POLEMIQUE APRES L'EMPRISONNEMENT DE L'EVEQUE DE GIKONGORO

Kigali, 19 avril 99 (FH) - L'évêque de Gikongoro, Monseigneur Augustin Misago, a été transféré vendredi dernier de la brigade de la gendarmerie de Muhima, où il était détenu après son arrestation deux jours auparavant, à la prison centrale de Kigali. L'accusation de génocide portée contre le prélat a soulevé une polémique entre l'Eglise catholique et les autorités rwandaises.

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Dimanche, l'évêque n'avait pas encore pu rencontrer d'avocat, indique une source proche de la conférence épiscopale. Il est désormais détenu dans la prison centrale de la capitale, connue sous l'appellation de "1930", du nom de la date de sa construction.

Même si Mgr Misago a été mis en prison à Kigali, la question reste de savoir s'il sera jugé à Kigali ou à Gikongoro. En principe, selon la loi organique de 1996 sur le génocide, il devrait être jugé à Gikongoro, où les crimes allégués contre lui ont été commis.

Les évêques catholiques du Rwanda avaient écrit jeudi au procureur de la république de Kigali, Emmanuel Rukangira, lui demandant de ménager de meilleures conditions de détention pour le prélat , en raison de son état de santé fragile. Mgr Misago, 56 ans, a des problèmes d'asthme et d'hypertension.

La prison centrale de Kigali étant surpeuplée, ces conditions sont loin d'être garanties. Les évêques demandaient une mise en liberté provisoire de Mgr Misago, s'engageant à ce qu'il "se soumettrait à toutes les conditions légales".

Dans une lettre ouverte datée du 9 avril dernier, Mgr Misago a protesté de son innocence : "les prétendus griefs formulés contre moi sont tous des calomnies, encouragées entre autres par tout un climat de préjugé ethno-centriste et de procès d'intentions bien orchestré contre ma personne, pour des intérêts peu avouables", écrit l'évêque. Le prélat ajoute dans la même lettre qu'il s'est déjà expliqué par le passé sur ces accusations devant un inspecteur de police judiciaire et des journalistes de la presse publique.

Série de protestations

Dans un communiqué diffusé par le Vatican, le porte-parole du Saint Siège, Joaquin Navarro, affirme que 'l'arrestation d'un évêque est un acte extrêmement grave et offensant, non seulement pour l'église au Rwanda, mais pour l'église catholique entière'. Le porte-parole du Vatican souhaite que "l'évêque de Gikongoro bénéficie de garanties légales et que son innocence soit rapidement prouvée". Cet incident a "profondément perturbé les rapports entre le Rwanda et le Saint-Siège", ajoute le communiqué.

En réaction à cette condamnation du Vatican, le major Wilson Rutayisire, porte-parole du gouvernement rwandais, a déclaré que Mgr Misago avait été appréhendé "en raison de son implication personnelle dans les crimes qu'il a commis. Nous ne pensons pas qu'il ait agit au nom de l'église catholique, ni au Rwanda ni n'importe où ailleurs. Mais si l'église catholique pense que Mgr Misago a agi en son nom, alors elle devra répondre devant la justice des crimes de génocide qui lui sont reprochés", a-t-il indiqué à Kigali.

Les évêques catholiques du Burundi et le nonce apostolique en poste à Bujumbura ont boycotté la visite officielle que le président rwandais, Pasteur Bizimungu, effectuait au Burundi, en signe de protestation contre l'arrestation de Mgr Misago. Quant aux évêques de France, ils ont exprimé leur "inquiétude et leur stupéfaction".

Le Congrès Démocratique Africain (CDA), parti politique en exil des opposants hutus au gouvernement rwandais, a affirmé dans un communiqué publié à Bruxelles que "le régime du FPR est monté en croisade contre l'Eglise catholique".

WK/PHD/FH (RW&0419A)