L'Afrique du Sud prête à la rupture avec la Cour pénale internationale

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L'Afrique du Sud, blâmée pour avoir reçu mi-juin le président soudanais Omar el-Béchir, poursuivi pour génocide, envisage de quitter la Cour pénale internationale (CPI) et a annoncé jeudi des négociations immédiates pour renforcer les mécanismes africains pour juger les criminels du continent.

Un rapport sera soumis dès la prochaine assemblée générale des Etats membres de la CPI, a annoncé le ministre à la Présidence Jeff Rabede, lors du compte-rendu hebdomadaire du conseil des ministres.

Il a rappelé qu'un Etat avait parfaitement le droit de se retirer de la CPI, accusée de cibler injustement le continent africain, à condition de le notifier par écrit au moins un an à l'avance au secrétaire général de l'ONU.

"Cette décision ne sera prise que lorsque toutes les options disponibles au terme du Traité de Rome (fondateur de la CPI) auront été épuisées", a-t-il dit.

Il a laissé entendre toutefois que la rupture était consommée et que le retrait de l'Afrique du Sud n'était peut-être qu'une question de temps.

M. Radebe a en effet annoncé "l'ouverture de négociations immédiates avec l'Union africaine et ses Etats membres pour voir comment les mécanismes africains de résolution des conflits peuvent être mis en oeuvre sans délai pour assurer que les crimes les plus graves ne restent pas impunis".

L'Afrique du Sud veut notamment "accélérer la réforme de la Cour africaine des droits de l'homme et des peuples, basée à Arusha" en Tanzanie, mais qui manque de moyens.

Les premiers juges du tribunal d'Arusha ont prêté serment en juillet 2006. Mais seul le président exerce ses fonctions à temps plein et les 10 autres juges travaillent à temps partiel.

Revenant sur le cas de M. Béchir, présent en Afrique du Sud pour le sommet de l'Union africaine les 14 et 15 juin, M. Radebe a polémiqué avec La Haye.

- 'Crimes contre l'humanité' -

"La CPI n'était pas sans savoir que l'Afrique du Sud, en exécutant le mandat d'arrêt, aurait enfreint ses obligations envers l'Union africaine. Et c'est la seule raison plausible pour laquelle la CPI a proposé des consultations" en amont, a-t-il déclaré, accusant la CPI d'avoir ensuite brutalement interrompu ces discussions et pris de court Pretoria.

L'Union africaine refuse de livrer à la CPI les dirigeants du continent en exercice et l'Afrique du Sud jugeait que les hôtes du sommet jouissait d'une immunité.

Interrogée par l'AFP, la CPI a refusé tout commentaire à chaud.

Lors de son passage en septembre à Johannesburg, la procureur de la CPI, Fatou Bensouda, s'était défendue de tout parti-pris contre l'Afrique.

"Si des efforts sincères, et je souligne sincères, sont faits au niveau du continent pour juger ces crimes graves, je pense que c'est bienvenu", avait-elle déclaré. "La CPI n'a jamais revendiqué le monopole de la justice internationale".

L'histoire retiendra que sur la photo du sommet de l'Union africaine de juin 2015, figuraient presque côte à côte, M. Béchir et le président palestinien Mahmoud Abbas dont le pays vient d'adhérer à la CPI dans l'espoir de faire condamner Israël pour les crimes commis dans les Territoires occupés.

L'Afrique du Sud, championne de la cause palestinienne, est aussi médiateur au Soudan.

Depuis toujours, elle soutient qu'une arrestation de M. Béchir, au pouvoir depuis 1989 et accusé de crimes de guerre et de crimes contre l'humanité, nuirait à la paix au Soudan où le conflit au Darfour a fait plus de 300.000 morts et deux millions de déplacés.

En facilitant la venue de M. el-Béchir au sommet de l'UA, le gouvernement de Jacob Zuma a fait bloc avec d'autres dirigeants africains et choisi le camp de la confrontation alors qu'elle aurait pu, comme dans le passé, recommander au dirigeant soudanais de se faire excuser.

Le gouvernement de M. Zuma est aujourd'hui accusé d'avoir sciemment renié ses engagements internationaux et violé la Constitution.

Un juge sud-africain a recommandé des poursuites pénales contre les responsables au sommet de l'Etat qui ont laissé filer M. Béchir, voire facilité son départ précipité, alors qu'un tribunal de Pretoria lui avait interdit de quitter le territoire dans l'attente d'un jugement définitif.