22.08.08 - TPIR/RWANDA - LE TPIR DANS L'ATTENTE DES DECISIONS D'APPEL SUR LES TRANSFERTS

Arusha, 22 aout 2008 (FH) - La procédure rwandaise créée expressément en mars 2007 pour le transfert d'accusés du Tribunal pénal international pour le Rwanda (TPIR) vers le Rwanda n'a encore jamais été mise à l'épreuve.

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Trois des cinq demandes de transfert soumises aux Chambres de première instance du TPIR ont jusqu'à présent été déboutées. Le Procureur fait appel du refus des juges dans les affaires concernant Yussuf Munyakazi et Gaspard Kanyarukiga.

Ces demandes restent cruciales pour la stratégie d'achèvement du tribunal qui a obtenu un prolongement d'un an de ses activités en première instance, jusque fin 2009. Sans compter les treize personnes toujours recherchées, huit attendent d'être jugées. Plus que ne pourront faire les trois chambres dans l'année à venir. Jusqu'ici la plupart des procès individuels ont duré plus d'un an.

Après avoir décidé d'abolir la peine de mort,qui constituait un obstacle majeur au dessaisissement du Tribunal international, le Rwanda a pourtant mis au point une procédure toute particulière pour juger les accusés du TPIR qui doivent être transférés dans le cadre de la stratégie de fin de mandat de ce dernier.

Afin de cerner au mieux les exigences internationales pour recevoir de tels transferts, le Rwanda a travaillé en collaboration avec le bureau du Procureur du Tribunal international. Pourtant, il semble que cette procédure ne satisfasse toujours pas les critères des juges internationaux puisqu'ils n'ont autorisé aucun des transferts.

L'appel du Procureur dans l'affaire Munyakazi a été déposé le 12 juin 2008. En juillet, le gouvernement rwandais, en tant qu'amicus curiae (ami de la cour), a déposé un mémoire en soutien. Ces documents se ressemblent et reprennent tous deux une même défense face aux griefs que les juges de première instance ont retenus.

Tant le Procureur du TPIR que le gouvernement du Rwanda affirment que les accusés transférés ne risqueront pas, s'ils sont condamnés, l'emprisonnement en isolement comme le craint la Chambre de première instance.

En effet, la Loi sur l'abolition de la peine de mort qui prévoit cette forme d'emprisonnement ne s'applique pas aux cas de transferts entièrement gouvernés par la Loi spéciale du 16 mars 2007 dite des « Loi des transferts ». De plus, dans une déclaration de deux pages, le gouvernement rwandais donne sa « promesse » qu'aucun des transférés ne sera condamné à la prison en isolement. Enfin, la Cour suprême rwandaise a été saisie pour se prononcer sur la constitutionnalité de cette peine.

Ainsi, la peine maximum encourue devant le TPIR sera celle au maximum prononçable par les juridictions rwandaises pour les cas de transfert seulement. Il se pourra donc que des accusés de génocide de rang inférieur, de catégorie 1 par exemple devant les tribunaux ordinaires, subissent une peine supérieure à celle de leurs dirigeants jugés en vertu de la loi spéciale des transferts.

Le deuxième grief contesté concerne l'indépendance mise en doute du juge unique qui sera désigné à la Haute cour de la République pour juger les accusés du TPIR.

Le gouvernement rwandais assure que ce seront les juges les plus expérimentés qui seront affectés aux premiers cas et que de toute manière les magistrats ont l'habitude de ce type de contentieux.

Mais il s'étonne que dans les affaires Kanyarukiga et Hategekimana les Chambres de première instance aient considéré que « les garanties nécessaires sont en place pour des procès impartiaux dans lesquels la composition de la Haute cour faite d'un seul juge ne peut pas être un obstacle au transfert des affaires».

Le Procureur du TPIR défend lui que l'indépendance concerne chaque juge individuellement et non collectivement. Il ajoute qu' « il n'y a pas de règles de droit international selon laquelle les procès pour violation grave du droit international humanitaire ne peuvent pas être conduits par un juge unique».

Le troisième et dernier point attaqué par les appelants porte sur la présentation et la protection des témoins.

Le gouvernement rwandais estime que les juges internationaux n'ont pas apprécié à leur juste valeur les différentes étapes franchies pour « promouvoir l'obtention des témoins et des preuves».

Il compte utiliser les mêmes procédés qu'il a déjà mis au point pour la comparution des témoins devant le Tribunal ad hoc et affirme pouvoir ainsi assurer les mêmes garanties. De plus, il rappelle s'occuper déjà de la sécurité des témoins dans les procès nationaux de génocide et de crimes de guerre.

Le Procureur ajoute qu'il n'existe pas de preuves objectives à la crainte de la Chambre de première instance que la Défense ne puisse pas travailler avec ses témoins dans les mêmes conditions que le bureau du Procureur.

« Les structures et procédures sont en place et à bien des égards ont été testées» affirme le gouvernement du Rwanda dans son rapport.

Il rappelle enfin que, le 17 juin 2007, devant le Conseil de sécurité des Nations Unies, le Président du TPIR le Juge Denis Byron ainsi que Hassan Jallow le Procureur avaient tous les deux fait son éloge pour ses « efforts pour faciliter la circulation des témoins du Rwanda pour les procès du TPIR ».

AV/PB/GF

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