PEINES DE 12 A 20 ANS CONTRE QUATRE RWANDAIS JUGES A BRUXELLES

Bruxelles, 8 juin (FH) - La Cour d'assises de Bruxelles a infligé vendredi soir des peines allant de 12 à 20 ans de prison à quatre Rwandais condamnés pour participation au génocide de 1994. Sur requête du procureur, le Tribunal a ordonné l'arrestation immédiate des condamnés, qui disposent de 15 jours pour se pourvoir en cassation.

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L'ancien ministre et directeur d'usine Alphonse Higaniro, 51 ans, a été condamné à la peine la plus lourde, soit 20 ans de prison. L'ancien professeur à l'Université de Butare, Vincent Ntezimana, 39 ans a écopé de 12 ans de prison. Quant aux soeurs bénédictines du couvent de Sovu, la mère supérieure, soeur Gertrude (Consolata Mukangango), s'est vu infliger une peine de 15 ans de prison, alors que soeur Kizito (Julienne Mukabutera), son bras droit, a été condamnée à 12 ans de prison.

Le procureur avait requis la prison à vie contre les quatre coupables, à titre exemplaire, pour démontrer que la Belgique ne deviendra pas "une terre d'accueil pour les génocidaires" avait-il déclaré dans son réquisitoire. De son côté, la défense avait plaidé la clémence, invoquant des circonstances atténuantes, la nécessité de ne pas fermer la porte à la réconciliation,.ou encore des peines inférieures à la perpétuité prononcées par le Tribunal international pour le Rwanda à Arusha et par la justice suisse.

Verdict sévère

Les peines ont été fixées par les 12 jurés populaires et les magistrats composant la Cour d'assises. Auparavant, les jurés seuls avaient rendu un verdict de culpabilité à l'encontre des quatre accusés, au terme de quelque douze heures de délibération. La quasi totalité des charges figurant dans l'acte d'accusation ont été retenues, sauf dans le cas de l'universitaire Vincent Ntezimana. La sévérité de ce verdict, acquis pour certaines charges par 7 voix contre 5, surpris les parties civiles elles-mêmes,

L'industriel Alphonse Higaniro a été notamment reconnu coupable d'avoir ordonné à ses employés de "nettoyer" les lieux et de "faire le travail", en fait d'exterminer les Tutsis de la région. Le professeur Vincent Ntezimana a été principalement jugé coupable d'avoir établi des liste de Tutsis voués à être ensuite massacrés. Les deux sœurs bénédictines ont été reconnues coupables d'avoir contribué à la mort de quelque 5'000 Tutsis réfugiés dans leur couvent, en les livrant aux miliciens et en fournissant del'essence à ces derniers pour brûler vives les victimes.

A l'énoncé de la sentence, seul Vincent Ntezimana a laissé percevoir son émotion, alors que les trois autres condamnés sont restés de marbre.

Le procureur et les parties civiles ont accueilli avec satisfaction le verdict et la sentence, tout en relevant, pour certains avocats de la partie civile, sa sévérité. Des Rwandais proches des victimes et présent dans le public ont manifesté leur joie de voir leur action couronnée de succès, alors que les proches des condamnés ont échangé des adieux avec ceux-ci.

La seule réaction enregistrée de la part des défenseurs, à la sortie de l'audience, a été celle de l'un des avocats de sœur Gertrude, Me Cedric Vegauwen, pour qui ce procès a été celui du génocide, pas celui des prévenus, regrettant que les religieuses n'aient fait l'objet d'une instruction et d'un jugement séparée des deux autres accusés.

Compétence universelle

La justice belge a rendu son jugement en vertu de la compétence universelle qui lui est conférée par loi belge en matière de crimes contre l'humanité. Juridiquement, les condamnés l'ont été pour crimes de guerre, et non pour génocide, car la loi belge incluant le génocide est plus récente. Des pays en nombre croissant ont récemment adopté des lois instituant une compétence universelle pour ce genre de crimes, les autorisant à juger des cas quise sont produits n'importe où dans le monde.

La justice militaire suisse avait été la première à faire usage de cette compétence universelle pour poursuivre des Rwandais, dont l'un a été ensuite transféré au Tribunal international d'Arusha et l'autre, un ancien bourgmestre, condamné à 14 ans de prisons pour crimes de guerre. En Belgique, c'était en revanche la première fois qu'un jury populaire avait à se prononcer sur des crimes commis lors du génocide et des massacres systématiques perpétrés au Rwanda en 1994.

Les condamnés n'ont pas encore fait savoir s'ils entendent se pourvoir en cassation contre le verdict et la sentence de la Cour d'assises de Bruxelles. La Cour reprendra audience le 18 juin prochain pour examiner l'action civile des victimes.

RN/PHD/FH (BX0608A)