22.10.07 - CANADA/GENOCIDE - À MONTRÉAL, INTERROGATIONS SUR LES GACACAS

Montréal, 22 octobre 2007 (FH) – Des rescapés rwandais ont déclaré lors de la Conférence mondiale sur la prévention du génocide qui s'est tenue récemment à Montréal que les témoins et accusés des Gacacas n'étaient pas en sécurité.

2 min 47Temps de lecture approximatif

« Les témoins se font menacer, ils se font jeter des pierres. Leur sécurité, et celle des accusés, n'est vraiment pas assurée », a déclaré l'un des 15 Rwandais qui, en direct du Centre mémorial de Kigali, discutait samedi 13 octobre avec les conférenciers réunis à Montréal.

Si le thème de la discussion était originellement « Face à l'histoire et à nous-mêmes: Que serait un monde sans génocide ? », il a vite été question des Gacacas, ces tribunaux inspirés de la justice traditionnelle rwandaise que Kigali a réactivés en 2001 afin d'accélérer le jugement de 120 000 individus en attente dans les prisons du pays.

Ainsi, face à un auditoire curieux de savoir si cette forme de justice inédite était un succès, les Rwandais ont fourni des avis partagés : « C'est une façon de réconcilier les gens sans utiliser trop de temps », pensait un survivant, « une nouvelle cause de traumatisme », soutenait un autre, qui ajoutait que « des rescapés se font encore tuer aujourd'hui, du fait de leur participation » aux Gacacas.

En effet, de nombreux rescapés et témoins du génocide ont été victimes d'agressions au cours de ces derniers mois, le dernier événement en date étant l'assassinat du président d'une juridiction Gacaca, il y a tout juste une semaine.

Pour les juristes et membres d'ONG réunis à Montréal, les Gacacas constituent une réelle source d'interrogation. "On est coincé entre le TPIR et les Gacacas », déclarait à l'issue de la vidéo-conférence, René Provost, professeur à l'Université McGill.

« D'un côté, il y a le TPIR que l'on accuse d'être trop loin du Rwanda, d'avoir traité des victimes de manière indigne, d'être trop sélectif, et, de manière générale, d'être trop éloigné de la réalité rwandaise. Et, d'un autre côté, on a les Gacacas, à qui l'on reproche d'être des modèles mal adaptés à des crimes de l'ampleur d'un génocide et dont le résultat est souvent plus d'injustice pour les accusés, mais aussi parfois pour les témoins », a dit à l'Agence Hirondelle M. Provost, qui dirige notamment le Centre sur les doits de la personne et le pluralisme juridique

M. Provost, qui présidait cette vidéo-conférence, a expliqué en outre qu'en organisant une discussion Montréal–Kigali, il était possible d'échapper au façonnage nord-américain subi par les Rwandais réfugiés au Canada. « Les expatriés ont des regards qui ont été transformés par le fait d'être immergés dans une société nord-américaine. Aussi, on se méfiait de nous - même en ne reconnaissant pas cette influence dans ce que les gens nous disaient : d'où l'idée de parler directement à des gens restés à Kigali », a expliqué le Professeur québécois.

Pour cette vidéo-conférence, une seconde salle de retransmission avait dû être aménagée tant l'affluence était grande dans l'amphithéâtre de l'Université McGill, l'institution à l'origine de cette conférence qui, en trois jours, a réuni plus de 500 universitaires, représentants d'ONG, dirigeants d'organisations internationales, juristes et journalistes.

CS/PB/GF
© Agence Hirondelle