UN ANCIEN MAIRE RWANDAIS JUGE PAR UN TRIBUNAL MILITAIRE SUISSE

Lausanne, 12 avril 99 (FH) L'ancien bourgmestre de la commune de Mushubati (préfecture de Gitarama, centre du Rwanda), Fulgence Niyonteze, sera jugé dès lundi par un tribunal militaire suisse. Il est accusé de crimes de guerre et de perpétrés au printemps 1994, au Rwanda.

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Le procès durera jusqu'au 30 avril prochain. C'est la première fois que la justice d'un autre Etat que le Rwanda juge un responsable présumé du génocide anti-tutsi et des massacres, qui ont fait entre 500'000 et 800'000 morts entre avril et juillet 1994 au Rwanda.

Contrairement au cas d'un autre Rwandais, l'ancien directeur de l'usine à thé de Gisovu, Alfred Musema, également poursuivi pour crimes de guerre par la justice militaire suisse, le Tribunal pénal international pour le Rwanda TPIR), installé par l'ONU à Arusha (Tanzanie), n'a pas demandé l'extradition de l'ancien maire de Mushubati, pour le juger lui-même.

Le jugement en Suisse d'un étranger pour des crimes de guerre commis à l'étranger est prévue par le code pénal militaire. La poursuite et le jugement sont confiés à la justice militaire. La Suisse est signataire des conventions internationales sur le droit de la guerre, notamment les Convention de Genève. Elle n'a en revanche pas encore ratifié la convention de l'ONU contre le génocide.

Asile politique en Suisse

Ingénieur de formation, l'accusé est âgé de 35 ans. Membre du parti MDR, il était maire de la commune de Mushubati au moment des événements de 1994. Au début du mois d'avril, il se trouvait en Europe pour un stage, mais il avait regagné sa commune alors que le génocide était toujours en cours.

En octobre 1994, Fulgence Niyonteze était arrivé avec sa famille en Suisse où il avait demandé et obtenu l'asile politique. Dénoncé par des particuliers et par l'organisation AJIR (Association pour une justice internationale au Rwanda), il a été arrêté à Fribourg en août 1996 et placé en détention préventive.

Le procureur militaire l'accuse d'assassinat, d'instigation à assassinat, de crimes de guerre, de crime contre l'humanité et de génocide. Ces derniers crimes ne sont pas expressément réprimés par le code pénal militaire et le tribunal militaire devra se prononcer sur la base du droit international coutumier.

Selon le procureur, l'ex maire aurait participé à une réunion au cours de laquelle il aurait appelé à tuer les Tutsis et les Hutus modérés et il aurait distribué des armes. L'accusé conteste les faits et se déclare innocent. Il est défendu par deux avocats suisses, Me Robert Assael et Me Vincent Spira, conseils d'office.

Témoins entendus au RWANDA
L'affaire sera jugée par le Tribunal militaire de division 2. La Cour devra se fonder essentiellement sur des témoignages et des dépositions d'experts. Elle s'est rendue au mois de mars dernier au Rwanda, en compagnie du procureur militaire, pour une visite des lieux et pour entendre des témoins, dont les dépositions ont été filmées en vidéo.

Les défenseurs n'ont pas accompagné le Tribunal au Rwanda, invoquant des raisons de sécurité. En revanche, ils se sont rendu le mois dernier à Arusha, avec la Cour et le procureur militaire, pour s'entretenir avec des responsables du TPIR.

Des mesures exceptionnelles de sécurité seront prises par la justice militaire. Les noms et les visages des témoins ne seront pas divulgués publiquement, par crainte de représailles. Les enregistrements video des témoignages recueillis au Rwanda ne seront pas projeté dans la salle d'audience.

Le réquisitoire et les plaidoiries devraient commencer le 27 avril prochain. Le verdict sera rendu le 30 avril dans l'après-midi.

DV/PHD/FH (FU§0411)