30 ans après : qui a été condamné pour les crimes de Srebrenica ?

Au total, trente ans après, 54 personnes ont été condamnées à 781 années de prison pour le génocide et d’autres crimes commis à Srebrenica. Mais les procès se font de plus en plus rares, tout comme les preuves suffisantes. À l’occasion du 30e anniversaire du génocide, Detektor*, en collaboration avec Justice Info, présente un aperçu des verdicts rendus pour génocide, ainsi qu’un rappel des moments clés du travail des instances judiciaires nationales et internationales dans la poursuite de ces crimes.

Srebrenica 30 ans après : qui a été condamné pour le génocide ? Photo : au premier plan, l'inscription 'Srebrenica - Juli 1995' et en arrière-plan, une femme voilée se recueille devant le mémorial affichant les noms des victimes.
Photo prise au cimetière commémoratif de Srebrenica-Potocari. En juillet 1995, les forces serbes bosniaques ont tué plus de 8 000 hommes et adolescents musulmans bosniaques dans la zone de « sécurité » de l’Onu autour de la ville de Srebrenica, dans l'est de la Bosnie. Photo : © Elvis Barukcic / AFP
Republier

Une mère de trois garçons et d’une fille, qui vivait avec ses enfants et son mari juste à l’extérieur de Srebrenica, a été soulagée lorsqu’elle est arrivée à Potocari, où se trouvait le complexe des Nations unies, le 11 juillet 1995. À ce moment-là, son fils aîné et son mari étaient déjà partis à travers la forêt avec d’autres hommes pour tenter de rejoindre Tuzla.

À Potocari, avec ses deux autres fils et sa fille, elle a passé deux jours à essayer de monter dans l’un des convois pour fuir la ville de Srebrenica, qui avait été prise par l’Armée de la Republika Srpska (VRS). « Après tout ce que j’avais vu, après avoir vu des gens être séparés, je n’ai cessé de remercier Dieu, car il semblait que nous avions réussi – moi, mes enfants et nos amis », a-t-elle témoigné en tant que témoin protégée.

Mais un soldat de la VRS a repéré son fils. « Je l’ai supplié : pourquoi l’emmenez-vous ? Il est né en 1981 », se souvient-elle lors de son témoignage. Elle l’a serré fort dans ses bras, mais le soldat a attrapé son fils par le bras et l’a traîné vers la gauche. Son enfant s’est alors retourné et lui a demandé de garder son sac. « C’est la dernière fois que j’ai entendu sa voix », a-t-elle déclaré devant le Tribunal pénal international pour l’ex-Yougoslavie (TPIY) le 26 juillet 2000.

Krstic, la première condamnation pour génocide à Srebrenica

Les juges du TPIY ont cité son témoignage lorsqu’ils ont rendu leur premier jugement pour le génocide de Srebrenica, contre l’ancien général de l’armée de la Republika Srpska, Radislav Krstic. Krstic était commandant de la deuxième brigade motorisée Romanija jusqu’en septembre 1994. Il a ensuite été chef d’état-major du corps de la Drina de la VRS, puis promu général en juin 1995. Début novembre 1998, il a été mis en accusation pour génocide, crimes contre l’humanité et violations des lois et coutumes de la guerre pour son rôle dans les événements qui se sont déroulés dans et autour de l’enclave de Srebrenica entre le 11 juillet 1995 et le 1er novembre 1995.

En 2004, il a été condamné à 35 ans de prison pour aide et complicité de génocide à Srebrenica. Avec ce verdict, il est devenu le premier Européen condamné pour génocide.

Dans son verdict de première instance contre Krstic, la chambre du TPIY a conclu que les musulmans bosniaques avaient été tués et gravement blessés en raison de leur appartenance religieuse et du plan de nettoyage ethnique de l’enclave. Les juges ont qualifié de délibérée la décision de tuer les hommes, rendant impossible la survie de la population bosniaque musulmane de Srebrenica. « En d’autres termes, ce qui était un nettoyage ethnique est devenu un génocide. La Chambre de première instance est également convaincue, au-delà de tout doute raisonnable, qu’un crime de génocide a été commis à Srebrenica », ont estimé les juges.

