Royaume-Uni: un ministre menacé de prison par une commission d'enquête sur des crimes de guerre

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Parce qu'il refuse de dévoiler les noms de soldats ayant dénoncé de possibles crimes de guerre commis par les forces spéciales britanniques en Afghanistan, un membre du gouvernement britannique est engagé dans un bras de fer avec un juge. Au point de risquer la prison.

Johnny Mercer, le secrétaire d'Etat aux Anciens combattants dans le gouvernement de Rishi Sunak, a affirmé par le passé que "plusieurs officiers" lui avaient parlé de meurtres commis et camouflés par des soldats britanniques durant le conflit en Afghanistan.

Mais il a refusé de donner les noms de ces officiers malgré les demandes répétées de la commission d'enquête chargée d'examiner si une unité de l'armée avait bien exécuté en Afghanistan, entre 2010 et 2013, des hommes "en âge de combattre" et considérés comme des menaces.

Lassée de ces refus, cette commission d'enquête indépendante a sommé mardi le secrétaire d'Etat de révéler l'identité de ces soldats avant le 5 avril, sous peine de se voir infliger des sanctions qui pourraient aller jusqu'à une peine de prison.

Ne pas respecter cet ordre sans une raison valable pourrait constituer "un crime passible de prison et/ou d'une amende", a insisté le président de la commission, le juge Charles Haddon-Cave, dans sa requête.

Il précise que les noms "seront examinés de manière confidentielle" et ne seront connus que des membres de l'équipe légale de la commission.

Johnny Mercer a jusqu'au 3 avril pour faire appel de cette requête et montrer qu'elle est illégitime ou qu'il ne peut pas s'y plier. Selon les médias britanniques, le secrétaire d'Etat a bien l'intention de la contester.

L'enquête en question couvre une période allant de mi-2010 à mi-2013, période pendant laquelle deux familles en Afghanistan - huit personnes dont trois enfants - auraient été tuées par des forces spéciales britanniques durant des raids en Afghanistan en 2011 et 2012.

Une enquête de la BBC diffusée en 2022 et qui avait fait grand bruit au Royaume-Uni avait mis en évidence 54 cas de personnes tuées par balles en Afghanistan dans des circonstances suspectes par une unité des forces spéciales britanniques, des faits qui avaient été dissimulés par leur hiérarchie.

- "Intégrité" -

Interrogé par la commission le mois dernier, lors d'une audience aux échanges parfois tendus avec le président, Johnny Mercer a toujours refusé de dévoiler ses sources, invoquant son "intégrité".

Mais Charles Haddon-Cave l'a accusé d'obstruction, affirmant qu'il avait "une compréhension erronée du terme intégrité et un sentiment de loyauté inapproprié".

Johnny Mercer, député du parti conservateur de la circonscription de Plymouth (sud-ouest de l'Angleterre) depuis 2015, est lui-même un ancien officier de l'armée et a servi à trois reprises en Afghanistan.

Il ne s'est jusqu'ici pas exprimé publiquement sur son bras de fer avec la commission d'enquête, mais ses proches ont affirmé qu'il était guidé par la volonté de protéger l'idée selon laquelle le personnel militaire et les anciens combattants peuvent s'adresser aux parlementaires en toute confiance.

Ils ont aussi laissé entendre que les sources en question souffraient de problèmes de santé mentale et étaient vulnérables.

Un de ses proches a ainsi affirmé qu'il ne révèlerait le nom de ses informateurs que si ces derniers l'y autorisaient.

Downing Street a refusé de commenter cette affaire embarrassante, tout en affirmant que chacun devait "bien sûr" se conformer aux commissions d'enquête.

En Australie, une enquête interne a conclu que 39 civils et prisonniers avaient été "tués illégalement" en Afghanistan par les forces spéciales australiennes. Un ancien soldat de 41 ans accusé de crime de guerre avait été arrêté en mars.