23.05.08 TPIR/ONU - UN RAPPORT DU TPIR REVELE L'ECHEC DE SA STRATEGIE DE FERMETURE

Arusha, 23 mai 2008 (FH) - Le tribunal pénal international pour le Rwanda (TPIR) a remis aux Nations Unies son rapport d'étape sur la fermeture de la juridiction. Ce texte, dont l'agence Hirondelle a pris connaissance, a été remis au début du mois au secrétariat général et sera présenté le 4 juin prochain au Conseil de sécurité par le président du tribunal, M. Dennis Byron.

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Le Tribunal y fait état de l'échec partiel de la stratégie mise en œuvre pour parvenir à boucler ses procès en première instance au 31 décembre 2008, comme l'avait demandé le Conseil de sécurité en 2003. Même si l'actuel président avait lors de ses interventions devant les Nations Unies qualifié cette stratégie d'achèvement d'abord de "défi considérable" puis évoqué un bilan politique différent du bilan judiciaire, c'est la première fois que le TPIR reconnait ouvertement qu'il ne tiendra pas les délais.

Selon ce texte, Arusha est confronté à deux difficultés majeures : La « fuite » de son personnel le plus qualifié, et un retard croissant dans le renvoi de certaines affaires à des juridictions nationales. Sur le premier point, le tribunal regrette que le plan de fidélisation du personnel, qui prévoyait l'octroi de primes au personnel en place, n'ait pas été approuvé par le Comité budgétaire des Nations unies. « En conséquence, affirme le texte, on s'attend à ce que le taux élevé de démission du personnel essentiel se maintienne. » Le tribunal demande le soutien des Etats membres des Nations unies, et rappelle que « la capacité du tribunal à maintenir son niveau actuel d'efficacité, voire à l'améliorer, dépendra dans une large mesure du maintien en fonction de ses juges et de son personnel éminemment expérimenté et hautement qualifié. »

Mais le rapport révèle surtout les difficultés du tribunal à mettre en œuvre son projet de transférer certaines affaires à des juridictions nationales. A ce jour, seuls deux dossiers ont été effectivement transférés vers un autre pays. Ceux du prêtre Wenceslas Munyeshyaka et de l'ex préfet Laurent Bucyibaruta, qui étaient déja en France et devraient y être jugés devant une Cour d'assises. Le cas de Michel Bagaragaza, pour lequel deux décisions de transfert, la première vers la Norvège et la seconde vers les Pays-Bas, ont été annulées pour des raisons de compétence de ces juridictions, laisserait présager un échec de cette stratégie. L'interessé vient d'ailleurs d'être ramené à Arusha. « Il y a lieu d'envisager la possibilité que ces demandes de renvoi soient rejetées et que par suite, il soit nécessaire de prendre en compte dans le calendrier judiciaire du Tribunal quatre nouveaux procès », dit le rapport.

Le texte précise que « le procureur a étudié avec un certain nombre de pays africains la possibilité de transférer des affaires à des juridictions nationales. Toutefois, hormis le Rwanda, aucun pays africain n'a jusqu'ici accepté de recevoir des affaires renvoyées par le tribunal. » Le procureur a déposé quatre demandes de transfert d'accusés vers les tribunaux rwandais. Les juges n'ont pas encore rendu leur décision. Il a également demandé que le cas d'un accusé en fuite soit confié au Rwanda.

D'ores et déjà, le Bureau du procureur prévient les états membres des Nations unies de la difficultés à se conformer aux délais arrêtés par New York en 2003. « Au cas où l'ouverture de nouveaux procès au tribunal s'avèrerait nécessaire par suite de l'arrestation d'autres personnes ou à cause de l'impossibilité de renvoyer certaines affaires devant les juridictions nationales, le Bureau sera obligé de revoir le redéploiement de ses ressources et, le cas échéant, d'envisager de se doter de ressources supplémentaires ». Sur les 13 accusés encore en fuite, le TPIR estime que quatre devront impérativement être jugés devant le tribunal en cas d'arrestation. En outre, le rapport souligne que les enquêtes relatives au génocide ont été bouclées fin 2004, mais signale que « le procureur continue à mener des enquêtes sur les affaires mettant en cause le FPR ».

Selon ce document un procès individuel devrait durer environ 10 mois. Six accusés attendent d'être jugés, quatre en fuite sont prévus pour être jugés devant le TPIR. Avec les trois chambres que compte le TPIR cela devrait leur donner du travail au delà de 2010, la date prévue théoriquement pour la fin des procédures d'appel.

Le TPIR créé en 1994 par les Nations Unies, quelques mois aprés le génocide rwandais, a depuis sa première audience en janvier 1997 jugé 35 personnes. Vingt huit autres sont en cours de jugement, 6 en attente et 13 sont en fuite. Fin 2007, il avait couté plus d'un milliard de dollars américains. Son budget pour les années 2008/2009, voté en janvier dernier à New York, est de 267 millions d'USD.

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© Agence Hirondelle