Au Brésil, incertitude totale à un an de la présidentielle

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Dire que personne ne sait qui gagnera l'élection présidentielle du Brésil dans un an est un euphémisme. Même les plus éminents spécialistes ignorent quels seront les candidats et si le favori des sondages sera ou non en prison.

L'incertitude est la plus totale, dans un pays secoué par les scandales de corruption à répétition et dont l'économie se rélève timidement d'une récession historique.

Lui-même visé par de graves accusations de corruption, le président Michel Temer a déjà annoncé qu'il ne briguerait pas un nouveau mandat. Sa cote de popularité s'est effondrée à un tel point (à peine 3% d'opinions favorables) qu'il n'aura certainement pas grande influence sur le choix de son successeur.

Les derniers sondages donnent l'ex-président Luiz Inacio Lula da Silva (2003-2010) en tête des intentions de vote.

Mais l'ancien ouvrier, qui a quitté le pouvoir avec une popularité record, a aussi été rattrapé par les affaires. Condamné à près de dix ans de prison pour corruption, il a été laissé en liberté le temps de son jugement en appel. 

En cas de condamnation en deuxième instance, il risque de se retrouver derrière les barreaux ou au moins de ne pas pouvoir se présenter à l'élection.

Le verdict ne devrait pas tomber avant plusieurs mois, augmentant encore plus l'incertitude autour du scrutin. Sans compter le fait que Lula est aussi visé par six autres procédures judiciaires.

 

- L'énigme Lula -

 

Malgré toutes ces casseroles, Lula, 71 ans, est crédité de 35 à 36% des intentions de vote au premier tour, prévu le 7 octobre, selon un sondage publié la semaine dernière. Au second tour, qui aura lieu trois semaines plus tard, il l'emporterait dans tous les scénarios.

Une autre enquête publiée lundi montre néanmoins que 54% des Brésiliens interrogés souhaitent le voir en prison.

En seconde position dans les sondages pointe le député d'extrême droite Jair Bolsonaro.

Au coeur de nombreuses polémiques pour ses prises de position machistes, homophobes et son apologie de la dictature militaire (1964-1985), il obtiendrait pourtant 16 à 18% des voix au premier tour.

Juste derrière lui, figure l'écologiste Marina Silva, qui était arrivée en troisième place de la dernière présentielle, en 2014, avec 20% des voix. 

Elle pourrait être l'une des principales bénéficiaires d'une éventuelle absence de Lula du scrutin, au même titre que Ciro Gomes, ancien gouverneur de l'État du Ceara (Nord-est).

Leur principal atout: leur nom n'a jamais été mentionné dans des affaires de corruption.

 

- Trump brésilien -

 

Les analystes n'ont qu'une certitude: les candidats de l'establishment n'ont pas la cote, tant les Brésiliens sont exaspérés par les scandales qui touchent la classe politique.

L'un des noms pressentis pour le Parti Social Démocrate (PSDB, centre), l'une des principales formations du Brésil, est le gouverneur de Sao Paulo, Geraldo Alckmin, défait par Lula lors du dernier tour de l'élection de 2006.

Dans une situation normale, il ferait partie des favoris, mais il est à la traîne dans les sondages. Les analystes le comparent à Hillary Clinton: un candidat de l'establishment qui entre dans la course au mauvais moment.

La montée en puissance de Jair Bolsonaro semble montrer au contraire la volonté d'une partie de l'électorat de voir émerger une sorte de Donald Trump brésilien.

"Il mise sur un fort mécontentement de la population, qui n'est pas près de se dissiper, même si l'économie repart", considère le cabinet d'analyse Eurasia.

Bien moins radical que M. Bolsonaro, le maire de Sao Paulo Joao Doria est une autre personnalité hors du sérail politique traditionnel qui pourrait tirer son épingle du jeu.

La comparaison avec Donald Trump est aussi toute trouvée: ce multimilliardaire a présenté la version brésilienne de "The Apprentice", l'émission de télé-réalité qui a rendu célèbre le président américain.

La liste de candidats potentiels pourrait s'allonger considérablement si la Cour suprême autorise des citoyens à se présenter comme indépendants, mettant fin à l'obligation d'appartenir à un parti.

Des noms comme ceux du juge anticorruption Sergio Moro ou même du sélectionneur de l'équipe de football Tite ont été mentionnés, même si les deux nient toute intention de faire carrière dans la politique.

"Nous avons beaucoup de questions, mais aucune réponse", résume Sylvio Costa, analyste politique du site Congresso em Foco.