Indemnisation de certaines victimes de la Shoah: feu vert de l'Assemblée à un accord France-Etats-Unis

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L'Assemblée nationale a donné mercredi son feu vert pour un accord France-Etats-Unis sur l'indemnisation de certaines victimes de la Shoah déportées depuis le territoire français, mais la référence au "gouvernement de Vichy", qui avait heurté des députés, sera retirée ultérieurement.

Tous les groupes de gauche, comme l'UDI, ont voté pour. Les députés Les Républicains (LR) se sont abstenus après avoir invoqué plusieurs désaccords, vus par certains socialistes comme "des postures". Frédéric Lefebvre, député (LR) des Français d'Amérique du Nord, s'est lui prononcé pour cet accord "parfaitement équilibré". Gilbert Collard (FN) a soutenu le texte "de tout coeur", malgré des manques selon lui.

Les députés ont autorisé l'exécutif à approuver cet accord avec le gouvernement américain quelques heures après l'éclatement d'une crise entre Paris et Washington, liée à la révélation que les trois derniers présidents français ont été espionnés par les Etats-Unis.

Si des élus de tous bords ont dénoncé ces écoutes, "il serait consternant" que les personnes concernées par une indemnisation liée à la Shoah en fassent "les frais", selon la présidente de la commission des Affaires étrangères, Elisabeth Guigou (PS).

Cet accord, signé à Washington le 8 décembre 2014 après près d'un an de négociations, prévoit notamment la mise en place d'un fonds ad hoc de 60 millions de dollars, versé par les autorités françaises, géré par les autorités américaines, ouvert aux ressortissants des États-Unis ou d'autres pays non couverts par d'autres régimes d'indemnisation.

Certains déportés survivants ou leurs ayants droits n'ayant pas eu accès au régime de pensions d'invalidité mis en place en France du fait de leur nationalité, ou à des compensations versées par d'autres Etats ou institutions, ont en effet tenté à partir des années 2000 d'obtenir réparation par d'autres voies, notamment devant la justice américaine.

- 'Mesure de justice' -

Au nom du gouvernement, le secrétaire d'Etat aux Affaires européennes Harlem Désir a souligné l'importance d'un "large consensus" de l'Assemblée sur un accord ne relevant "pas d'une réparation de guerre", mais constituant "une mesure de justice" individualisée autant qu'un moyen d'éviter des contentieux lourds et coûteux, notamment pour la SNCF.

Depuis une dizaine d'années, une série d'initiatives législatives ont en effet été menées, jusqu'alors sans succès, au Congrès et dans certains Etats pour permettre aux juridictions américaines de poursuivre les entreprises ayant joué un rôle dans le transport des victimes de la déportation.

Parallèlement, plusieurs actions judiciaires ont été intentées aux Etats-Unis depuis l'an 2000 contre la SNCF, accusée notamment de complicité de crime contre l'Humanité, mais aussi dans certains cas contre la Caisse des dépôts et contre l'Etat.

Cet accord vise donc à garantir à la France une paix et une sécurité juridique durables. "Vous avez organisé une forme de capitulation française devant une forme de chantage" de "cabinets d'avocats et de certains législateurs américains", a notamment protesté Pierre Lellouche (Les Républicains, ex-UMP). A l'inverse, l'UDI Meyer Habib, élu des Français de l'étranger, notamment d'Israël, a salué "un accord qui semble équilibré" et qu'il a dit approuver "en tant que Français, en tant que juif".

L'adoption du texte en commission, puis son examen en séance avaient été reportés face au vif émoi de députés de tous bords car l'accord porte la mention "le gouvernement de Vichy", qui aurait pu laisser croire, à leurs yeux, à une continuité des actes de ce régime avec la République française.

Le ministre des Affaires étrangères Laurent Fabius s'est finalement engagé le 9 juin à faire supprimer la formule litigieuse.

Après un échange de lettres entre Paris et Washington, il a été acté que la formule "autorité de fait se disant +gouvernement de l'Etat français+" figurera finalement dans le texte tel qu'il sera publié au Journal officiel. Au préalable, le projet de loi autorisant approbation de l'accord doit être examiné au Sénat.

Cet accord ne nécessite pas d'autorisation du Congrès américain. Son entrée en vigueur pourra donc intervenir en 2015, année du soixante-dixième anniversaire de la libération des camps de concentration et d'extermination nazis et la fin de la Seconde Guerre mondiale.