Ce jugement, ainsi que d’autres, « constituent le fondement de la justice pénale internationale et ont joué un rôle clé dans l’établissement de la vérité et de la responsabilité des crimes les plus graves commis pendant les conflits des années 1990 en ex-Yougoslavie, y compris le génocide de Srebrenica », a déclaré à Detektor le Mécanisme international appelé à exercer les fonctions résiduelles des Tribunaux pénaux (« Mécanisme »), qui a succédé au TPIY. Le travail du TPIY et du Mécanisme a été essentiel pour traduire en justice les auteurs de haut rang et établir le fait qu’un génocide a eu lieu à Srebrenica en juillet 1995, ce qui a également été confirmé judiciairement par la Cour internationale de justice (CIJ), a déclaré le Mécanisme.

Outre Krstic, dix-sept autres personnes ont été condamnées à La Haye pour génocide et autres crimes commis à Srebrenica et dans ses environs. Parmi elles figurent Radovan Karadzic, Ratko Mladic, Zdravko Tolimir, Vujadin Popovic et Ljubisa Beara, qui ont tous été condamnés à la prison à perpétuité.

Commandants militaires condamnés pour crimes commis à Srebrenica
Infographie : © Detektor / BIRN BIH

Confessions ou excuses en vue de bénéfices

Krstic purge toujours sa peine en Estonie et s’est vu refuser à plusieurs reprises une libération anticipée. Dans sa dernière demande en 2024, Krstic a reconnu sa responsabilité. « J’accepte les verdicts rendus par le tribunal en 2001 et 2004, qui ont établi que les forces de l’armée à laquelle j’appartenais ont commis un génocide contre les Bosniaques à Srebrenica en juillet 1995, et que j’ai aidé et encouragé ce génocide en sachant que certains membres de l’état-major avaient l’intention de le commettre », a écrit Krstic au Mécanisme.

Contrairement à Krstic, la demande de libération anticipée de Vinko Pandurevic a été acceptée. Il a exprimé ses regrets de ne pas avoir fait davantage pour empêcher ces événements horribles et a présenté ses excuses aux victimes. Le tribunal de La Haye a également approuvé les demandes de Momir Nikolic, Drazen Erdemovic et Dragan Obrenovic. Ils ont reconnu leur culpabilité lors de leurs procès.

En mai 2023, Nikolic a conclu un accord avec le ministère public, acceptant de témoigner dans d’autres procès liés à Srebrenica. Il a également témoigné aux procès de Vidoje Blagojevic et Dragan Jokic, avec lesquels il était accusé à l’origine. « Je tiens sincèrement à exprimer mes regrets et mes remords profonds et sincères devant cette honorable cour et devant le public, en particulier le public bosniaque, pour le crime qui a eu lieu, et à présenter mes excuses aux victimes, à leurs familles et au peuple bosniaque pour ma participation à ce crime », a déclaré Nikolic dans ses aveux. Il a affirmé que, par ses aveux, il souhaitait contribuer à la vérité sur Srebrenica et ses victimes.

Erdemovic a été le premier à reconnaître sa culpabilité. Il a déclaré qu’il était désolé pour toutes les victimes, ajoutant qu’il devait avouer pour elles et pour lui-même. Dans son témoignage, Obrenovic a déclaré que ses aveux déchargeaient son peuple de toute responsabilité et qu’il serait heureux de pouvoir contribuer à la réconciliation entre les peuples de Bosnie-Herzégovine. « Je serai heureux si mon témoignage aide les familles des victimes en leur évitant de témoigner à nouveau et de revivre toute la douleur qu’elles endureraient certainement lors de leurs témoignages. Je souhaite que mon témoignage contribue à faire en sorte que cela ne se reproduise plus jamais, nulle part », a-t-il déclaré.

