Le procureur de la Cour pénale internationale (CPI) a déposé mercredi une requête pour un mandat d'arrêt contre Min Aung Hlaing, chef de la junte en Birmanie, pour crimes présumés contre l'humanité contre la minorité rohingya.
Le procureur Karim Khan a déclaré, dans un communiqué, avoir des "motifs raisonnables" de croire que le général Min Aung Hlaing, dirigeant de facto de Birmanie, pourrait être pénalement responsable des "crimes contre l'humanité de déportation et de persécution commis à l'encontre des Rohingyas", en partie en Birmanie et au Bangladesh.
Le bureau du procureur de la CPI, qui siège à La Haye (Pays-Bas), a indiqué enquêter depuis 2019 sur des crimes présumés dans l'État de Rakhine, en Birmanie, "lors de deux vagues de violence survenues en 2016 et 2017 et durant l'exode des Rohingyas" de la Birmanie au Bangladesh.
Les Rohingyas, majoritairement musulmans, sont persécutés en Birmanie, pays à dominante bouddhiste qui les soumet à un régime assimilé à l'apartheid, selon l'ONG Amnesty International.
Des centaines de milliers de Rohingyas ont fui l'État de Rakhine en 2017 devant les persécutions à grande échelle de l'armée, objet d'une enquête des Nations unies pour génocide.
Environ un million de Rohingyas vivent aujourd'hui dans des camps tentaculaires près de la ville bangladaise de Cox's Bazar, à la frontière. Beaucoup de ceux qui sont partis accusent l'armée birmane de massacres et de viols.
"Ce ne sera pas la dernière"
"Mon bureau fait valoir que ces crimes ont été commis entre le 25 août 2017 et le 31 décembre 2017 par les forces armées du Myanmar (les "Tatmadaw"), avec le soutien de la police nationale, de la police des frontières et de civils autres que les Rohingyas", a poursuivi Karim Khan.
Le procureur de la CPI a précisé qu'il s'agissait de la première fois que son bureau déposait une requête de ce type visant un membre de haut rang du gouvernement birman, et ajouté que "ce ne sera pas la dernière."
La junte de Birmanie a rejeté la démarche du procureur, affirmant dans un communiqué que "les déclarations de la CPI n'ont jamais été reconnues", le pays n'étant pas membre de la CPI.
Largement considérés comme des intrus venus du Bangladesh, les Rohingyas restés en Birmanie se voient notamment refuser la citoyenneté et l'accès aux soins de santé, et doivent obtenir une autorisation pour voyager en dehors de leur commune.
Min Aung Hlaing, qui était à la tête de l'armée pendant la répression, a qualifié le terme "Rohingya" d'"imaginaire".
"Un mandat d'arrêt, c'est une bonne nouvelle pour nous. (Le chef de la junte) est le principal ordonnateur du génocide de 2017", souligne Maung Sayodullah, à la tête d'une ONG de défense des droits humains installée à Cox's Bazar.
Une étape importante
Les juges de la CPI doivent désormais décider d'accorder ou non les mandats d'arrêt.
Si ces mandats sont accordés, les 124 pays membres de la CPI seront théoriquement obligés d'arrêter le chef de la junte s'il se rend sur leur territoire.
La Chine, l'un des principaux alliés et fournisseurs d'armes de la junte au pouvoir en Birmanie, n'est pas membre de la CPI.
"L'action de la CPI est une étape importante vers la rupture du cycle d'abus et d'impunité qui a longtemps été un facteur clé pour alimenter les violations massives de l'armée", a commenté Maria Elena Vignoli, conseillère principale en matière de justice internationale de l'ONG Human Rights Watch, dans un communiqué.
La requête de M. Khan intervient quelques jours seulement après que la CPI a délivré des mandats d'arrêt à l'encontre du Premier ministre israélien Benjamin Netanyahu, de son ancien ministre de la défense et d'un haut responsable du Hamas, dans le cadre de la guerre à Gaza.
La Birmanie est en proie à un conflit entre l'armée et divers groupes armés d'opposition depuis le coup d'État militaire qui a renversé le gouvernement élu d'Aung San Suu Kyi en février 2021.
La junte est sous le choc d'une offensive rebelle majeure l'année dernière, qui s'est emparée d'une grande partie du territoire, principalement près de la frontière avec la Chine.
En début de mois, Min Aung Hlaing a déclaré au Premier ministre chinois Li Qiang que l'armée était prête à faire la paix si les groupes armés s'y engageaient, selon un compte rendu de la réunion publié dans le Global New Light of Myanmar (GNLM).