ACCUSES ACQUITTES PAR LES CHAMBRES SPECIALISEES MAIS MAINTENUS EN PRISON

Butare, 27 Février 2001 (FH) – Le 1er décembre 2000, la Chambre spécialisée du Tribunal de première instance de Butare a rendu ses verdicts dans trois procès collectifs différents de génocide. Quinze des 58 prévenus concernés ont été acquittés au bénéfice du doute ou à défaut de preuves suffisantes.

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Un seizième est condamné pour pillage à cinq mois de prison avec un sursis d'un an. Comme il vient de passer plusieurs années en détention préventive, ce condamné doit être libéré sur le champ, comme les quinze acquittés, selon la décision de la cour.

Cependant, avec sept autres des seize accusés acquittés, dont Zacharie Banyangiriki, 71, ancien parlementaire jusqu'en 1993 (du temps du parti unique MRND), le condamné est aujourd'hui toujours en prison, le parquet de Butare affirmant avoir découvert des faits nouveaux contre ces huit personnes.

Selon le défenseur judiciaire de l'ancien député Banyangiriki et selon les magistrats du Tribunal de première instance de Butare, "si des faits nouveaux il y a, ils sont intervenus après le verdict. Le parquet aurait dû respecter d'abord la loi en libérant les huit personnes, puis présenter les faits nouveaux au tribunal s'ils constituent une cause nouvelle et différente de laquelle elles ont été jugées, ou faire appel du verdict prononcé s'il n'en était pas satisfait".

La situation de M. Banyangiriki semble bizarre. Les autorités hiérarchiques du procureur de la République de Butare, notamment le procureur général près la Cour suprême et le procureur général près la Cour d'appel de Nyanza/Nyabisindu (qui couvre le ressort des préfectures Butare, Gitarama et Gikongoro, au sud du Rwanda), de même que le défenseur judiciaire du détenu, lui ont écrit officiellement pour lui signifier que cette détention était illégale et qu'il devait relâcher le prisonnier acquitté. Toutefois, rien n'a été fait.

Les juges du Tribunal de première instance de Butare (ceux de la Chambre spécialisée et ceux des autres chambres), réunis dans leur ensemble, ont de leur côté adressé une missive de plainte au président de la Cour Suprême (également de droit président du Conseil supérieur de la magistrature) contre le parquet de Butare. "Le parquet refuse de mettre en exécution certaines décisions du tribunal alors que c'est de son devoir, notamment, de mettre en prison des gens condamnés", écrivent-ils. Les juges parlent également de prisonniers acquittés, mais toujours maintenus en détention "depuis trois ans". Ils accusent enfin le parquet "d'absentéisme caractérisé dans les procès alors qu'il est la partie plaignante".

Pour sa part, la Ligue Rwandaise pour la défense et la promotion des droits de l'homme (LIPRODHOR), à travers notamment son journal mensuel sur les procès de génocide "Le Verdict", a régulièrement relevé, dans diverses régions du pays, de nombreux cas de personnes acquittées par les Chambres spécialisées des Tribunaux de première instance mais maintenues en prison par les parquets "pour faits nouveaux".

WK/PHD/FH (RW&0227A)