« Nous avons mené une analyse et nous avons découvert que, après leur libération, chacun d’entre eux, sans exception, est revenu à ses positions initiales avant de remplir sa demande de libération anticipée » », a déclaré Murat Tahirovic, président de l’Association des victimes et témoins du génocide, affirmant que les accusés n’avaient pas dit la vérité. Les représentants des victimes ont remis cette analyse au tribunal de La Haye, qui a déclaré en tenir compte dans ses décisions concernant les demandes de libération anticipée des accusés.

Vous trouvez cet article intéressant ?
Inscrivez-vous maintenant à notre newsletter (gratuite) pour être certain de ne pas passer à côté d'autres publications de ce type.

Établir l’intention génocidaire

Presque immédiatement, en juillet 1995, le TPIY a mis en accusation 24 personnes, dont Karadzic et Mladic, pour les événements qui venaient de se produire à Srebrenica. Les actes d’accusation, visant les personnes directement responsables des atrocités commises contre la population musulmane bosniaque dans la zone protégée de Srebrenica, ont été déposés à nouveau le 16 novembre 1995.

Ils ont été confirmés par le juge Fouad Abdel-Moneim Riad, qui a déclaré que les preuves présentées par l’accusation décrivaient des scènes d’une barbarie inimaginable, où des milliers d’hommes ont été exécutés et enterrés dans des fosses communes, des centaines ont été enterrés vivants, des hommes et des femmes ont été mutilés et massacrés, des enfants ont été tués devant leur mère, un grand-père a été contraint de manger le foie de son petit-fils. « Ce sont là de véritables scènes de l’enfer, inscrites dans les pages les plus sombres de l’histoire de l’humanité », a déclaré le juge Riad en novembre 1995.

Après avoir été inculpé, Mladic a été en fuite pendant 16 ans. Il s’est installé en Serbie en 1997, où il a été arrêté par des membres de l’unité spéciale de la police serbe dans le village de Lazarevo, le 26 mai 2011. Il a ensuite été extradé vers La Haye, où son procès a débuté un an plus tard. En sa qualité d’ancien commandant du principal état-major de la VRS du 12 mai 1992 au 8 novembre 1996 au moins, il a été condamné en 2021 à la prison à perpétuité pour génocide, crimes contre l’humanité et violation des lois et coutumes de la guerre.

Un scénario similaire s’est produit dans le cas de Karadzic, ancien président de la Republika Srpska, qui a été condamné en 2019 à la prison à perpétuité pour génocide et autres crimes de guerre commis en Bosnie-Herzégovine. Karadzic vivait en Serbie sous le faux nom de Dragan Dabic, qui pratiquait la médecine bioénergétique, dans le quartier de Novi Beograd, et a été arrêté dans un bus des transports publics.

Dans les jugements Mladic et Karadzic, l’intention génocidaire a été établie. Il a été clairement indiqué que, lorsqu’un génocide est fondé sur l’intention de détruire « en partie » un groupe, cette partie doit constituer une partie substantielle de l’ensemble du groupe protégé.

Le jugement Krstic a déclaré que l’intention de détruire un groupe « en tant que tel » fait du génocide un crime particulièrement grave, ce qui le distingue d’autres crimes graves tels que, par exemple, la persécution en tant que crime contre l’humanité. « Le terme « en tant que tel » est très important car il montre que le crime de génocide nécessite l’existence d’une intention de détruire un groupe de personnes qui ont une certaine identité collective fondée sur l’appartenance nationale, raciale, ethnique ou religieuse », indique le verdict, ajoutant que les principaux membres du principal état-major de la VRS ont planifié les meurtres des prisonniers masculins, en pleine connaissance des conséquences néfastes que cela pourrait avoir sur la survie de la communauté musulmane bosniaque.

