"Dévalorisation et mépris": Ristenrauna Magga se souvient du jour où, en 1968, elle et sa famille, des Samis du nord de la Finlande, ont été déshabillées pendant que des "chercheurs raciaux" les auscultaient.
"Les Samis avaient l'habitude de faire ce qu'on leur disait, personne ne remettait en question les recherches", explique la septuagénaire à propos du programme finlandais de "biologie raciale", qui s'est poursuivi jusque dans les années 1970 à l'égard de cette minorité alors considérée comme "inférieure".
Souvent désignés sous le nom de "Lapons" - un terme péjoratif qu'ils rejettent -, les Samis, seul peuple autochtone en Europe, vivent notamment de l'élevage traditionnel de rennes.
Leur population est aujourd'hui estimée à 100.000 personnes, répartie sur les territoires du nord de la Norvège, de la Suède et la Finlande, et dans une moindre mesure en Russie.
Durant une grande partie du XXe siècle, ils ont été perçus comme non civilisés par leurs gouvernements - qui ont exploité les terres et les ressources de Laponie.
"Ils nous ont appelés Lapons et ont dit que nous étions paresseux et sales", se souvient Ristenrauna Magga.
Les enfants ont, eux, été soumis à des politiques d'assimilation brutales qui les ont contraints à abandonner leur langue maternelle. "Cette expérience de dévalorisation et de mépris vous suit dans tout ce que vous faites", dénonce la retraitée.
Si Finlande, Norvège et Suède s'efforcent aujourd'hui d'expier les injustices du passé en mettant en place des "commissions vérité" et en rapatriant les objets volés aux Samis, les représentants de ces derniers affirment que la défense de leurs droits reste inégale.
Ils se battent aujourd'hui contre des décisions permettant d'ouvrir certaines parties de leur territoire riche en minéraux à des entreprises minières et électriques, au mépris des élevages de rennes.
Pour Mme Magga, qui a toujours milité en faveur des droits des Samis, les mesures prises par la Finlande pour réparer le passé ne sont qu'"un exercice de lavage de mains du gouvernement".
- Réconciliation -
Un panel indépendant, dont cinq membres ont été nommés conjointement par le gouvernement et les représentants sames en octobre dernier, doit débuter l'année prochaine des auditions afin de "réunir l'expérience des actions de l'Etat finlandais par le peuple same".
La "Commission vérité et réconciliation" doit remettre son rapport en 2023.
L'Etat finlandais entend "assumer la responsabilité de ses actes (...) et s'efforcer de renforcer la prise de conscience des droits du peuple same", a assuré le gouvernement.
Mais le processus sera "difficile" pour ceux "qui devront se souvenir de choses qu'ils ont voulu occulter", souligne Anni Koivisto, vice-présidente du Parlement same de Finlande. "Les gens espèrent qu'à l'avenir, cela améliorera notre statut dans la société", mais "la création de la commission n'est pas en soi une grande joie ou une victoire".
Il s'agit plutôt d'un signe que "toutes les autres façons de garantir les droits et la position du peuple same n'ont pas été suffisantes", dit-elle à l'AFP.
Un comité norvégien similaire instauré en 2018 doit, lui, rendre son rapport fin 2022.
En Suède voisine, où les progrès ont été plus lents, une "Commission vérité" a été annoncée début novembre. Ses travaux doivent durer jusqu'en 2025.
L'Eglise de Suède a présenté fin novembre pour la première fois des excuses pour son rôle durant des siècles dans de "graves violations de la dignité humaine" à l'encontre des Samis, allouant 3,9 millions d'euros à un plan de réconciliation sur dix ans.
"C'est facile de s'excuser quand on a déjà gagné la bataille", a commenté Henrik Blind, un représentant same qui a assisté à la cérémonie, dans un long compte rendu sur Facebook.
La Suède et la Finlande sont depuis longtemps critiquées pour leur refus de signer la convention 169 de l'Organisation internationale du travail (OIT) sur le droit des peuples autochtones.
- Restitutions -
Une étape importante pour les Samis a été franchie cette année, quand le Musée national de Finlande à Helsinki a rapatrié l'intégralité de sa collection de 2.000 objets sames vers le musée same d'Inari, dans le grand nord finlandais.
Y figurent des ceintures tissées colorées, des bijoux en métal ornés de fourrure de lapin et même des pièces de monnaie arabes, signe des liens commerciaux internationaux de la région il y a plus d'un siècle.
"Ces pièces sont porteuses d'informations héritées des ancêtres des Samis qui ne sont tout simplement pas accessibles aux chercheurs des musées d'Helsinki", explique Eeva-Kristiina Nylander, responsable du projet.
"Je pense que la restitution de ces objets est un moyen de réparer les choses", estime la conservatrice Anni Guttorm. "Cela aide à guérir les vieilles blessures, maintenant que les Samis ont repris le contrôle de leur propre patrimoine culturel".