15.08.12 - TPIR/BUTARE - LA PROCEDURE D’APPEL DANS L’AFFAIRE BUTARE RALENTIE PAR LA TRADUCTION DU JUGEMENT

Arusha, 15 août 2012 (FH) – Connu pour avoir été le plus lent de l’histoire du Tribunal pénal international pour le Rwanda (TPIR), en première instance, le procès « Butare » risque également d’avoir sa place parmi les plus longs au niveau de la phase d’appel. Une année après le jugement au premier degré, la procédure d’appel n’en est qu’à ses débuts, à cause de problèmes de traduction.

2 min 55Temps de lecture approximatif

Le 24 juin 2011, l’ex-ministre de la Famille et de la promotion féminine Pauline Nyiramasuhuko, son fils Arsène Shalom Ntahobali,  et l’ancien maire de Muganza, Elie Ndayambaje étaient condamnés à la prison à vie. Un autre ex- maire, Joseph Kanyabashi, se voyait infliger 35 ans de réclusion tandis que les anciens préfets de Butare (sud), Sylvain Nsabimana et Alphonse Nteziryayo écopaient respectivement de 25 et 30 ans d’emprisonnement. Ils étaient tous les six reconnus coupables d’implication, à divers degrés, dans le génocide de Tutsis de 1994, dans leur préfecture de Butare.

Les condamnés attendent la version française du jugement

Les condamnés, qui ont tous décidé de faire appel, n’ont pour le moment déposé que les notices d’appel, un acte résumant ce que sera l’essentiel de l’argumentation au niveau du deuxième degré. « Ils ne déposeront leurs mémoires d’appel proprement dits  qu’après avoir reçu la version française du jugement », a indiqué à l’agence Hirondelle Holo Makwaia, du bureau du procureur.

En effet, même si certains membres des six équipes de défense sont anglophones, la langue de travail des condamnés est le français. Or le 24 juin 2011, le juge William Hussein Sekule n’a lu qu’un résumé en anglais des conclusions de sa chambre, qui conduisait l’affaire depuis 10 ans. Le texte intégral, lui aussi anglais, a été distribué aux parties trois semaines plus tard. Un pavé de plus de 1.500 pages sur lesquelles les traducteurs triment depuis lors. « Nous y travaillons sans relâche. Ce n’est pas une tâche facile que de traduire un texte rempli de termes juridiques. Et puis, en justice, beaucoup plus que dans d’autres domaines, il faut faire attention quand on traduit. Mais nous espérons en avoir fini dans quelques semaines », a expliqué un traducteur qui a requis l’anonymat.

La lourde tâche de ces indispensables acteurs invisibles avait été déjà soulignée par l’un d’eux, dans un entretien avec Hirondelle en février 2010. « La traduction, ce n'est pas de la photocopie. Les normes de traduction internationalement acceptées sont également bien connues. A défaut de disposer d'effectifs suffisants par rapport au volume de travail à abattre, il faut laisser le temps au temps », avait dit le Camerounais François Bembatoum. 

Depuis lors, rappelle aujourd’hui un agent du greffe, la section des langues n’a pas été épargnée par le processus général de compression progressive du personnel, dans la perspective de la fermeture en décembre 2014.

Se préparer provisoirement avec la version anglaise

D’une manière générale, la chambre a conseillé aux équipes de défense dont l’un des membres ou le client a une certaine connaissance de l’anglais, de préparer provisoirement leurs mémoires d’appel sur la base de la version anglaise, en attendant de faire des retouches lorsque le jugement sera disponible dans la langue qu’ils maîtrisent. C’est le cas pour l’ancien préfet Sylvain Nsabimana dont la défense est pilotée Josette Kadji. « Dans mon équipe, nous avons travaillé avec la version anglaise, en attendant la version française. Quand nous l’aurons reçue, nous disposerons d’un délai de 60 jours accordés par la chambre pour finaliser notre mémoire», a expliqué l’avocate camerounaise jointe au téléphone à Douala.

Pour l’ancien maire Joseph Kanyabashi, un autre document important reste à traduire, en plus du jugement : le mémoire d’appel du procureur. Car seul Kanyabashi fait l’objet d’un appel de la part de l’accusation, qui estime n’avoir pas de motif de recours pour les compagnons de l’ancien responsable administratif. Quand les condamnés auront déposé leurs arguments écrits, le procureur disposera du temps nécessaire pour leur répondre également par écrit. Ce n’est alors qu’après lecture de tous ces volumes que la chambre pourra fixer l’audience d’appel. « Peut-être vers la fin de l’année, peut-être l’année prochaine », suppute Maître Kadji.

ER/GF