VERDICT REPORTE SINE DIE POUR L'EX-DIRECTEUR DE CABINET DE FAUSTIN TWAGIRAMUNGU.

Kigali, 23 avril 99 (FH) - Le verdict a été reporté sine die, vendredi, dans le procès d'Antoine Bizimana, ancien directeur de cabinet de l'ex-premier ministre du nouveau régime rwandais, Faustin Twagiramungu, accusé de génocide et de crimes contre l'humanité. Le parquet avait demandé la peine de mort contre l'ancien haut fonctionnaire, qui a plaidé non coupable.

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La Chambre spécialisée du Tribunal de première instance de Butare, au sud du Rwanda, devant laquelle Antoine Bizimana est jugé, a indiqué qu'elle doit préalablement revoir les preuves présentées au procès par l'accusation, la défense et la partie civile, et chercher d'autres preuves elle-même.

Le président de la Chambre spécialisée du Tribunal de première instance de Butare, Joseph Karekezi, n'a pas précisé la date où le verdict sera prononcé.

Sept chefs d'accusation

Le procès a commencé le 16 février dernier. Les débats ont été clos le 26 mars. L'acte d'accusation porte sept chefs d'inculpation. Outre le génocide et les crimes contre l'humanité, Antoine Bizimana, alias Mabuye, est accusé de violation des Conventions de Genève et leurs protocoles additionnels, formation de groupe de malfaiteurs et association de malfaiteurs en vue de décimer les membres du groupe tutsi, violation de domicile en vue de débusquer des gens à massacrer, destruction de maisons, non-assistance à des personnes en danger de mort alors que lui-même n'aurait couru aucun risque s'il l'avait fait.

Tous ces crimes, selon le parquet, ont été commis dans le secteur de Gihindamuyaga, commune Mbazi, préfecture de Butare, où Bizimana est originaire, entre avril et juillet 1994. Le parquet affirme qu'avant l'arrivée d'Antoine Bizimana dans son village natal, il n'y avait pas encore eu des tueries, et que l'accusé a déclenché les massacres.

Jusqu'en avril 1994, Antoine Bizimana était cadre à la CEPGL (Communauté Economique des Pays des Grands Lacs, qui regroupe le Rwanda, le Burundi et la République Démocratique du Congo), au siège de Gisenyi (nord-ouest du Rwanda). Les massacres ont commencé à Kigali le 7 avril 1994, alors qu'il était venu passer les fêtes de Pâques avec sa famille à Kigali, a-t-il déclaré au cours du procès.

L'accusé aurait quitté la capitale le 19 avril, blessé la veille par des éclats d'obus, pour se rendre dans son village natal, près de Butare (sud-ouest du Rwanda). Le conseil de la défense a invoqué les circonstances dans lesquelles l'accusé était arrivé à Gihindamuyaga, pour expliquer que Bizimana ne pouvait pas s'associer avec les gens de son village, puisqu'il n'était pas habitué à vivre avec eux, résidant habituellement à Gisenyi.

Discours du président intérimaire

La défense a par ailleurs fait remarquer, sur base de plusieurs témoignages à décharge, qu'à l'arrivée d'Antoine Bizimana dans sa commune d'origine, des bandes de tueurs avaient déjà été constituées depuis longtemps, sensibilisées et préparées et que le signal qu'elles attendaient pour massacrer les Tutsi a été le discours du président intérimaire, Théodore Sindikubwabo.

Ce discours a été prononcé le 19 avril à Butare, lors d'une cérémonie de prestation de serment du nouveau préfet de Butare, Sylvain Nsabimana, actuellement détenu et accusé par le Tribunal Pénal International pour le Rwanda, TPIR, à Arusha).

L'accusation a requis la peine capitale contre l'ancien haut fonctionnaire, dix milliards de francs rwandais (environ 33 millions de dollars) de dommages et intérêts pour la partie civile, et cent millions de francs rwandais (333'000 dollars) supplémentaires pour les victimes non identifiées. De son côté, la défense a plaidé pour l'acquittement, affirmant que le parquet n'a pas apporté de preuves sur aucun chef d'accusation.

Subornation de témoins

Ce procès a donné lieu à de nombreux commentaires, notamment des allégations faisant état de la subornation de témoins, tant à charge qu'à décharge, que l'on aurait tenté d'influencer.

L'avocat camerounais d'Antoine Bizimana, Me Jean-Marie Nouga, a déclaré dans un entretien accordé au journal rwandais "le Verdict" de la LIPRODHOR (Ligue Rwandaise pour la Promotion et la Défense des droits de l'Homme), spécialisée dans les procès de génocide, que "le tribunal a entendu toutes les personnes impliquées dans cette affaire de subornation des témoins, du bourgmestre de Mbazi aux responsables de dix maisons, en passant par le conseiller du secteur et le responsable de la cellule natals de Bizimana et il a pu se faire une opinion". Il faut "respecter cette opinion et attendre sérieusement, sereinement et avec confiance jusqu'au verdict" ajoutait le défenseur.

Me Jean-Marie Nouga, mandaté par ASF (Avocats Sans Frontières), était absent du tribunal vendredi, de même que les substituts du Procureur de la République. Antoine Bizimana avait d'abord été défendu, au début du procès, par un autre avocat d'ASF, le mauritanien Moctar Ould Hassen. Les deux défenseurs sont assisté par un avocat rwandais, Me Gaspard Muligande.

Premier gouvernement de l'après-génocide

Antoine Bizimana est né à Gihindamuyaga en 1954. Il est père de trois enfants. Sa femme, présente vendedi dans la salle d'audience auprès de son mari, est secrétaire générale, c'est-à-dire le plus haut poste en dessous du ministre, du Ministère des affaires sociales, organe de tutelle du Fonds national d'assistance aux victimes du génocide.

L'accusé était devenu directeur de cabinet du premier ministre depuis la formation du premier gouvernement de l'après-génocide, le 19 juillet 1994, jusqu'au départ du gouvernement de son patron, Faustin Twagiramungu, en août 1995.

WK/PHD/FH (RW&0423A)