Centrafrique : des ONG déposent plainte contre un chef antibalaka

Centrafrique : des ONG déposent plainte contre un chef antibalaka©Till Muellenmeister/IRIN
Combattants anti balaka à Bangui
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Conduites par la Fédération internationale des ligues de droits de l’Homme (FIDH), cinq organisations non-gouvernementales ont uni leurs forces pour marquer d’une pierre blanche le début de la lutte contre l’impunité des crimes les plus graves commis par les différentes parties en Centrafrique. Le premier suspect visé est le chef antibalaka, Rodrigue Ngaïbona, autoproclamé Général Andjilo.

 « Nos organisations se sont constituées (mardi) parties civiles, aux côtés de victimes, dans la procédure judiciaire ouverte à l'encontre de Rodrigue Ngaïbona », annonce la FIDH dans un communiqué également signé par la Ligue centrafricaine des droits de l’homme (LCDH), l’Observatoire centrafricain des droits de l’Homme (OCDH), le Réseau centrafricain des organisations de défense des droits de l’homme (RONGDH) et la section centrafricaine de l’ACAT, une ONG œcuménique de lutte contre la torture et la peine de mort.

 Les cinq organisations indiquent par ailleurs avoir constitué « un Collectif d'avocats centrafricains et internationaux pour lutter contre l'impunité en Centrafrique en permettant aux victimes des crimes les plus graves commis par toutes les parties au conflit, Antibalaka comme ex-Séléka et les autres groupes armés, d’accéder à la justice, devant les juridictions centrafricaines et la future Cour pénale spéciale (CPS) ».

Composée de 27 magistrats – 14 nationaux et 13 internationaux-, cette Cour spéciale sera intégrée dans le système judiciaire centrafricain pour une durée de 5 ans renouvelable. Elle sera chargée de juger les auteurs des crimes les plus graves perpétrés sur le territoire centrafricain depuis 2003. Le projet de loi portant création de la CPS a été promulgué par la présidente de la transition, Catherine Samba-Panza, le 4 juin. Le travail de la CPS sera complémentaire de l’action de la Cour pénale internationale (CPI) qui a déjà annoncé l'ouverture d'une enquête sur les crimes de sa compétence commis depuis le 1er septembre 2012 sur le territoire centrafricain.

 

 Suspecté de crimes de guerre et crimes contre l’humanité

Les cinq organisations se sont constituées parties civiles devant le doyen des juges d'instruction du Tribunal de grande instance de Bangui, aux côtés de deux victimes.

Rodrigue Ngaïbona alias Général Andjilo est suspecté d'assassinats, séquestration, détention d'armes de guerre, tortures et autres actes constitutifs de crimes de guerre et crimes contre l'humanité.

 Arrêté par la force des Nations unies le 17 janvier dernier à Bouca, il a ensuite été transféré à Bangui où il est en détention. En réaction à son arrestation, des Antibalaka avaient, deux jours plus tard, revendiqué l’enlèvement et la séquestration d'une Irakienne travaillant pour la Mission de l’ONU, d'une Française et d'un travailleur humanitaire centrafricain, afin d'obtenir sa libération.

« La constitution de partie civile de nos organisations dans cette affaire n'est que le premier acte que nous posons afin de garantir la participation effective des victimes aux procédures judiciaires visant les crimes les plus graves commis en Centrafrique. Nous permettrons de la même manière aux victimes des ex-Séléka d’accéder à la justice, afin que tous les auteurs de crimes les plus graves rendent des comptes, y compris les forces internationales si les allégations qui les visent sont vérifiées », a déclaré Maître Eric Plouvier, avocat des victimes et chargé de mission de la FIDH.  « Le Collectif d'avocats contre l'impunité est au service de toutes les victimes centrafricaines pour les représenter gratuitement devant la justice. C'est notre engagement pour les victimes en tant qu'avocats et en tant que militants des droits humains », a pour sa part assuré Maître Albert Panda, vice-président de l'OCDH.

La Centrafrique traverse une crise aiguë depuis début 2013, lorsque les rebelles de la Séléka ont pris le pouvoir après une campagne caractérisée par un grand nombre de massacres de civils, de maisons pillées et incendiées et d'autres crimes graves.

En 2013, des groupes s'appelant eux-mêmes les Antibalaka, se sont organisés pour combattre la Séléka, mais se sont aussi vite livrés à de nombreuses violations des droits de l'homme.