30.11.07 - TPIR/SYNTHESE HEBDOMADAIRE - TROIS AUDIENCES DE LA CHAMBRE D’APPEL AU COURS DE LA SEMAINE

Arusha, 30 novembre 2007 (FH) - La chambre d’appel du Tribunal pénal international pour le Rwanda (TPIR) a tenu trois audiences cette semaine à Arusha, au cours desquelles elle a notamment rendu des arrêts dans deux affaires, dont celle des médias.  

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Le jugement médias qui concerne Ferdinand Nahimana, 57 ans, et Jean- Bosco Barayagwiza, 57 ans, deux fondateurs de la Radio- télévision libre des mille collines (RTLM), ainsi que Hassan Ngeze, 50 ans, directeur et rédacteur en chef du journal Kangura, avait été prononcé le 3 décembre 2003 en première instance. Nahimana et Ngeze avaient été condamnés à l’emprisonnement à vie, Barayagwiza à 35 ans de détention.

La chambre d’appel a réduit ces peines. Nahimana a été condamné à 30 ans de prison, Barayagwiza à 32 et Ngeze à 35. Les juges d’appel ont annulé plusieurs condamnations notamment pour des faits antérieurs à 1994. La compétence temporelle du TPIR couvre la seule année 1994.

Nahimana a été condamné pour des émissions incitant au génocide diffusées par la RTLM après le 6 avril 1994 en raison du fait qu’il n’a pas puni ses subordonnés, les journalistes de la station, alors qu’il savait ou avait des raisons de savoir qu’ils commettaient des crimes.

La responsabilité de Barayagwiza n’a pas été retenue par les juges d’appel en ce qui concerne la RTLM. Ils l’ont en revanché condamné pour avoir, entre autres, incité les militants de son parti, la Coalition pour la défense de la République (CDR), à commettre le génocide à Kigali et pour planification de l’extermination des Tutsis à Gisenyi (nord-ouest).

S’agissant de Ngeze, la chambre d’appel l’a reconnu coupable d’avoir aidé et encouragé le génocide à Gisenyi et d’avoir incité à la commission de ce crime par le biais d’articles publiés dans son journal en 1994.

L’avocat de Nahimana, Me Jean-Marie Biju Duval (France), a fortement critiqué cet arrêt. « Vous ne trouverez aucune décision des tribunaux internationaux condamnant quelqu’un à 30 ans pour omission », a-t-il dit, affirmant que la justice « a ouvert un œil mais elle est restée partiellement borgne » en l’espèce.

Le second arrêt rendu par la chambre d’appel cette semaine concerne le colonel Aloys Simba, un compagnon d’armes de l’ex-président rwandais Juvénal Habyarimana. La chambre a confirmé la peine de 25 ans de prison qui lui avait été imposée par les juges de première instance le 13 décembre 2005.

Simba a été reconnu coupable d’avoir joué un rôle dans les massacres perpétrés en 1994 contre des Tutsis en différents endroits de la préfecture Gikongoro (sud-ouest), notamment à l’école technique de Murambi où sont tombées environ 50.000 victimes, selon des rescapés.

Officier à la retraite au moment du génocide, Simba n’exerçait plus de fonction officielle mais il avait été rappelé sous les drapeaux, en tant que chef de la défense civile dans la préfecture de Gikongoro et celle de Butare voisine. Né en 1938 à Musebeya dans Gikongoro, le colonel Simba fait partie des auteurs du coup d’Etat du 5 juillet 1973 qui porta au pouvoir le général- major Juvénal Habyarimana. La troisième audience devant la chambre d’appel cette semaine concerne l’abbé Athanase Seromba, ancien vicaire à la paroisse de Nyange dans l’ouest. Il a été condamné à quinze ans de prison le 12 décembre 2006. Le procureur et le prêtre ont fait appel. En plaidant les motifs d’appel, le procureur a allégué que la peine infligée à Seromba n’était pas proportionnelle aux crimes commis. Seromba a été reconnu coupable d’avoir facilité le massacre de plus de 1.500 Tutsis qui s’étaient réfugiés dans son église en avril 1994. L’accusation a requis la prison à vie.

Pour sa part, le conseil de la défense, Me Patrice Monthé (Cameroun), a dénoncé « le caractère fragile et extrêmement ténu des preuves de l’accusation ». Il a en conséquence estimé que les premiers juges étaient « allés trop vite en besogne ». «Il (Seromba) a fait tout ce qui était en son pouvoir » pour s’opposer au massacre, a plaidé Me Monthé, soulignant que son client « n’avait aucune autorité sur qui que ce soit ». Me Monthé a souligné que même le général canadien Roméo Dallaire, qui commandait la Mission militaire des Nations unies au Rwanda en 1994, n’avait pu rien faire pour arrêter le génocide.

La chambre d’appel avait par ailleurs prévue une audience dans l’affaire Tharcisse Muvunyi, un officier condamné à douze ans de prison le 12 septembre 2006. Elle a été cependant reportée à l’année prochaine en raison de la maladie du conseil de la défense.

Côté chambres de première instance, les débats se sont poursuivis dans quatre affaires : Butare, Militaires II, Karemera et Zigiranyirazo. Butare est la plus vieille affaire en cours au TPIR. Elle a commencé en juin 2001. Actuellement, c’est l’avant dernier des six accusés qui présente sa défense.

Dans Militaires II, qui concerne quatre officiers, c’est le tout premier qui cite des témoins à décharge. Le procès est en cours depuis septembre 2004.

L’affaire Protais Zigiranyirazo, un beau-frère de l’ex-président Juvénal Habyarimana, a pour sa part débuté en octobre 2005. L’accusé citera le dernier témoin à décharge la semaine prochaine. Cette semaine un témoin-expert, Bernard Ligan historien francais est venu dire que Juvénal Habyarimana n'était pas de si basse extraction que ca par rapport à son épouse et que l'akazu était en fait un mythe. Un témoin a par ailleurs été rejeté par la chambre car il demandait à témoigner sous l'anonymat.

Commencée en septembre 2005, l’affaire Karemera est encore au stade de la présentation des témoins à charge. Les accusés sont les anciens dirigeants du parti au pouvoir en 1994. Il s’agit de Matthieu Ngirumpatse, le président, Edouard Karemera, le vice-président, et Joseph Nzirorera, le secrétaire général.

La semaine prochaine, ce sont les mêmes affaires qui vont se poursuivre devant les différentes chambres de première instance.

AT/PB/GF

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