Crimes contre l'humanité: perpétuité requise à Paris contre un ex-commandant rebelle libérien

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La réclusion criminelle à perpétuité a été requise lundi à l'encontre de l'ex-commandant rebelle libérien Kunti Kamara, jugé en appel à Paris après sa condamnation à la prison à vie prononcée fin 2022 pour actes de barbarie et complicité de crimes contre l'humanité pendant la première guerre civile au Liberia (1989-1997).

Cet ancien commandant faisait partie du Mouvement uni de libération pour la démocratie (Ulimo) qui luttait contre la milice rivale de Charles Taylor.

Il avait été jugé en première instance lors d'un procès inédit qui s'était tenu au titre de la "compétence universelle" exercée par la France, sous certaines conditions, pour juger les crimes les plus graves commis hors de son sol.

L'ancien milicien, né en 1974, avait fait appel et se retrouve à nouveau jugé, depuis le 5 mars, pour une série d'exactions contre les civils en 1993-1994, dont sa complicité lors de viols répétés de deux adolescentes par des soldats placés sous son autorité, ou son tir "en rafale en pleine tête" d'une femme malade.

Il avait été arrêté en région parisienne en septembre 2018, après la plainte de l'ONG Civitas Maxima, qui lutte contre l'impunité.

Comme en première instance, Kunti Kamara a clamé son innocence. Plusieurs victimes et témoins ont au contraire certifié qu'il était bien le "C.O Kundi" - pour "commanding officer" - qui aurait contribué à faire régner la terreur dans le nord-ouest du pays, tombé aux mains de l'Ulimo au début des années 1990, le comté de Lofa en particulier.

"Un endroit oublié dans un pays oublié", selon les termes de l'avocate générale Myriam Fillaud pour rappeler aux jurés l'importance de ce procès et de "lutter contre l'impunité", c'est-à-dire "garantir l'Etat de droit dans une situation où l'Etat a failli".

Dans son réquisitoire, elle est revenue sur "la gravité exceptionnelle" des crimes reprochés à Kunti Kamara, qui visaient selon elle à "mater la population civile", les viols notamment devenus "instruments de terreur".

Elle évoque son rôle dans "la mise à mort barbare" d'un instituteur en 1993, décédé après le supplice du "tabé" - un sévice qui consiste à attacher les coudes dans le dos et à serrer les liens jusqu'à faire ressortir la cage thoracique -, son coeur "extrait à main nue" puis "mangé par ses bourreaux", pour "donner le ton de l'occupation de l'Ulimo".

Devant la cour, Kunti Kamara n'a montré "aucune introspection, empathie, décence, humanité" pour les victimes, a déploré l'avocate générale qui a requis la réclusion criminelle à perpétuité.

Les crimes des guerres civiles libériennes (1989-2003), qui ont fait 250.000 morts, n'ont jamais été jugés au Liberia, où d'anciens chefs rebelles occupent aujourd'hui de hautes fonctions dans l'appareil d'État.

"Il ne s'agit pas de juger à la place de, mais en l'absence de", a plaidé Me Sabrina Delattre, avocate de victimes.

Le verdict est attendu mercredi.