Le puissant Parti nationaliste du Bangladesh (BNP) a pour la première fois lundi soir critiqué ouvertement le gouvernement provisoire de Muhammad Yunus, après une série de troubles suivie d'une vaste opération d'arrestations.
La police bangladaise a interpellé 1.500 personnes dans le cadre de l'opération baptisée "Chasse aux Démons", visant des groupes soupçonnés par le gouvernement d'être liés à l'ex-Première ministre déchue Sheikh Hasina.
Mirza Fakhrul Islam Alamgir, secrétaire général du Parti national du Bangladesh (BNP), a rencontré M. Yunus lundi soir pour lui fait part "de ses inquiétudes après les incidents qui ont balayé le pays" la semaine dernière.
Le 5 février, six mois après la fuite de Sheikh Hasina, des manifestants ont détruit plusieurs bâtiments liés à sa famille, notamment à l'aide de pelleteuses, parmi lesquels la maison transformée en musée de son père.
La police n'est pas intervenue alors que des manifestants mettaient le feu au bâtiment.
"Tout cela s'est passé sous les yeux des forces de l'ordre, donc le gouvernement ne peut se dérober à sa responsabilité", a déclaré le leader du BNP.
Ces actions ont été menées après des informations selon lesquelles Mme Hasina - inculpée par la justice bangladaise de crimes contre l'humanité et sous le coup de plusieurs mandats d'arrêt internationaux - devait s'adresser à ses partisans sur Facebook depuis l'Inde voisine où elle est réfugiée.
Des affrontements se sont également produits entre des manifestants opposés à l'ancienne dirigeante et des membres de son parti, la Ligue Awami.
Des jeunes du mouvement des Etudiants contre la discrimination, à l'origine des manifestations de l'été dernier, ont été attaqués à Dacca vendredi.
Des membres de ce collectif puissant, dont certains font partie du gouvernement intérimaire, ont exigé des mesures à l'encontre des auteurs de ces attaques.
"Nous avons déjà vu ce genre d'opérations", a déclaré le dirigeant du BNP, et "nous avons mis en garde le gouvernement afin de protéger les civils innocents".
- Editeur visé -
Fin janvier dernier, Human Rights Watch s'est inquiété de toute tentation de vengeance contre le régime déchu de Mme Hasina, dénonçant des enquêtes lancées tous azimuts et des représailles contre la presse.
Après son arrivée au pouvoir, M. Yunus, 84 ans, lauréat du prix Nobel de la paix, avait mis en garde contre le risque de représailles.
"Les sacrifices que nous avons faits visaient à mettre fin aux injustices dans tous les domaines", a déclaré M. Yunus lundi soir. "Si nous engageons les mêmes actions que le régime tombé, il n'y aura aucune différence entre eux et nous".
Lundi, la police a également placé sous protection Shatabdi Bhaba, qui travaille pour une maison d'édition après que des dizaines d'étudiants islamistes en colère eurent envahi son stand à la foire du livre Ekushey à Dacca.
"Ils avaient appelé à vandaliser le stand de livres", a déclaré Sanjana Mehran, cofondatrice avec M. Bhaba de la maison d'édition Sabyasachi Publishers, expliquant que les manifestants scandaient leur colère à propos d'un livre de la célèbre auteure en exil Taslima Nasrin, qui milite pour les droits des femmes.
De tels "actes injustifiés portent atteinte aux traditions culturelles respectueuses de toutes les identités et expériences" du Bangladesh, a déclaré M. Yunus.