PORTFOLIO - Dessins d’enfants et violences de masse.
Dessin réalisé par un garçon rohingya du Myanmar (Birmanie), 12 ans, dans le camp de réfugiés de Balukhali, au Bangladesh, fin 2017. Il venait de fuir Boli Bazar, son village, avec sa famille. « Je me souviens des soldats qui entraient dans le village et mettaient le feu partout, ils tuaient et violaient les gens », dit le garçon. Source : UNICEF Bangladesh & COPEC / Déflagrations.
« Le sang du martyr ». Dessin de Amar, 6 ans, fait à Raqqa, Syrie, en 2012. Le petit garçon a vécu les attaques du régime de Bachar el-Assad avant de fuir avec sa famille en Turquie. Source : Alwane / Déflagrations.
Dessin de Mouhammed Ibrahim, 9 ans, quartier de Chiah, à Beyrouth, Liban, au début des années 1980. Source : Seta Manoukian, Les Enfants libanais et la Guerre, éditions Dar Al-Farabi / Photo Déflagrations
Dessin de Ezair, 9 ans, fait à New York en 2002. Elle était à l’école à Manhattan quand les avions ont frappé les tours, le 11 septembre 2001. Avant de faire ce dessin, un an plus tard, elle a hurlé : « Je ne veux pas parler du World Trade Center et je ne veux pas y penser, parce que sinon je pense que cela pourrait encore arriver. » Source : Loyan Beausoleil et Gabe Kirchheimer, « The Youngest Witnesses Project ».
Dessin de Svetlana Levitskaya-Chulkova, envoyé à sa mère au camp de Siblag, en Sibérie, Russie, en 1941, qui représente Vassilli Tchapaïev, un héros légendaire de la guerre civile russe mort en 1919. Les parents de Svetlana ont été victimes de la répression en 1937 et celle-ci a vécu quelques années dans des orphelinats. Copyright : Memorial International.
Dessin réalisé par un enfant polonais déporté en Union soviétique, en 1942. Des Inscriptions manuscrites y figurent : en bas à gauche, « Les bolcheviques chassent la population civile des wagons dans lesquels les Polonais sont déportés » ; et en bas au centre, « Nous avons vu cette scène du wagon ! » Source : Poland. Ministerstwo Informacji i Dokumentacji records, Hoover Institution Library & Archive.
Dessin fait par un garçon du Darfour, 13 ans, en 2005. Il raconte : « Je suis en train de surveiller les moutons dans le wadi (lit de la rivière, ou oasis). Je vois les janjawids qui arrivent rapidement à cheval et sur des chameaux, armés de Kalachnikovs. Ils tirent et ils hurlent ‘tuez les esclaves, tuez les noirs’. J’ai vu des gens tomber à terre, en sang. Ils ont poursuivi les enfants. » Source : Human Rights Watch.
Dessin d’un enfant tutsi du Rwanda, réalisé le 3 octobre 1997. Mentions manuscrites : « Les évènements de 1994 » ; « Désolé, les interahamwe m’ont coupé le bras » ; « Celui du camp de Habyarimana ». Source : Witness to Genocide : Drawings by Child Survivors of the Rwandan Genocide of 1994, Richard A. Salem, avec l’autorisation de Friendship Press, National Council of Churches of Christ in the USA © 1994
Dessin fait par un garçon de 16 ans, dans le camp de déplacés de Mugunga, dans la périphérie de Goma, République démocratique du Congo, 2012. Source : Unicef Goma, Est RDC / Déflagrations.
Dessin d’un garçon de 15 ans, réfugié érythréen dans un centre de détention pour migrants en Libye, qui a pris la route de l’Europe à 12 ans après la mort de son père, est arrivé en Libye en 2017, a été vendu à des trafiquants d’êtres humains et a passé deux ans dans des prisons clandestines avant d’être libéré et de tenter la traversée de la Méditerranée durant l’été 2019. Leur bateau a coulé. Plus de 130 personnes sont mortes. Il a vu nombre d’entre elles se noyer sous ses yeux, dont un père gardant ses deux enfants contre lui. Source : Médecins sans frontières / Déflagrations.
Ces témoignages dessinés affranchis des jugements adultes semblent effacer la hiérarchie des guerres et du temps. Ils documentent les violences de masse avec une fidélité quasi-judiciaire. C’est dit-elle « une minuscule constellation d’un peu plus de 150 dessins qui traversent un siècle », qu’a présenté cet été Zérane S. Girardeau, la commissaire de l’exposition « Déflagrations », au Fort Saint-Jean de Marseille (Sud de la France). Méthodiquement, Girardeau a entrepris cette collecte dès 2012, avec son association Déflagrations, dont le travail et la reconnaissance ne font que s’étendre. « Les instants de pillages, d’assassinats, de profanations, sont comme inscrits sur les rétines des enfants », décrit-elle ; et le trait de leurs dessins nous permet de regarder en face l’irregardable, « d’entrer dans la scène et d’approcher l’expérience intime des pires violences ». Dans ce portfolio, Justice Info reproduit une sélection de dix dessins présentés dans cette exposition organisée par le Mucem.
« Dessins d’enfants et violences de masse »
Le catalogue de l'exposition, disponible en ligne sur le site du Mucem et en France en librairies, permet de prolonger l’expérience.
*Yusra Ahmed. Palestinien. Camp de Bak'a en Jordanie. In M. Soudi, "Le temps de la guerre : témoignages d'enfants", 1970.