10.11.08 - RWANDA/FRANCE - L'ECRIVAIN PIERRE PEAN RELAXE DE L'ACCUSATION DE DIFFAMATION RACIALE

PARIS, 10 novembre 2008 (FH) - Le tribunal correctionnel de Paris a relaxé vendredi l'écrivain journaliste Pierre Péan poursuivi pour "complicité de diffamation raciale" et "complicité de provocation à la discrimination raciale" à la suite de la publication en 2005 du livre "Noires fureurs, blancs menteurs" sur le génocide rwandais. Le directeur des éditions Fayard, Claude Durand, jugé pour "diffamation raciale et provocation à la discrimination raciale" a également été relaxé.

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SOS racisme, par la bouche de son avocat, a annoncé son intention de faire appel. A Kigali, l'association Ibuka qui avait d'abord eu l'intention de porter plainte a estimé que ce jugement est "très regrettable. C'est comme si le tribunal concluait que les Tutsis naissent menteurs. Cette décision ramène l'humanité loin en arrière », a déclaré à l'agence Hirondelle, Benoît Kaboyi, secrétaire exécutif d'Ibuka (souviens-toi, en langue rwandaise). « Ce n'est pas seulement Ibuka ou SOS Racisme qui ont été lésés par les propos de Péan. C'est l'espèce humaine. Tout le monde devrait donc se lever », a poursuivi M. Kaboyi, en «espérant que la justice sera rendue» en appel. «Si les propos de Péan avaient visé un groupe racial fort, ils auraient été vite condamnés par l'humanité tout entière, mais comme il s'agit des Tutsis d'un pays faible... », a-t-il ajouté.

Les poursuites contre Péan datent d'octobre 2006, près d'un an après la parution du livre. L'association SOS Racisme lui reproche d'avoir écrit notamment que les Tutsis avaient recours au mensonge et à la dissimulation ou étaient des professionnels de la manipulation. Son livre intitulé "Noires fureurs blancs menteurs" attribuait la responsabilité de l'attentat contre l'avion de l'ancien président rwandais, Juvénal Habyarimana, à l'actuel chef d'Etat Rwandais, Paul Kagame, et dénoncait surtout une entreprise de désinformation mise en oeuvre par ce dernier pour s'assurer du soutien de l'opinion internationale.

Le ministère public, en requérant la condamnation de Péan, avait laissé la peine à l'appréciation du tribunal. Dans ses attendus, le tribunal considère que la formulation "culture du mensonge et de la dissimulation", utilisée par M. Péan, replacée dans son contexte, ne pouvait être considérée comme l'imputation d'un fait précis visant à discréditer l'ensemble des Tutsis. Quant aux poursuites pour "provocation à la discrimination raciale", le tribunal a considéré que les propos de Pierre Péan, s'ils peuvent susciter chez le lecteur un sentiment d'hostilité envers les Tutsis, ne contiennent aucun appel ou exhortation à la discrimination, à la haine ou à la violence.

Le tribunal a par ailleurs débouté Pierre Péan qui demandait la condamnation d'un témoin entendu lors du procès, Benjamin Atban, qui avait comparé le livre de Pierre Péan à "Mein Kampf", le livre antisémite écrit par Hitler, et son auteur au négationniste Robert Faurisson.

Lors du procès qui s'était tenu du 23 au 25 septembre, 22 témoins, anciens ministres, experts, journalistes et militaires, étaient venus témoigner en faveur de l'écrivain francais. SOS racisme avait présenté six témoins dont les fondateurs d'Ibuka et d'Avega, deux associations rwandaises de rescapés.

AS/PB/GF

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