VALERIE BEMERIKI, ANCIENNE JOURNALISTE DE RTLM ARRETEE, RECONNAÎT LES FAITS QUI LUI SONT REPROCHES

Kigali, 22 juin 99 (FH) - Valérie Bemeriki, ancienne journaliste de RTLM, Radio Télévision Libre des Mille Collines, a été arrêtée le 13 juin. Elle est inculpée par le procureur de la République de Kigali d'incitation au génocide par le biais de la radio.

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Lundi vers la fin de l'après-midi, après une séance d'interrogatoire au Parquet de la République de Kigali, le procureur Emmanuel Rukangira l'a laissée parler avec les journalistes.

Valérie Bemeriki est originaire de la commune Giciye, de la préfecture Gisenyi, au nord-ouest du Rwanda, mais elle est née à Rutchuru, dans l'ex-Zaïre. Elle a 35 ans. Elle était journaliste de RTLM depuis sa création en 1993 jusqu'à la fuite de Kigali en juillet 1994. Elle s'est alors réfugiée au Congo, dans la région de Bukavu, jusqu'à son arrestation.

"J'ai été arrêtée au Congo -a-t-elle dit -. Puis, on m'a amenée à Gisenyi, je viens de passer toute une semaine à Gisenyi. Et dimanche, je suis venue jusqu'ici à Kigali. J'ai été arrêtée par une commandant (militaire) rwandais qui était au poste de Minova (Minova se trouve dans la région de Kalehe, entre Bukavu et Goma, dans la province du sud-Kivu).

J'étais dans les hauts plateaux, dans les forêts, sur la route qui mène vers Kisangani empruntée par les réfugiés dans le temps. Je n'ai pas pu me déplacer facilement parce que j'étais malade, ma jambe est gonflée (sa jambe gauche est en effet légèrement handicapée depuis son enfance et elle se déplace avec l'aide d'un bâton). Il n'y avait pas d'autre journaliste de RTLM avec moi, j'étais toute seule.

Je savais que si je venais au Rwanda je serais arrêtée parce que la radio RTLM a été accusée depuis longtemps et si la radio a été accusée c'est aussi les journalistes qui ont été accusés.

On me reproche d'avoir incité les gens aux tueries, au génocide, en 1994. Je reconnais ces faits parce que j'étais à ce moment-là journaliste à la radio RTLM qui a été qualifiée d'incendiaire. Je les regrette et je suis prête à demander pardon au peuple rwandais, s'il le faut à genoux, je sais que j'ai commis des erreurs, des fautes graves, envers lui" a-t-elle indiqué en éclatant en sanglots.

Valérie Bemeriki figure au numéro 13 de la liste des 1946 grands "génocidaires" publiée par le procureur général près la Cour suprême, Siméon Rwagasore, au Journal Officiel de la République Rwandaise du 30 novembre 1996. Elle a indiqué que ce qu'elle a fait à l'époque, elle l'a fait sur pression de ses patrons et sur pression du régime qui était en place. "Son patron (immédiat) était monsieur Phocas Habimana", a-t-elle déclaré.

Valérie Bemeriki a indiqué qu'elle avait écrit dans son exil un livre de 700 pages "Le Drame rwandais vu par une journaliste rwandaise", paru au Canada.

Phocas Habimana dont elle parle était le directeur de la radio des mille colllines. Il est toujours quelque part en liberté. En liberté aussi le président de la société RTLM, Félicien Kabuga, qui avait été arrêté en Suisse, avant d'être relaché et explulsé de ce pays.

En revanche, Ferdinand Nahimana et Jean-Bosco Barayagwiza, tous les deux considérés comme les véritables idéologues de RTLM sont aux mains du Tribunal Pénal International pour le Rwanda à Arusha, de même que le journaliste belgo-italien de cette radio, Georges Ruggiu. Enfin, un autre journaliste de RTLM, Noël Habimana, est aux mains de la justice rwandaise (en prison à Ruhengeri (au nord du Rwanda). Tous les autres journalistes de RTLM sont toujours en liberté.

La Radio Télévision Libre des Mille Collines, RTLM, est accusée d'avoir participé activement au génocide de 1994 en appelant les Hutus à décimer les Tutsis et les Hutus opposés au régime de l'époque.
WK/DO/FH (RW&0622A)