04.12.07 - TPIR/MEDIAS - L’AVOCAT DE BARAYAGWIZA CONSIDERE QUE SON CLIENT A ETE CONDAMNE INJUSTEMENT

Arusha, 4 décembre 2007 (FH) - «Je ne suis pas du tout un adepte de la liberté effrénée d’expression » a expliqué à l'agence Hirondelle Me Peter Herbert, l' avocat de Jean-Bosco Barayagwiza devant la chambre d’appel du Tribunal pénal international pour le Rwanda (TPIR), mais selon lui les juges qui ont condamné son client et particulièrement ceux de première instance ont commis des erreurs judiciaires.

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En 2003, Barayagwiza et ses coaccusés Ferdinand Nahimana et Hassan Ngeze avaient été déclarés coupables de plusieurs chefs en rapport avec leur rôle en tant que leaders des médias pendant le génocide. Mercredi dernier, la chambre d’appel a reconsidéré plusieurs décisions relatives au rôle de Nahimana et Barayagwiza dans la radio RTLM et de Hassan Ngeze dans le journal Kangura. La peine imposée à Nahimana et Ngeze est passée de la prison à vie à 30 ans et 35 ans de réclusion respectivement, celle imposée à Barayagwiza de 35 à 32 ans.

« Je ne pense pas qu’il y ait quelqu’un qui puisse dire que ce qu’ont fait les journalistes de la RTLM après le 6 avril était raisonnable ou avait quelque chose à voir avec la liberté d’expression », a déclaré Herbert au lendemain de la lecture du jugement de la cour d'appel. « Il s’agissait, dit il, de gens qui ont abusé de leur pouvoir dans les médias pour empirer une situation déjà mauvaise ».

La chambre d’appel n’a pas jugé Barayagwiza responsable des émissions faites par les journalistes de la RTLM à partir du 6 avril 1994. Elle a cependant maintenu sa culpabilité pour son rôle dirigeant dans le parti extrémiste, la Coalition pour la défense de la République (CDR). Là où Herbert trouve une erreur judiciaire, c’est que les juges n’ont pas suffisamment tenu compte du traitement inéquitable dont son client a été l’objet lors du procès en première instance.

Parmi ses plaintes figurent deux actions entreprises par la juge Navanethem Pillay, qui était alors présidente de la Chambre et du tribunal. Celle-ci a d’une part rencontré le président rwandais Paul Kagame à trois semaines de l’ouverture du procès, et elle n’a pas, d’autre part, ajourné le procès après le retrait du premier avocat de Barayagwiza, allant même jusqu’à le représenter elle-même pendant quatre jours d’audiences. « Je ne peux pas penser à quelque chose d’autre de plus calculé qui puisse donner une apparence de parti pris qu’une combinaison du refus d’ajournement…le refus d’autoriser l’accusé à commenter sur cela et par-dessus tout, dire que vous allez représenter l’accusé. Cela seul aurait suffi pour que ce procès soit cassé. Cela seul. » dit Me Herbert.

S’agissant de la visite de Pillay sur les lieux du crime, Herbert explique : « que les juges aillent et inspectent le site pour comprendre les distances et la géographie, mais cela n’inclut pas que vous vous asseyiez avec le président de ce pays. ». L’avocat a souligné qu’un communiqué de presse du TPIR publié à l’époque avait annoncé que sa visite visait à « maintenir les bonnes relations de travail avec le gouvernement rwandais ».

« Pillay ne s’est jamais préoccupée de la nécessité d’un procès équitable. Elle doit avoir pensé : je suis suffisamment juste, un point c’est tout », a estimé Herbert. Son client, qui avait refusé de se rendre devant la chambre pour entendre le jugement «n’était pas du tout surpris" a-t-il expliqué. Il était arrivé à la conclusion que cette décision était motivée par la ligne politique que le gouvernement rwandais et le TPIR s’étaient donnés il y a longtemps. Sa condamnation avait été décidée des années auparavant. La seule chose que devait faire les juges de première et de seconde instance, c’était de confirmer la condamnation ».

Herbert, avocat au barreau de Londres, préside depuis 2002 la London Race Hate Crime Forum, qui s’occupe des crimes haineux commis dans la capitale. Il est par ailleurs juge dans une cour pénale. En Angleterre ou il retourne il va « continuer à essayer de faire avancer la justice sociale, s’assurer qu’il y a un système équitable pour tout le monde ». Quelque chose qu’il a trouvé, dit-il, manquant au TPIR.

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