Près de 30 ans après sa condamnation pour les meurtres de son frère, sa belle-soeur et deux de ses nièces, la Cour de révision examinera le 2 avril prochain la requête déposée par Dany Leprince qui clame son innocence.
"Depuis 1945, il n'y a que douze affaires criminelles à avoir été révisées dans notre pays, nous espérons que Dany Leprince sera la treizième", a déclaré à l'AFP son avocat, Me Olivier Morice.
Agé désormais de 68 ans, Dany Leprince a été condamné à la réclusion criminelle à perpétuité avec 22 ans de sûreté en 1997.
Le 4 septembre 1994, son frère Christian Leprince, sa femme et deux de leurs filles, âgées de 7 et 10 ans, avaient été retrouvés massacrés à l'arme blanche dans leur pavillon de Thorigné-sur-Dué (Sarthe). Solène, 2 ans, était la seule rescapée.
Accusé par sa femme Martine Compain - dont il est depuis divorcé - et sa fille aînée Célia, Dany Leprince avait avoué le meurtre de son frère, avant de se rétracter.
L'audience devant la Cour de révision, qui sera publique, commencera à 09H00 et durera toute la journée, avec une décision attendue ensuite "avant l'été", a précisé Me Morice.
La Cour de révision, composée de 18 magistrats, pourra soit prononcer l'annulation de la condamnation et ordonner un nouveau procès, soit rejeter la requête.
La commission d'instruction a transmis en janvier dernier cette requête en révision à la Cour, la jugeant recevable en raison de deux séries de faits nouveaux ou inconnus.
D'une part les déclarations de Célia, "un témoin à charge essentiel de l'accusation" mais dont le "témoignage s'effondre totalement", selon Me Morice.
Les déclarations de la fille aînée de Dany Leprince, au regard d'une remise en situation réalisée en avril 2023, se sont révélées être incompatibles avec la topographie des lieux.
- "Incohérences" -
Célia "a toujours affirmé avoir vu son père frapper Christian Leprince", mais pour les enquêteurs, "il n'apparaît pas possible" pour Célia "d'avoir vu les faits décrits", est-il écrit dans l'arrêt que l'AFP a pu consulter.
Les juges ont aussi pointé "la crédibilité totale" accordée à l'époque aux propos de Solène sur la culpabilité de son oncle, alors qu'elle n'était âgée que de deux ans.
Celle-ci a écrit en avril 2024 à la commission d'instruction avoir "de sérieux doutes quant à la culpabilité" de son oncle, "au regard des nombreuses incohérences" du dossier, et souhaité "ardemment qu'un nouveau procès puisse avoir lieu pour rechercher la vérité".
Par ailleurs, et dans une procédure distincte, l'ex-femme de Dany Leprince, Martine Compain, 68 ans, a été placée sous le statut de témoin assisté en avril 2024, à la suite d'une plainte avec constitution de partie civile déposée au Mans par Robert Leprince, père de Dany.
Le parquet du Mans avait demandé que Mme Compain soit mise en examen, citant notamment le "caractère très évolutif" de ses déclarations, la probable "pluralité" d'auteurs et l'utilisation de deux armes pour le quadruple meurtre.
Cette demande a été rejetée le 6 octobre, mais deux pourvois en cassation ont été déposés par les avocats de Solène Leprince et Alain Leprince, frère de Dany.
Sur la procédure de révision, Me Morice a évoqué un "beau combat" à livrer pour faire reconnaître l'innocence de Dany Leprince, surnommé à l'époque des faits "le boucher de la Sarthe".
Les révisions de condamnations pénales restent extrêmement rares en France.
Parmi les plus célèbres: Patrick Dils, acquitté en appel après avoir passé 15 ans de détention pour les meurtres de deux enfants commis en 1986 à Montigny-lès-Metz (Moselle). Ou Marc Machin, acquitté au terme de son troisième procès en 2012, après que le véritable auteur du meurtre d'une femme se fut dénoncé.
De nombreuses demandes en révision ont été rejetées, comme dans les célèbres affaires Dominici ou Seznec.
