Lafarge en Syrie: les dates clés de l'affaire impliquant le cimentier français

D'"arrangements troubles et inavouables" au tribunal correctionnel de Paris: rappel des dates clés de l'affaire du cimentier français Lafarge qui, avec certains de ses anciens responsables, sera jugé à partir de mardi pour financement du terrorisme.

. "Arrangements troubles" et plainte

Le 21 juin 2016, le quotidien Le Monde affirme que le groupe cimentier Lafarge a tenté, en 2013 et 2014, de faire fonctionner "coûte que coûte" son usine, située à 150 km au nord-est d'Alep en Syrie, "au prix d'arrangements troubles et inavouables avec les groupes armés environnants", dont l'organisation Etat islamique (EI).

Lafarge, avalé par le cimentier suisse Holcim en 2015, assure que sa "priorité absolue" a "toujours été d'assurer la sécurité de son personnel".

Fin septembre 2016, le ministère français de l'Économie dépose une plainte portant notamment sur une interdiction d'acheter du pétrole en Syrie, édictée par l'Union européenne dans le cadre d'une série de sanctions contre le régime de Bachar al-Assad, et sur celle de toute relation avec les organisations terroristes présentes en Syrie. Le parquet de Paris ouvre une enquête.

Plusieurs associations portent également plainte.

. Accusation de complicité de crimes contre l'humanité

Le 9 juin 2017, une information judiciaire est ouverte. Selon un rapport des douanes françaises, Lafarge Cement Syrie (LCS), branche syrienne du groupe, a "effectué des paiements aux groupes jihadistes" et la direction française de l'époque a "validé ces remises de fonds en produisant de fausses pièces comptables". Le tout pour pouvoir maintenir l'activité de la cimenterie.

Début décembre 2017, deux anciens directeurs de la filiale syrienne, ainsi que le directeur de la sûreté du groupe, sont inculpés pour financement d'une entreprise terroriste et mise en danger de la vie d'autrui.

Puis c'est au tour de Bruno Lafont, PDG de Lafarge de 2007 à 2015, et d'autres dirigeants. Au total, huit cadres sont inculpés.

Le 28 juin 2018, Lafarge est inculpé pour une accusation rarissime de complicité de crimes contre l'humanité ainsi que pour financement d'une entreprise terroriste, mise en danger de la vie d'anciens salariés syriens et violation d'un embargo.

. Cinq ans de recours

Le groupe et trois dirigeants contestent les fondements de l'enquête. Le 7 novembre 2019, la cour d'appel annule l'inculpation pour complicité de crimes contre l'humanité.

En septembre 2021, la Cour de cassation casse cette décision. En mai 2022, après un retour à la chambre de l'instruction, la cour d'appel de Paris confirme l'inculpation du groupe pour complicité de crimes contre l'humanité et mise en danger de la vie d'autrui.

Le 16 janvier 2024, la Cour de cassation valide définitivement l'inculpation pour complicité de crimes contre l'humanité, notamment pour des crimes à l'encontre de la minorité des Yazidis, victimes d'atteinte volontaire à la vie, d'esclavage, d'emprisonnement, de torture, de violences sexuelles, de persécution, entre le 3 août et le 19 septembre 2014. Mais aussi envers la communauté des Sheitat et contre des recrues de l'armée irakienne.

Simultanément, la Haute juridiction annule les poursuites pour mise en danger de la vie d'autrui, "la loi française n'étant pas applicable" aux salariés syriens.

. Un premier procès ordonné

Le 9 février, le parquet antiterroriste requiert un premier procès pour financement du terrorisme (à hauteur de 5 millions d'euros). L'ancien PDG Bruno Lafont figure parmi les neuf personnes concernées.

Parallèlement, en octobre 2022, Lafarge avait annoncé avoir accepté de payer une sanction financière de 778 millions de dollars aux États-Unis et de plaider coupable pour avoir aidé des organisations "terroristes", dont le groupe EI, entre 2013 et 2014.

Le 16 octobre, trois juges d'instruction ordonnent un procès pour financement du terrorisme contre le groupe, désormais filiale du groupe suisse Holcim, et huit personnes. Seul l'ancien directeur de la sûreté bénéficie d'un non-lieu. Le procès s'ouvre mardi.

Le deuxième volet de l'affaire, celui concernant les soupçons de complicité de crimes contre l'humanité, est toujours en cours.

paj-ot-jba-lc/ang/mat/lrb

GROUPE HOLCIM

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