Deux survivants de la Shoah font condamner la Roumanie à la CEDH

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Deux survivants de la Shoah ont fait condamner mardi la Roumanie devant la Cour européenne des droits de l'homme (CEDH) pour avoir rejugé et acquitté dans les années 1990 deux militaires initialement condamnés pour leur participation à l'Holocauste.

Bucarest va devoir verser 8.500 euros au titre des frais et dépens à Leonard Zaicescu, né en 1927, et Ana Falticineanu, née en 1929. Ces deux personnes d'origine juive roumaine vivent toujours à Bucarest, précise la CEDH dans son arrêt.

En 2016, les deux plaignants ont appris "par accident" que deux anciens lieutenants-colonels de l'armée roumaine avaient été finalement acquittés par la Cour suprême dans les années 1990, à titre posthume, après avoir été condamnés après 1945 à 10 et 15 ans de travaux forcés pour crimes de guerre.

Il leur était particulièrement reproché d'avoir participé à la déportation des juifs roumains et au pogrom de Iasi, qui a fait des milliers de morts à l'époque où le pays était l'allié de l'Allemagne nazie. La Roumanie comptait avant la guerre la troisième population juive d'Europe.

Lors de ce pogrom en juin 1941, des milliers de juifs furent fauchés par les balles des militaires et les survivants entassés dans des wagons de marchandises dont les ouvertures avaient été bouchés. Sans eau par une chaleur atroce, la plupart sont morts asphyxiés. M. Zaicescu en est l'un des rares survivants.

Mme Falticineanu, jetée dans un ghetto, avait survécu de son côté en vivant cachée pendant trois ans.

Dans les années 1990, la Cour suprême roumaine avait acquitté les deux militaires, au motif "qu'ils s'étaient simplement conformés aux ordres relatifs à la déportation des Juifs roumains et qu'ils n'avaient nullement été impliqués dans les massacres de Juifs, perpétrés uniquement par des troupes allemandes".

La CEDH a jugé que les arguments avancés par la Cour suprême "ne sont que des excuses ou des efforts visant à brouiller les responsabilités et à rejeter sur une autre nation la faute de l'Holocauste, au mépris de faits historiques bien établis."

Elle estime que le gouvernement roumain "n'a pas fourni de motifs pertinents et suffisants pour justifier la révision de condamnations historiques", et conclut donc que les acquittements étaient "excessifs" et "non nécessaires dans une société démocratique".

La CEDH est un tribunal international chargé de sanctionner les violations de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme, texte ratifié par 46 pays réunis au sein du Conseil de l'Europe.