Le TPIY, une référence essentielle pour les juges nationaux

Le jugement Krstic a également établi qu’en juillet 1995, entre 7 000 et 8 000 Bosniaques de Srebrenica et des environs ont été tués, et qu’un grand nombre de femmes, d’enfants et de personnes âgées ont été déplacés de force. Après les exécutions, les victimes ont été enterrées dans des fosses communes, puis exhumées plus tard et ré-enterrées dans des fosses secondaires en septembre et octobre 1995, comme l’ont démontré de nombreux éléments de preuve présentés devant le tribunal de La Haye, puis en Bosnie-Herzégovine (BIH).

Azra Miletic, ancienne juge de la Cour de Bosnie-Herzégovine, estime que les procès en Bosnie-Herzégovine et les verdicts rendus pour génocide et autres crimes à Srebrenica n’auraient pas été possibles sans la jurisprudence du TPIY. Elle ajoute que la jurisprudence n’est pas une source de droit, mais constitue un facteur important lorsqu’il s’agit de comparer des situations factuelles et juridiques.

« Le tribunal de La Haye a établi sa jurisprudence, à laquelle nous nous sommes le plus référés à l’origine, car nous n’avions aucune autre source de droit relative aux crimes de guerre. Vous savez que nous n’avions jamais jugé de tels actes auparavant », a déclaré Miletic, rappelant qu’elle avait été la première juge nationale à siéger dans une chambre d’appel aux côtés de deux juges étrangers. Elle rappelle qu’il a fallu que plusieurs affaires soient jugées en deuxième instance pour qu’elles puissent être considérées comme une jurisprudence pertinente.

Auteur directs condamnés pour crimes commis à Srebrenica
Infographie : © Detektor / BIRN BIH

Des procès qui durent en moyenne cinq ans et demi

Après avoir été inculpé à La Haye en 2006 pour génocide, crimes contre l’humanité et violation des lois ou coutumes de la guerre, Milorad Trbic a été accusé sur la base d’un acte d’accusation élargi par le parquet devant la Cour de Bosnie-Herzégovine. En sa qualité de chef adjoint de la sécurité de la brigade Zvornik de la VRS, il était l’un des chefs de la police militaire à Srebrenica en juillet 1995.

Son dossier a été le premier à être transféré aux autorités bosniaques pour des poursuites. Il a été condamné à 20 ans de prison par le tribunal d’État et purge actuellement sa peine. La Cour de BIH a reconnu Trbic coupable d’avoir participé, entre le 10 juillet et le 30 novembre 1995, à une entreprise criminelle et à des opérations visant à capturer, détenir et exécuter des habitants de Srebrenica, ainsi qu’à dissimuler leurs corps.

Le procès de Trbic s’est déroulé de novembre 2007 à février 2015. Selon les données recueillies par Detektor, les procès pour génocide et autres crimes commis à Srebrenica ont duré en moyenne cinq ans et demi devant les tribunaux nationaux et internationaux.

Le procès le plus long, en raison d’une procédure répétée, a duré 15 ans devant le TPIY. Il s’agissait du procès de Jovica Stanisic et Franko Simatovic, anciens dirigeants du Service de sécurité de l’État serbe. Ils ont été condamnés, entre autres crimes, pour le meurtre de six prisonniers bosniaques de Srebrenica, commis par des membres de l’unité paramilitaire Scorpions à Trnovo en juillet 1995.

28 condamnations en Bosnie pour Srebrenica

Outre Trbic, le tribunal de Bosnie-Herzégovine a également condamné Radomir Vukovic, Aleksandar Radovanovic, Branislav Medan, Brano Dzinic, Slobodan Jakovljevic, Milenko Trifunovic, Mendeljev Djuric, Zeljko Ivankovic, Slavko Peric et Ostoja Stanisic pour génocide à Srebrenica.

La peine de prison la plus longue prononcée par le tribunal de Bosnie-Herzégovine a été de 35 ans pour Franc Kos, pour crimes contre l’humanité. Kos a témoigné pour sa défense dans cette affaire, et le tribunal a déclaré dans son jugement qu’il avait révélé un certain nombre de faits qui n’étaient pas connus auparavant et qu’il avait exprimé des remords pour ses actes. Dans son témoignage, il a déclaré avoir dirigé un groupe qui a commis le massacre d’hommes dans la ferme militaire de Branjevo, près de Srebrenica, où il a activement participé aux fusillades et « vérifié » la mort des blessés.

