20.02.08 - TPIR/RUKUNDO - PRISON A VIE REQUISE CONTRE UN PRETRE CATHOLIQUE ACCUSE DE GENOCIDE

Arusha, 20 février 2008 (FH) - Le procureur a requis la prison à vie contre Emmanuel Rukundo, un prêtre catholique accusé de génocide, a-t-on constaté mercredi devant le Tribunal international pour le Rwanda (TPIR).

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« Aucune autre sentence que l’emprisonnement à perpétuité ne peut correspondre aux crimes qu’il a commis » a déclaré William Egbe, le substitut camerounais du procureur.

Aumônier militaire en 1994, l’abbé Rukundo est poursuivi pour génocide, assassinats et extermination des Tutsis. Il plaide non coupable. Les crimes qui lui sont imputés ont été commis dans le centre du pays, sa région natale. « Les peines les plus appropriées en l’espèce sont des peines d’emprisonnement à vie confondues », a expliqué William Egbe.

Le représentant du procureur a ajouté que l’accusé ne devrait bénéficier d’aucune circonstance atténuante. «Nous faisons valoir avec emphase qu’il n’y a pas eu de circonstances atténuantes en faveur de Rukundo à cause de sa préméditation et de sa participation directe aux crimes », a indiqué William Egbe. L’accusation a notamment estimé que le prêtre avait trahi la confiance de ses concitoyens, dont la plupart étaient des chrétiens à qui il administrait régulièrement le saint sacrement.

Réagissant aux arguments du parquet, l’avocate principale de Rukundo, Me Aicha Conde (France), a déclaré qu’il était « scandaleux » que « dans une juridiction aussi prestigieuse, nous avons un procureur qui procède par affirmations gratuites». « Il n’y a aucune recherche de la vérité », a plaidé l’avocate pour qui le procureur a tenu « des propos que je qualifierais d’inqualifiables ».

Selon Me Conde, le procureur n’a, à aucun moment, démontré que l’accusé était animé d’une intention de génocide. « On est sidéré de voir qu’il n’y a eu aucun élément pour montrer que cet homme qui a une vie d’étudiant normale, une vie d’aumônier normale a pu basculer. Tout d’un coup il devient un tueur alors qu’on aurait pu démontrer cet élément de basculement », a souligné Me Conde.

Me Allison Turner (Canada), le co-conseil de Rukundo, pour sa part, a relevé « la fin précipitée de la présentation de la preuve à décharge ». « Rukundo est victime de la stratégie d’achèvement » du TPIR qui doit terminer tous les procès en première instance à la fin de l’année, a affirmé Me Turner.

L’avocate a allégué que la défense a été empêchée de citer au moins trois témoins, dont son enquêteur aujourd’hui détenu par le TPIR pour outrage à magistrat dans une autre affaire. Au cours du procès, des allégations de pression sur un témoin à charge sont apparues, ce qui a décidé le tribunal à ordonner une enquête.

Me Turner a fait valoir que l’enquêteur de la défense aurait pu être entendu par la chambre en tant que témoin.

Arrêté en juillet 2001 en Suisse, Rukundo est jugé depuis le 16 novembre 2006. C’est le quatrième prêtre catholique mis en accusation par le TPIR depuis sa création en novembre 1994.

L’un d’eux, l’abbé Athanase Seromba, ancien vicaire dans une paroisse rurale de l’ouest du Rwanda, a été condamné à quinze ans de prison. Il attend son procès en appel. Les autres sont en cours de jugement ou en attente de procès.

AT/PB/GF

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