L’EVEQUE CATHOLIQUE DE GIKONGORO ARRETE A KIGALI

Kigali, 14 avril 99 (FH) - L’évêque catholique du diocèse de Gikongoro (sud-ouest du Rwanda), Monseigneur Augustin Misago, a été arrêté mercredi à Kigali, a indiqué dans la soirée la Conférence épiscopale. C'est la première fois dans l'histoire du pays qu'un évêque est placé en détention.

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Le prélat est soupçonné de participation au génocide de 1994.

Dans la matinée, le prélat avait été vu à Gikongoro en compagnie de militaires. Vers dix heures, il a quitté cette ville, à bord du même véhicule que son homologue du diocèse voisin de Butare, Mgr Philippe Rukamba, à destination de Kigali. Tous deux se rendaient à une réunion des évêques, indique-t-on de source proche de la conférence épiscopale.

Vers midi, le véhicule a été intercepté à l'entrée de Kigali, au lieu dit Giticyinyoni, selon la même source. Il a été conduit à l'une des brigades de la gendarmerie de la capitale, la brigade de Muhima, où l'évêque de Gikongoro a été placé en détention préventive.

Dans la soirée, trois évêques ont pu lui apporter à manger et ils ont pu le rencontrer. Les autorités ont par ailleurs autorisé qu'un prêtre lui apporte un matelas pour dormir, a indiqué la même source à l'Agence Hirondelle. Mgr Misago a des problèmes d'asthme et d'hypertension.

En début de semaine, l'hebdomadaire gouvernemental Imvaho Nshya (La Vérité Nouvelle), reprenant une dépêche de l'Agence Rwandaise d'Information (ARI), pro-gouvernementale, avait écrit que l'évêque de Gikongoro préparait une évasion du pays avec la complicité d'une ambassade étrangère.

Accusations publiques

Le 7 avril, à l'occasion de la commémoration du cinquième anniversaire du génocide, Mgr Misago avait été publiquement accusé de génocide, en sa présence, à Kibeho, au sud de Gikongoro, où se déroulait cette manifestation officielle, sur le site où vingt mille personnes ont été massacrées en 1994.

Dans un témoignage public, trois rescapés de ce massacre avaient gravement accusé Mgr Misago. Selon eux, l'évêque "aurait notamment dirigé personnellement des réunions des tueurs de Kibeho".

Dans son allocution, le président de la République rwandaise, Pasteur Bizimungu, avait à son tour réagi avec force à ces témoignages. "Il est incompréhensible que les chrétiens continuent à accuser Mgr Misago de participation au génocide, et que l’Eglise Catholique et Mgr Misago continuent à se taire un an, deux, cinq ans, sans démentir" avait-il déclaré.

Il avait ajouté qu'il était "inconcevable que l’Eglise Catholique, dont Mgr Misago est pasteur, puisse le maintenir à son poste, comme un homme sans reproche, comme un homme d’exemple aux fidèles. S’il est prouvé que Mgr Misago est innocent, contrairement à ce que les chrétiens rwandais ont montré plus d’une fois, nous demandons aux responsables de cette Eglise de le muter ailleurs, dans un autre pays".

A ce jour, aucune plainte n’avait été formellement déposée contre l’évêque de Gikongoro.

Message des évêques aux fidèles

A l'issue d'une réunion tenue mercredi dans la soirée, à Kigali, les évêques rwandais ont publié un message à l'intention de leurs fidèles. Ce message déclare notamment: "Ces derniers jours, vous avez appris ce qui a été dit et écrit au sujet de Son Excellence Monseigneur Augustin Misago. Ce 14 avril, il a été arrêté au moment où il se rendait à Kigali pour participer à la réunion des évêques".

"Nous espérons que, comme il n'a pas manqué de le faire antérieurement, il va répondre aux agents de la justice, de manière à ce que la vérité soit établie. Nos sentiments de solidarité vont particulièrement aux fidèles du diocèse de Gikongoro, spécialement éprouvés", poursuit le communiqué.

Les évêques rwandais concluent leur déclaration en demandant aux chrétiens de prier pour "ce pasteur et pour l'Eglise au Rwanda, afin qu'elle demeure inébranlable dans la foi".

C'est la première fois dans l'histoire du Rwanda qu'un évêque est mis en prison. Au moins deux prêtres catholiques ont déjà été condamnés à mort pour génocide.

WK/PHD/FH (RW&0414A)