LE PARQUET VEUT PROUVER QUE MGR MISAGO ETAIT PARMI LES PLANIFICATEURS DU GENOCIDE

Kigali, 15 septembre 99 (FH) - Au deuxième jour de son procès sur le fond, l'évêque du diocèse catholique de Gikongoro (sud-ouest du Rwanda), Monseigneur Augustin Misago, s'est expliqué mercredi devant la Chambre spécialisée du Tribunal de première instance de Kigali sur l'accusation de génocide et de crimes contre l'humanité et de violation des Conventions de Genève et de leurs protocoles additionnels. Ces crimes auraient été commis à Gikongoro, selon le parquet, du propre chef de l'accusé, en association avec l'ancien préfet de Gikongoro, Laurent Bukibaruta, et le commandant de gendarmerie pour la région de Gikongoro, le major Bizimana, ou en tant que leur complice.

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Pour tenter de prouver que Mgr Misago était parmi les planificateurs du génocide au plus haut niveau, le parquet l'accuse de participation à de nombreuses réunions avec les deux responsables civil et militaire de Gikongoro, mais aussi avec le premier ministre du gouvernement provisoire, Jean Kambanda. Il aurait par ailleurs accompagné le préfet et le commandant de gendarmerie dans leurs nombreux déplacements de sensibilisation aux massacres.

L'évêque de Gikongoro nie avoir pris part à une quelconque réunion publique de sensibilisation aux tueries. Par contre, il a reconnu avoir été invité et avoir participé le 12 avril 1994 à une réunion de la conférence préfectorale de Gikongoro, qui était dirigée par le préfet Bukibaruta.

Selon l'évêque, il y avait plusieurs genres de réunions au niveau préfectoral parmi lesquelles les réunions du comité préfectoral de sécurité et les réunions de la conférence préfectorale. Le comité préfectoral de sécurité était chargé des questions de sécurité exclusivement. Y prenaient part les seules autorités directement concernées par ces questions là.

En revanche, la conférence préfectorale englobait toutes les autres personnalités d'un autre statut, comme par exemple les responsables des confessions religieuses, et elle était consacrée à des questions qui n'avaient rien à voir avec la sécurité, a déclaré l'accusé.

L'évêque a expliqué que la réunion de la conférence préfectorale du 12 avril 1994 étudiait les possibilités de venir en aide aux milliers de réfugiés tutsis, en particulier à ceux qui étaient regroupés dans les églises des paroisses de Gikongoro. "Caritas-Gikongoro était la seule organisation qui avait des secours alimentaires et en médicaments directement disponibles et en quantité suffisante. C'est pour cette raison que ma présence à cette réunion se justifiait", a déclaré Mgr Misago, selon lequel "même les réfugiés du site de Murambi, dans la ville de Gikongoro, étaient assistés par Caritas-Gikongoro avant leur massacre".

Vers la fin du mois d'avril 1994, Mgr Misago a déclaré avoir assisté à une réunion dirigée par le premier ministre Jean Kambanda dans la ville de Gikongoro. Le chef du gouvernement de transition aurait déclaré venir avec un message de paix pour la population de Gikongoro et demandé que tous les responsables régionaux entament une campagne de pacification.

Il était trop tard, des milliers de personnes avaient déjà été massacrées, a regretté l'évêque. Et beaucoup de responsables politico-administratifs qui ont participé à cette réunion, notamment des bourgmestres et des sous-préfets, étaient contre la fin des massacres, comme il s'avèrera évident dans la réunion d'évaluation, un mois plus tard, à laquelle il a également participé : les Tutsis continuaient à être massacrés, a-t-il indiqué.

A la question des juges de savoir ce qu'il avait fait personnellement au cours de cette période de campagne de pacification pour arrêter le génocide, l'évêque de Gikongoro a déclaré qu'il ne pouvait rien faire physiquement : il n'était pas une autorité au sein des structures de l'Etat et il n'avait pas d'armes, les fidèles ne venaient plus à la messe où il pouvait leur parler, a-t-il expliqué. Mais dans ces réunions auxquelles il assistait, il s'appuyait essentiellement sur les multiples communiqués et messages pastoraux des évêques catholiques publiés entre-temps pour demander la fin des massacres et le retour de la paix.

La quatrième rencontre à laquelle Mgr Misago a pris part a eu lieu le 17 mai à Gitarama avec le premier ministre Jean Kambanda. Quatre jours plus tôt, les représentants des églises protestantes et catholiques du Rwanda s'étaient réunis à Kabgayi, à un jet de pierre de la ville de Gitarama. Ils avaient mandaté leur comité de contact, qui était déjà opérationnel depuis bien avant le déclenchement du génocide, pour aller voir le chef du gouvernement provisoire et insister pour que son gouvernement mette fin aux massacres. C'est dans ce cadre que lui, trois autres évêques catholiques, et huit représentants des églises protestantes ont vu Jean Kambanda le 17 mai.

Les responsables religieux auraient écrit aussi au FPR, pour demander une réunion de bons offices, .mais jusqu'à la fin de la guerre, le FPR n'avait jamais répondu, a ajouté Mgr Misago.

Plusieurs responsables de l'église catholique du Rwanda, notamment l'archevêque de Kigali et les évêques de Kabgayi et de Kibungo, étaient au tribunal mardi, à l'ouverture du procès. L'archevêque de Kigali était là à nouveau mercredi, de même que les évêques de Byumba et de Ruhengeri. Le Nonce apostolique et un représentant de haut rang de l'ambassade des Etats-Unis à Kigali ont également suivi les débats de mardi et de mercredi.

Le procès a été suspendu jusqu'au jeudi 23 septembre.

WK/PHD/FH (RW&0915A)