MANIFESTATIONS ANTI-TPIR A KIGALI

Kigali, le 27 juin 2002 (FH) – A l'appel du collectif des associations des rescapés du génocide de 1994, Ibuka, environ deux mille personnes ont fait une marche de protestation jeudi contre "le mauvais fonctionnement" du TPIR, le Tribunal Pénal International pour le Rwanda. Partis d'un rond-point devant le parlement rwandais, les manifestants se sont dirigés aux portes du bureau secondaire du TPIR à Kigali, à trois kilomètres environ.

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Des dizaines de taxis-motos et de vélos ont été loués pour accompagner la marche de leurs klaxons, des mégaphones montés sur le toit d'une voiture scandaient des slogans. Un des conseillers du président Paul Kagame, l'ancien ministre de l'enseignement supérieur, Joseph Nsengimana - en qualité de président de l'Association de soutien aux rescapés du génocide, ASRG-Mpore (membre d'Ibuka) - des survivants du génocide membres du parlement, de nombreux élèves de diverses écoles secondaires de Kigali, et autres membres des associations de veuves du génocide participaient à la manifestation, organisée à l'occasion de la venue à Kigali de deux hautes personnalités du TPIR, le procureur Carla del Ponte et le greffier Adama Dieng.

"Le TPIR est manipulé par la France, pas de place pour les génocidaires au TPIR, le TPIR a failli à sa mission, nous décrions les procès inéquitables du TPIR, le TPIR torpille nos efforts de réconciliation et de reconstruction nationale, que le TPIR cesse de divulguer le secret des témoins, nous dénonçons le traitement humiliant et dégradant infligé aux témoins à charge, le TPIR bascule dans le négationnisme et le révisionnisme, pas de justice sans réparation, halte aux manœuvres dilatoires du TPIR, que le TPIR s'occupe de la sécurité des témoins, pourquoi le TPIR ne vient-il pas siéger sur les lieux du génocide?, pourquoi les rescapés ne sont-ils pas représentés au TPIR?", pouvait-on lire sur les pancartes des manifestants.

Aucun déploiement de sécurité propre au TPIR n'était visible. Seule la police rwandaise avait mis en place un véritable mur humain devant la grille du Tribunal, empêchant toute possibilité d'y approcher. La manifestation s'est déroulée dans le calme. Seul point noir au tableau : un jeune homme qui, avec une bombe à peinture, a gribouillé de noir l'emblème du TPIR sur le mur d'enceinte.

Dans une pétition adressée au TPIR, le collectif des associations des rescapés du génocide Ibuka estime que "huit procès achevés en huit ans, avec un budget colossal de six cent millions de dollars, est une honte, une parodie de justice". Ibuka reproche au Tribunal de "faire de plus en plus une amalgame entre les victimes et les bourreaux, et de semer la confusion dans les esprits. Comme tout négationniste, le Tribunal s'oriente vers l'idée de "double génocide" au Rwanda. C'est une tentative consciente et délibérée de torpiller les efforts de reconstruction du pays et de réconciliation du peuple rwandais". Selon Ibuka, "il apparaît de plus en plus que le Tribunal d'Arusha a un mandat caché de déstabiliser notre pays et ses institutions. Avec de telles visées, il est clair que le tribunal, à son tour, ne méritera plus la confiance du peuple rwandais".

Les différents orateurs ont souligné que les associations des rescapés du génocide "n'ont rien contre le TPIR en soi, mais qu'elles en ont contre certains de ses dirigeants ou employés". Ils ont réaffirmé la volonté des organisations membres d'Ibuka de coopérer avec le Tribunal, à condition que les choses changent. Sinon, Ibuka menace de rompre définitivement ses relations avec le Tribunal international. Il a déjà suspendu ses relations avec le TPIR depuis le mois de janvier dernier. Du coup, des rescapés du génocide n'ont pas pu aller témoigner, ce qui paralyse actuellement certains procès du TPIR en cours.
WK/DO/FH (RW0627A)