunguye (tous les trois en prison depuis 1997) et Jean-Baptiste Hategekimana. Celui-ci, qui venait de purger une peine de prison préventive de plus de six ans (il avait été arrêté en septembre 1994), a été relâché directement.

Dans son réquisitoire, le parquet avait requis la peine capitale pour sept accusés et la peine de prison à perpétuité pour Jean-Baptiste Hategekimana. De son côté, la défense avait plaidé pour un allégement de la peine en faveur de Joseph Mulindangabo. Elle estimait en effet qu'il aurait dû être poursuivi en tant qu'individu et non comme ancien responsable de la station de l'ISAR. "Il ne doit pas répondre des actes posés par ses anciens chefs hiérarchiques, qui travaillaient et vivaient comme lui à Rubona", estimait la défense.

Pour l'ancien policier communal, Edouard Nishyirembere, les trois avocats des prévenus ont tenté de démontrer son innocence : "Envoyé par le bourgmestre de la commune Ruhashya (dans laquelle se trouve le siège de l'ISAR) pour assurer la sécurité de l'institution, il est arrivé à l'ISAR le 26 Avril 1994 à 10 heures. Le bourgmestre, dont il dépendait hiérarchiquement, est venu le récupérer trois heures plus tard, après l'arrivée sur les lieux d'une équipe de gendarmes, détachés par l'ancien préfet de Butare et l'ancien commandant de la gendarmerie de la région. Ce sont ces gendarmes qui ont commencé à massacrer les Tutsis de l'ISAR et ceux qui y étaient réfugiés ce même jour à 16heures. Edouard était déjà loin, retourné au bureau de sa commune, où il a appris les événements plus tard comme l'a affirmé un des témoins à décharge".

Pour le paysan Innocent Nyangezi, la défense a relevé qu'il avait reconnu avoir assisté à l'exécution d'une des victimes de l'ISAR, George Ndamage (qui était chercheur), et qu'il avait racheté sa veste aux tueurs contre quatre bouteilles de vin local de banane (urwagwa en kinyarwanda). Mais elle a indiqué que le parquet n'avait jamais prouvé que l'accusé ait posé un quelconque geste personnel dans cette mort. La défense plaidait là aussi pour son innocence.

Les avocats des prévenus comptent faire appel. Selon l'un d'entre eux, Me Jean-Claude Muhikira, ils espèrent obtenir l'acquittement par la Cour d'appel, pour les cinq condamnés à des peines de prison pour non assistance aux victimes. Ils comptent sur la même stratégie qu'en première instance, à savoir que les prévenus n'avaient aucun pouvoir pour protéger les Tutsi face à des gendarmes armés. "Même le bourgmestre de Ruhashya de l'époque, qui disposait pourtant d'une certaine autorité, a été tué par les miliciens Interahamwe parce qu'il s'opposait à leurs tueries. Alors que pouvaient les cinq autres?", a déclaré le juriste à l'Agence Hirondelle.

WK/PHD/FH (RW&0314A)