« Les personnes qui ont été amenées là-bas avaient les yeux bandés, certaines sanglotaient, d’autres gémissaient, d’autres encore maudissaient, mais dans l’ensemble, elles se dirigeaient calmement vers le lieu d’exécution », a témoigné Kos.

Selon les verdicts, environ 800 personnes ont été tuées à Branjevo le 16 juillet, et il a été établi que des membres de la compagnie du génie de la brigade de Zvornik ont participé à l’excavation de fosses communes sur ce site le 17 juillet.

La Cour de Bosnie-Herzégovine a condamné 28 personnes à un total de 464 ans de prison pour génocide et autres crimes commis à Srebrenica. Cinq affaires sont en cours devant cette Cour pour des crimes commis à Srebrenica.

L’une d’entre elles est suspendue depuis trois ans en raison de l’incapacité de l’accusé Mile Kosoric à participer à la procédure. Kosoric est accusé, en sa qualité de commandant de la brigade Vlasenica de la VRS, d’avoir arrêté des véhicules dans le village de Luke avec d’autres membres de cette unité, saisi l’argent et l’or des civils, puis de les avoir dirigés vers Kladanj. Comme indiqué dans l’acte d’accusation, les membres de la brigade de Vlasenica ont séparé les femmes et les ont violées, puis ont abattu 21 hommes capturés à Mrsici dans la nuit du 13 au 14 juillet 1995.

Autres auteurs de crimes à Srebrenica - Gardes et personnel logistique
Infographie : © Detektor / BIRN BIH

« Il est de plus en plus difficile de poursuivre les individus restants »

Entre fin 2023 et mi-2025, le parquet de Bosnie-Herzégovine a déposé quatre actes d’accusation contre 22 personnes en relation avec Srebrenica. Ces actes d’accusation concernent des événements qui se sont déroulés dans les villages de Bisina, Kozluk, Orahovac et Milici.

Ibro Bulic, ancien procureur général, estime qu’il est toujours nécessaire de s’appuyer sur les faits judiciaires établis, mais que le temps n’est pas un bon allié dans le traitement des crimes de guerre. « J’ai l’impression qu’il sera de plus en plus difficile de trouver des preuves et de poursuivre les derniers individus impliqués dans le génocide », a déclaré Bulic.

Tahirovic, président de l’association des victimes du génocide, souligne qu’une approche plus sérieuse est nécessaire pour poursuivre les crimes de guerre et ne croit pas qu’il y ait une pénurie de témoins, compte tenu des décisions du tribunal de La Haye, qui contiennent des preuves sur la base desquelles des enquêtes pourraient être ouvertes.  « Les preuves peuvent être utilisées. Elles sont devenues des jurisprudences ; il s’agit seulement d’une question de volonté d’ouvrir des enquêtes », a déclaré Tahirovic.

Pour l’ancienne juge Miletic, les procès se déroulent lentement et les actes d’accusation sont de moins bonne qualité. « Quand l’acte d’accusation est mauvais, le procès n’est pas de qualité. Je vois immédiatement ce qui n’est pas décrit. Si vous ne décrivez pas un acte, vous ne pouvez pas le prouver pendant le procès », a déclaré Miletic à propos des lacunes dans le traitement actuel des crimes de guerre.

Fuite des personnes accusées de génocide

Le TPIY et le Mécanisme ont désormais achevé leur travail sur les affaires de crimes de guerre en Bosnie-Herzégovine. Il reste désormais à aider la justice nationale à faire sa part, a déclaré le procureur Serge Brammertz lors d’une précédente visite en Bosnie-Herzégovine.

