08.04.08 - BELGIQUE/GENOCIDE - LES RWANDAIS DE BELGIQUE ONT COMMEMORE LE GENOCIDE

Bruxelles, 8 avril 2008 (FH) - Les Rwandais de Bruxelles ont commémoré hier pour la quatorzième fois le génocide des Tutsi du Rwanda de 1994, dans un contexte marqué, selon des intervenants, par une recrudescence des thèses négationnistes, ainsi que par les profondes divisions de la communauté rwandaise à propos des victimes et des responsables de ce génocide.

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« Le révisionnisme et le négationnisme sont entretenus et diffusés par ceux-là même qui ont planifié, encadré et financé le génocide », a notamment déclaré l'ambassadeur Joseph Bonesha lundi matin dans une courte allocution à l'ambassade du Rwanda où les cérémonies ont débuté devant une centaine de personnes.

" Certains prétendent qu'il s'agissait d'une guerre d'autodéfense populaire, d'autres d'une réaction spontanée de la population suite à la mort du chef de l'Etat, ou encore d'un double génocide », a-t-il précisé, visant les « extrémistes hutu » qui ont exécuté et soutenu les massacres. Dans tous les cas, le but serait « de rendre les Tutsi responsables de ce qui s'est passé, ce qui est inacceptable ».

La veille, dimanche, une soixantaine de Rwandais qui manifestaient devant le palais de justice ont été arrêtés par la police belge, avait pu constater l'agence Hirondelle. Cette manifestation, qualifiée de « négationniste » par l'association de rescapés Ibuka et par la Communauté rwandaise de Belgique (CRB), avait été interdite par le bourgmestre de Bruxelles, interdiction confirmée par le Conseil d'Etat le matin même.

Dans une lettre ouverte envoyée au bourgmestre, Joseph Matata, principal organisateur et président du Centre de lutte contre l'impunité et l'injustice au Rwanda (CLIIR), estimait que cette manifestation se faisait en « mémoire de toutes les victimes du génocide rwandais tuées au Rwanda et en RDC ». Selon lui, par cette interdiction, les autorités bruxelloises ont cédé au « chantage des réseaux et des lobbies pro-Kagame, nombreux en Belgique (...), afin de museler les victimes non tutsi du génocide rwandais ». Des « victimes Hutu » qui, selon lui, ont été« massacrées par le FPR ».

Les manifestants avaient choisi la date du 6 avril, jour de l'attentat contre l'avion présidentiel, plutôt que le 7, jour habituel des commémorations, pour souligner le lien de cause à effet entre cet événement et le déclenchement du génocide - attentat qu'ils attribuent au FPR du président Paul Kagame.

Selon l'Onu, le génocide au Rwanda a fait quelque 800 000 morts, essentiellement de la minorité Tutsi, mais également « Hutu démocrates », ce qu'ont rappelé les autorités chargées des cérémonies officielles.

Placide Kalisa, le président d'Ibuka en Belgique, a de son côté en retour également utilisé, au cours des commémorations, le terme « groupuscules » pour désigner « ces sociétés écran qui essaiment en Europe et forment un réseau actif bénéficiant de relais puissant parmi les fondamentalistes hutus et les génocidaires en fuite ».

Signe de ces fractures persistantes parmi la communauté rwandaise, Le Soir, dans une série d'articles publiés le 5 avril, soulignait la présence décomplexée de « dérives racistes et de discours haineux ». Un article de témoignages, titré « Certains ont encore des machettes dans la tête », rapportait par exemple des altercations entre des rescapés Tutsi et des Hutu dans les rues et cafés de Bruxelles.

Ibuka, a continué Placide Kalisa, souhaite ainsi que la Belgique étende la loi de 1995, qui incrimine pénalement le négationnisme du génocide juif, au génocide des Tutsi et des Arméniens.

Par ailleurs, il a demandé à l'Onu de « transférer les dossiers du TPIR devant les juridictions nationales rwandaises ». Appel élargi par l'ambassadeur du Rwanda : « Que les Etats arrêtent les génocidaires présents sur leur territoire et les envoient eu Rwanda, ou les jugent comme le fait la Belgique grâce à sa loi de compétence universelle. »

« Autrement, cette fin de mandat du TPIR pourrait laisser croire que les auteurs du génocide qui d'ici là n'auront pas été jugés pourront être considérés comme grâciés », a-t-il ajouté.

En milieu de journée, la centaine de personnes présentes à l'ambassade sont allées déposer des gerbes de fleurs au pied du mémorial du génocide inauguré en 2004 et situé non loin, dans la même commune de Woluwe-Saint-Pierre.

Puis, à 19 h 30, quelque 800 personnes, selon l'estimation d'Hirondelle, ont procédé en silence à une marche aux flambeaux de la place Royale au palais de justice de Bruxelles avant de se diriger vers une « veillée du souvenir » organisée centre culturel de la commune d'Auderghem.

BF/PB/GF

© Agence Hirondelle