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Opinion: : Quelles seront les prochaines étapes du processus de paix au Burundi ?

Opinion: : Quelles seront les prochaines étapes du processus de paix au Burundi ?©Gouvernement du Burundi
Parade du président Nkurunziza
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Les pourparlers visant à régler le violent clivage politique qui divise le Burundi devraient commencer ce mercredi en Tanzanie, mais l’État se montre intransigeant sur ce qu’il considère comme une ingérence dans ses affaires intérieures.

Le gouvernement persiste à dire qu’il n’engagera aucun dialogue avec les membres de l’opposition ayant participé à la tentative de coup d’État du mois de mai. Il rejette par ailleurs le projet de l’Union africaine de déployer 5 000 agents de maintien de la paix pour protéger les civils et a même menacé de combattre ces troupes si elles entraient en action.

Une première rencontre avait eu lieu en Ouganda, sous la médiation du président Yoweri Museveni, désigné à cette fin par l’Union africaine pour lever les derniers obstacles au processus de paix, en vain. L’Union africaine a donc menacé les parties au conflit de sanctions si elles ne se présentaient pas à Arusha (Tanzanie) le 6 janvier, sans pour autant préciser quelles seraient ces sanctions.

« Jusqu’à présent, les réponses du gouvernement burundais sont décevantes, mais les facilitateurs des pourparlers ne doivent pas baisser les bras. Une pression internationale et régionale soutenue est essentielle pour persuader le gouvernement et l’opposition de prendre des mesures pour mettre fin aux violences meurtrières au Burundi », a dit à IRIN Carina Tertsakian, chercheuse principale de Human Rights Watch sur le Burundi.

La communauté internationale se montre de plus en plus inquiète face aux violences qui déchirent le pays depuis l’annonce controversée du président Pierre Nkurunziza de briguer un troisième mandat et sa victoire électorale en juillet. Selon les Nations Unies, 400 personnes auraient été tuées jusqu’à présent et la communauté internationale craint que la multiplication des homicides mène le Burundi à la guerre civile et entraîne une division ethnique de l’armée.

« Il revient au gouvernement de s’assurer que ses forces de sécurité cessent de s’en prendre à des individus pour la simple raison qu’elles les soupçonnent d’être opposés au gouvernement ou parce que ce sont de jeunes hommes vivant dans des quartiers dits d’opposition », a dit Mme Tertsakian.

Quelles sont les chances de réussite des pourparlers de paix ?

Lors des négociations du 28 décembre en Ouganda, le gouvernement burundais a rejeté la demande de M. Museveni d’une amnistie pour les membres de l’alliance d’opposition — le Conseil national pour le respect de l’accord d’Arusha et la restauration d’un état de droit au Burundi (CNARED) — impliqués dans la tentative de coup d’État qui cherchait à empêcher M. Nkurunziza de se représenter.

M. Nkurunziza avait alors pu rassembler les troupes qui lui étaient restées fidèles et le putsch avait été mis en échec après deux jours de combats.

Le gouvernement a qualifié le CNARED d’« organisation terroriste » et l’a accusé d’être à l’origine d’attaques contre les forces de sécurité et de recruter des membres parmi les ressortissants réfugiés dans les pays voisins. L’Union africaine considère quant à elle le CNARED, qui compte deux anciens présidents et de nombreux chefs de file de la société civile, comme une fédération des mouvements d’opposition.

« Si des individus dont nous avons la preuve qu’ils ont participé au coup d’État se présentent dans la salle [de négociation], nous sortons. C’est aussi simple que ça », a dit aux journalistes Alain Aimé Nyamitwe, ministre des Affaires étrangères burundais et chef de la délégation du gouvernement.
« Pourquoi devrions-nous parler [d’accorder] l’immunité à certains alors que d’autres sont jugés à Bujumbura ? Pourquoi, selon vous, le Burundi pourrait-il persévérer dans la tendance à l’impunité et au pardon envers des politiciens irresponsables ? »

Même si Jean Minani, représentant des négociateurs de l’opposition, a dit à IRIN que son équipe participerait aux pourparlers d’Arusha, il exige néanmoins que M. Nkurunziza démissionne. « Nous allons négocier avec l’ennemi. Mais [M. Nkurunziza] ne peut pas dire “donnez-moi [encore] cinq ans” […] Il doit partir », a-t-il dit.

Les soldats de maintien de la paix vont-ils être déployés ?

Selon les opposants de M. Nkurunziza, briguer un troisième mandat lui était interdit par la Constitution et violait l’accord de paix d’Arusha de 2000 qui avait mis fin à la longue guerre civile qui déchirait le Burundi. Un élément clé de cet accord était la fusion entre l’armée et les forces rebelles, auxquelles avait appartenu M. Nkurunziza.

« Une solution politique n’est pas impossible, mais semble très très difficile étant donné que la principale demande de l’opposition est la démission de M. Nkurunziza, ce que le gouvernement n’acceptera jamais », a dit à IRIN Alex Fielding, analyste à Max Security Solutions, une société de conseil en risques géopolitiques. « [M.] Nkurunziza demeure populaire en milieu rural et il s’est montré peu enclin au compromis. »

« Oui, bien sûr, le CNARED est la principale plate-forme d’opposition et elle doit participer si l’on veut parvenir à une solution politique durable. En rejetant d’emblée [ses membres] comme étant des ‘criminels’ ou des ‘terroristes’, le gouvernement de [M.] Nkurunziza condamne le dialogue à l’échec », a-t-il dit.