« Étant donné que les constitutions de ces pays interdisent l’extradition de leurs citoyens vers d’autres pays [...], la seule façon de rendre justice dans ces affaires est de transférer les poursuites pénales vers les pays où se trouvent les suspects », a déclaré Brammertz, commentant le cas des accusés de crimes de guerre vivant en dehors de la Bosnie-Herzégovine.

En 2021, Milomir Savcic, président de l’organisation des anciens combattants de la Republika Srpska, est devenu le premier inculpé du génocide de Srebrenica à ne plus être disponible pendant la procédure. Savcic a plaidé non coupable des accusations portées contre lui : en sa qualité de commandant du 65e régiment motorisé de protection de l’état-major principal de la VRS, il est accusé d’avoir planifié, commandé et supervisé les activités de ses subordonnés lors de la capture de plusieurs centaines d’hommes bosniaques dans la région de Nova Kasaba. Mais lorsque Savcic a été placé en détention provisoire, il s’est enfui et un mandat d’arrêt international a été émis contre lui. On suppose qu’il s’est rendu en Serbie.

Un nombre important de suspects et de personnes accusés de crimes de guerre se trouvent en Serbie, ce qui empêche de les poursuivre. La pratique consistant à prononcer des actes d’accusation contre des personnes qui ne sont pas à la disposition de la justice bosniaque a déjà été soulignée par la juge Joanna Korner, ancienne procureure du TPIY, dans ses deux rapports de 2016 et 2020 sur le traitement des crimes de guerre en Bosnie-Herzégovine. Elle estime qu’en engageant des poursuites contre des fugitifs, on dépense inutilement des ressources qui pourraient être utilisées autrement, pour les auteurs présumés résidant dans le pays.

Les procureurs nationaux n’ont pas souscrit à cette évaluation, expliquant qu’il était important de déposer un acte d’accusation pour chaque crime, dans l’intérêt des victimes et de la vérité.

Six condamnations en Serbie pour Srebrenica

Dans les affaires qui ont jusqu’à présent été transférées à la Serbie pour des crimes commis à Srebrenica, six verdicts ont été rendus.

Brano Gojkovic, ancien membre de la dixième brigade de sabotage de la VRS, a été condamné en Serbie à 10 ans de prison – après avoir plaidé coupable sur le chef d’accusation de meurtre de plusieurs centaines d’habitants et conclu un accord avec le procureur de Srebrenica à la ferme militaire de Branjevo, le 16 juillet 1995.

En Bosnie-Herzégovine, Kos a été condamné à 35 ans de prison pour sa participation à ce crime, Stanko Kojic à 32 ans, Zoran Goronja à 30 ans et Vlastimir Golijan à 15 ans.

En Serbie, d’anciens membres des Scorpions – Slobodan Medic, Branislav Medic, Pero Petrasevic et Aleksandar Medic – ont été condamnés à un total de 53 ans de prison. Le jugement stipule que les meurtres des habitants de Srebrenica près de Trnovo ont été commis pendant « a guerre civile qui a opposé, dans la République de Bosnie-Herzégovine d’alors, les membres des forces armées serbes, croates et musulmanes ».

En Croatie, d’anciens membres des Scorpions – Milorad Momic et Slobodan Davidovic – ont été condamnés à 15 ans de prison chacun pour le meurtre d’habitants de Srebrenica près de Trnovo. Les images des massacres, rendues publiques en 2005, restent l’une des preuves les plus perturbantes des crimes commis à Srebrenica et font partie de la mémoire collective en Bosnie-Herzégovine, ainsi qu’en Serbie, de la cruauté du génocide.


* Detektor est un média de l'agence BIRN BIH (Réseau d'investigation des Balkans en Bosnie-Herzégovine) dédié à l’information sur les crimes de guerre, la justice transitionnelle, la corruption, les droits numériques, l’influence étrangère et les droits humains.

Republier
Justice Info est sur Bluesky
Comme nous, vous étiez fan de Twitter mais vous êtes déçus par X ? Alors rejoignez-nous sur Bluesky et remettons les compteurs à zéro, de façon plus saine.