21.07.08 - BELGIQUE/RWANDA - LE JUGEMENT DES PERSONNES ACCUSES DE GENOCIDE

Bruxelles, 21 juillet 2008 (FH) - Plusieurs nouveaux procès de personnes accusées d'avoir pris part au génocide rwandais en 1994 sont en préparation en Belgique a annoncé à l'agence Hirondelle Philippe Meire, le procureur fédéral belge qui a déjà représenté le ministère public lors des trois précedents procès sur le sujet en 2001, 2005 et 2007.

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Un procès est déjà prévu pour le début de l'année prochaine, celui d'Ephrem Nkezabera, ancien banquier et membre dirigeant des milices Interamhamwe. Auparavant, à l'automne prochain, quatre commissions rogatoires sont notamment prévues au Rwanda dans le cadre d'autres dossiers. Interrogé sur l'éventualité que la justice belge accueille des dossiers venant du Tribunal pénal international pour le Rwanda (TPIR), le procureur fédéral a rappelé: "nous ne pourrions accueillir des dossiers en provenance du TPIR dans le cadre de la fin du mandat du tribunal que si les critères de compétence extra-territoriale prévues dans la loi belges étaient remplis. Si tel était le cas, nous accepterions certainement. » Un seul dossier du TPIR remplirait actuellement ces conditions et des réflexions sont engagées à ce sujet, a-t-il précisé.

Ces conditions de rattachement à la loi dite de "compétence universelle, existent depuis 2003. Avant plusieurs modifications, la loi de 1993, une première mondiale, avait entraîné un afflux de plaintes devant les tribunaux belges contre des personnalités dirigeantes du monde entier. « Suite à la modification de la loi de compétence universelle en 2003, certains pourraient dire : on a régressé. Mais cette modification nous a permis de recentrer notre activité sur des dossiers dans lesquels notre légitimité ne peut pas être mise en cause. »

Aujourd'hui, un critère de rattachement à la Belgique est nécessaire pour exercer les poursuites, soit que les victimes soient belges ou résident en Belgique au moment des faits, soit que les auteurs des crimes soient présents sur le territoire. « Ce pas en arrière était inévitable, a estimé M. Meire, dans la mesure où cette loi permettait parfois une instrumentalisation de la justice dans le cadre de conflits politiques. » Et des incidents diplomatiques à répétition difficiles à assumer pour un petit pays.

Cette loi de compétence universelle a montré sa plus grande efficacité à propos du génocide rwandais, permettant d'ouvrir des enquêtes ayant abouti à des procès, certains très médiatisés. Non sans questions sur leur place dans le règlement judiciaire et symbolique du génocide, si loin des lieux du crime. « D'après les échos que nous avons au Rwanda, les procès ici ont été très suivis. Notamment, je suppose, à cause de l'importante diaspora présente en Belgique. C'est certainement une pierre à l'édifice de la justice. C'est en tout cas un signal fort à ceux qui ont commis ce type de faits et pourraient se croire à l'abri à l'étranger », estime Philippe Meire.

Le magistrat a rappelé néanmoins le scepticisme qui a accompagné chacun de ces procès. « En 2001, pour le premier, nous étions attendus au tournant. On entendait que les témoins n'allaient pas venir, que les jurés n'allaient pas accrocher, que c'était trop loin, que nous allions nous planter, etc. Et puis les témoins sont venus, inspirant beaucoup de dignité et de respect. Cela a permis de démontrer la nécessité de cette justice, même loin du Rwanda », a-t-il souligné. Puis, poursuit il, « le deuxième procès a surpris : parce qu'on disait, après tout, la Belgique a fait un procès, elle a accompli son devoir. Et puis il y a eu le troisième, à propos de l'assassinat des casques bleus belges, qui a également soulevé beaucoup de doutes, notamment parce qu'on pensait que ça allait remuer trop de choses au niveau des autorités belges de l'époque ».

A propos du procès de Nkezabera, renvoyé le 22 mai dernier devant la cour d'assises de Bruxelles, la chambre des mises en accusation, en invalidant une décision antérieure de la chambre du conseil, a cependant refusé qu'il soit jugé pour crimes de génocide. Aucun des sept condamnés des précédents procès ne l'a d'ailleurs été sous ce chef, mais pour crimes de guerre ou contre l'humanité. Ce que les victimes ont toujours regretté. A quoi le procureur fédéral répond que le choix de ces qualifications obeit en partie à des considérations de stratégie judiciaire, le crime de génocide n'ayant été introduit en droit belge qu'en 1999, soit après les faits.

« Il est exact qu'en 2001, nous avons fait le choix stratégique de ne pas poursuivre pour génocide pour éviter qu'un débat juridique n'occulte les faits. Mais, ceci dit, ça ne changerait rien aux peines. Avec Nkezabera, on se trouve dans la situation où quelqu'un reconnaît sa participation aux faits. Aussi nous avions considéré que, cette fois, la situation était appropriée pour poursuivre de ce chef », a expliqué M. Meire.

Le responsable du parquet a rappelé que le droit coutumier international, l'intégration des statuts du TPIR en droit belge, le contenu des travaux parlementaires de 1999 (« où il a été souligné expressement le possibilité de poursuivre de ce chef pour des faits antérieurs à 1999 ») et la jurisprudence du TPIR (« qui a condamné des Rwandais pour génocide alors que la notion n'existait pas encore en droit rwandais ») auraient dû permettre cette inculpation. « Mais la chambre ne nous a pas suivi et a appliqué strictement le droit pénal [principe de non-rétroactivité de la loi pénale, NDR]. Il n'est cependant pas exclu que le débat soit de nouveau soulevé devant la cour d'assises et que la question soit posée aux jurés », a-t-il esquissé.

BF/PB/GF

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