REACTIONS AU VERDICT DU TRIBUNAL MILITAIRE

Lausanne, 30 avril (FH) - Le dispositif du jugement rendu par le Tribunal militaire de division 2, présidé par le colonel Jean-Marc Schwenter, dans le procès de l'ancien bourgmestre de Mushubati, a été lu vendredi après-midi devant une salle comble. Une autre centaine de personnes attendaient dans les pas perdus du palais de justice, faute de place dans la salle.

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De nombreux Rwandais vivant en Suisse et des Suisses mariés à des Rwandaises étaient présents.

A l'énoncé du verdict, soit la condamnation à la prison à vie, des applaudissements ont éclaté dans la salle et dans les couloirs.

Victoire pour la justice selon le procureur et AJIR

L'auditeur militaire extraordinaire, le major Claude Nicati, s'est déclaré satisfait par ce verdict, même si le Tribunal militaire est allé au delà de son réquisitoire en interprétant différemment le code pénal militaire.

Soulignant le travail d'équipe accompli avec ses collaborateurs, le major Nicati a déclaré à l'agence Hirondelle que "ce verdict est surtout une victoire pour la justice, car pour la première fois, un Etat autre que le Rwanda est parvenu à mener jusqu'au bout la poursuite contre une personne impliquée dans le génocide de 1994.

Au nom de l'Association AJIR (Association pour une justice internationale au Rwanda), aujourd'hui dissoute, qui avait dénoncé le cas de l'ancien bourgmestre à la justice militaire, son ancienne présidente Maguy Correa s'est déclarée "fière que la Suisse ait été le premier pays à prendre au sérieux la recherche de responsables du génocide".

"Cette victoire de la justice, nous la dédions à tous ceux qui nous ont aidé dans notre enquête, en particulier au Rwanda, où ils ont pris des risques" a ajouté un autre responsable d'AJIR. Ce dernier a rappelé que cette association, mise en cause par les avocats de la défense, avait dénoncé trois cas en Suisse, qui ont tous abouti à des poursuites: celui de l'homme d'affaires Félicien Kabuga, celui d'Alfred Musema, actuellement jugé par le TPIR à Arusha, et celui de Fulgence Niyonteze.

La défense choquée

Les défenseurs de l'ancien bourgmestre, Me Robert Assael et Vincent Spira, ont annoncé immédiatement leur intention de faire appel de ce jugement, en déclarant que leur client continue à clamer son innocence.

Interrogés par l'agence Hirondelle, les avocats genevois se sont dit "déçus et choqués" par le verdict. Retenir des témoignages contradictoires ou incohérents est "excessif", relèvent-ils.

"Dire que notre client était proche du pouvoir est absolument excessif" a relevé Me Spira, qui estime en outre que le jugement n'est pas fondé juridiquement, à la lumière des Conventions de Genève.

Me Robert Assael a rappelé que la défense a été "très sensible à la problématique rwandaise" tout au long de ce procès, qui consistait à juger un homme "à partir d'un génocide qui n'a jamais été contesté par la défense". Dans sa plaidoirie, l'avocat s'était dit bouleversé par la tragédie qui a endeuillé le Rwanda.

Pour sa part, Me Spira a déclaré que l'on ne "ressort pas de deux ans et demi d'instruction et trois semaines de procès le même qu'auparavant". "Nous continuerons à lutter en appel pour défendre le point de vue de notre client" a-t-il conclu.

Réaction de l'association Ibuka

Pour l'association rwandaise Ibuka-Mémoire et Justice, le président de la section suisse, Gilbert Tshondo, a dit "saluer le courage de la Suisse, qui a accepté de faire cette première judiciaire". Interrogé par l'Agence Hirondelle, il a estimé que ce verdict rendu dans la sérénité, même s'il ne peut consoler les victimes, encourage son association à poursuivre son action.

"La Suisse ne sera plus une terre d'asile pour ceux qui ont organisé le génocide" a-t-il ajouté, en précisant que son association va continuer à poursuivre les criminels qui sont encore en Suisse et ailleurs, tout en s'attaquant au révisionnisme et au négationnisme.

PHD/DO/FH (FU§0430b)