07.10.08 - RWANDA/GACACA - RUSIZI, UN DISTRICT OU L'ON PARLE SOUVENT DE CORRUPTION DE JUGES GACACAS

Rusizi (sud-ouest du Rwanda), 7 octobre 2008 (FH) - « « Ici, on parle très souvent de corruption, d'injustice dans les jugements » (rendus par les juridictions gacacas), observe François Kajiwabo, qui représente dans le district de Rusizi (sud-ouest du Rwanda) l'organisation Ibuka, coiffant les associations de rescapés du génocide. « S'il n'y a ni vérité, ni justice, on ne peut espérer l'unité » entre les Rwandais, estime ce survivant.

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Dans ce district de la Province de l'Ouest, sont dénoncés presque chaque mois des cas de cas de corruption de personnes intègres siégeant dans ces tribunaux semi-traditionnels chargés de juger la plupart des auteurs présumés du génocide de 1994. « Néanmoins il est très difficile d'avoir des preuves tangibles », déplore Kajiwabo.

Mais, dans certains cas, les corrupteurs et les corrompus sont démasqués.

Ainsi le mois dernier, Louis David Rwigemera, président de la juridiction gacaca d'appel de Gihundwe B a été condamné par une autre juridiction du même secteur à 5 ans d'emprisonnement pour corruption. Pourtant désigné au sein de sa communauté comme personne intègre, Rwigemera a tenté de soudoyer des juges pour obtenir l'acquittement de son beau-frère, Ferdinand Mwitende. Ce dernier a été finalement condamné à 19 ans d'emprisonnement. « Le faux intègre » Rwigemera devra également, en plus des 5 ans de détention, payer une amende de 300.000 francs rwandais soit autour de 500 dollars américains.

Le cas de Rwigemera est vécu par certains juges gacacas comme une honte. « Etre ‘inyangamugayo' (intègre, en langue rwandaise) vous éloigne de bien des bassesses », estime le vieux Delmas Munyeragwe, président d'une autre juridiction gacaca de Rusizi. Pour lui, de tels manques de scrupules ajoutent à la souffrance des victimes.

Munyeragwe ne se contente pas de simples mots. Le mois dernier, il a dénoncé Jean Ngendahimana, un chauffeur de taxi qui voulait lui remettre un chèque de 150.000 francs rwandais (environ 300 usd), pour entraver le cours de la justice dans un procès pour crimes de génocide. Selon la police locale, le dossier est en cours d'instruction au parquet de Rusizi.

Certains corrupteurs ont même été surpris en flagrant délit par la police depuis l'ouverture des procès devant les gacacas en 2006.

Le 14 avril 2004, un riche commerçant de Rusizi, Emmanuel Muzungu avait vu des policiers surgir dans le débit de boissons où il avait invité quelques-uns de ses juges pour leur donner un million de francs rwandais. Ces derniers avaient répondu à son invitation après avoir averti les forces de l'ordre. Une stratégie à laquelle recourent désormais de nombreux juges gacacas, même s'il est avéré que certains préfèrent empocher l'argent.

SRE/ER/PB/GF

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