« L’une des raisons de cette ligne dure est que les soutiens de [M. Nkurunziza] sont nombreux au sein des forces de sécurité et des échelons supérieurs de l’armée depuis qu’il a écarté ceux qui étaient perçus comme déloyaux après la tentative de coup d’État. Il est également encouragé par la perspective de moins en moins probable d’un déploiement d’une mission de maintien de la paix de l’Union africaine. »

Le 17 décembre, l’Union africaine a invoqué pour la première fois une clause l’autorisant à intervenir dans un État membre sans la permission de ce dernier. M. Nkurunziza a rapidement averti qu’il combattrait une telle « force d’invasion ».

« Je pense que le gouvernement burundais va continuer à essayer de retarder et de troubler les négociations et le déploiement d’une force de maintien de la paix aussi énergiquement que possible », a dit à IRIN Joseph Siegle, directeur de recherche à l’Africa Center for Strategic Studies de la National Defense University (Washington). « Ils vont justifier cela en vertu de la souveraineté, mais ce qu’ils veulent vraiment c’est avoir le contrôle et détourner l’attention de leur manque de légitimité. »

« Tout au long de la crise, le gouvernement a calculé que les autorités régionales et internationales manqueraient de volonté politique pour intervenir et qu’il pourrait en profiter pour faire pression en faveur d’un troisième mandat et employer ses techniques d’intimidation », a-t-il ajouté.

En réalité, la Force en attente de l’Afrique de l’Est est loin d’être prête à intervenir. Le Rwanda et la Tanzanie, deux forces importantes, ont déjà dit qu’ils ne fourniraient pas de troupes et, étant données les objections du Burundi, tout déploiement doit obtenir au préalable l’approbation du Conseil de sécurité des Nations Unies.

« Je pense que la force de maintien de la paix de l’Union africaine était plutôt une manoeuvre politique visant à pousser [M.] Nkurunziza au dialogue qu’une réelle volonté d’envoyer la Force en attente de l’Afrique de l’Est accomplir une mission aussi explosive et complexe », a dit M. Fielding.

« La Force en attente de l’Afrique de l’Est n’a pas à proprement parler d’expérience du combat et la plupart des dirigeants de l’Union africaine se montrent toujours réticents et sceptiques quant à une interférence avec la souveraineté de l’État par une intervention militaire », a-t-il ajouté. « Je n’imagine pas que l’on parvienne à dépasser ces obstacles, à moins d’une sérieuse escalade de la violence qui délégitimerait le gouvernement de [M.] Nkurunziza dans son rôle de protecteur de la population et qui redonnerait à l’intervention un sens bien plus urgent. »

Au bord de la catastrophe ?

La situation pourrait basculer avec l’émergence de factions dissidentes dans l’armée burundaise auparavant majoritairement tutsi. Le 23 décembre, un nouveau groupe rebelle, les Forces républicaines du Burundi (Forebu), a annoncé sa création.

Dirigé par Edward Nshimirimana, ancien colonel, le mouvement a affirmé compter des déserteurs de l’armée dans ses rangs. Le gouvernement l’a accusé d’attaques contre des bases de l’armée le 11 décembre et d’autres « attentats avortés ».

« Si les Forebu parvenaient à attirer plusieurs officiers tutsi de haut rang mécontents d’avoir été mis à l’écart par la faction composée d’anciens membres de groupes armés hutu proches de [M.] Nkurunziza, les violences pourraient se multiplier, prendre une dimension ethnique dangereuse et éventuellement conduire à une guerre civile », a dit M. Fielding.

« [M.] Nkurunziza a tout intérêt à éviter un tel scénario, qui entraînerait probablement une intervention militaire internationale. Mais des signes inquiétants d’un recours à la rhétorique ethnique pour susciter le soutien ont déjà été observés. [M.] Nshimirimana a ainsi affirmé qu’un génocide des Tutsis était déjà en cours. »

Que faire ?

« La solution doit être politique plutôt que simplement militaire et les dirigeants africains de la région et d’autres pays comme la Chine — qui conserve une certaine influence sur [M.] Nkurunziza – doivent faire pression sur le gouvernement pour qu’il entame un dialogue ouvert laissant un droit de parole au CNARED et aux groupes de la société civile », a dit M. Fielding.

« Si l’Union africaine est prête à offrir son aide pour éviter de nouveaux morts, le gouvernement burundais devrait accepter d’envisager cette possibilité, ainsi que d’autres options qui pourraient permettre de rétablir le respect de l’état de droit et des droits de l’homme fondamentaux », a dit Mme Tertsakian.

« Outre le déploiement d’une force militaire, d’autres mesures pourraient permettre de réduire le nombre d’homicides, par exemple le déploiement d’une force policière régionale dans les zones les plus sujettes aux violences. »

« Il reste encore une chance d’éviter la catastrophe au Burundi », a conclu la chercheuse.