En pleine comparution de l'un de ses chefs, la LRA sévit en Centrafrique

En pleine comparution de l'un de ses chefs, la LRA sévit en Centrafrique©CPI
Dans le nord de l'Ouganda, des villageois suivent à la télévision l'audience Ongwen
3 min 39Temps de lecture approximatif

S'agit-il d'une simple coïncidence ou l'Armée de résistance du Seigneur (LRA) veut –elle ainsi faire un pied de nez à la communauté internationale ?

 Pendant qu'à La Haye, la Cour pénale internationale (CPI) entend les arguments des parties dans le cadre de l'audience de confirmation des charges à l'encontre de l'un de ses chefs, le mouvement rebelle ougandais frappe pour la énième fois dans l'est centrafricain, son actuel retranchement.

 Le jeudi 21 janvier, alors qu’au siège de la Cour s’ouvrait cette audience préliminaire dans l’affaire Dominic Ongwen, des éléments de la LRA ont investi une église catholique de Bakouma, dans la préfecture centrafricaine de Mbomu, rapporte Radio Ndeke Luka, qui cite des responsables ecclésiastiques. Une religieuse a été torturée, deux civils pris en otages et une importante somme d'argent emportée. Saisie de panique, la population a pris la clé des champs, ce qui a paralysé l'activité économique dans la localité, rapporte cette radio centrafricaine.

 La veille au matin, des éléments de la LRA avaient frappé à Zémio dans le Haut Mbomou, ciblant deux villages. Au cours de cette double attaque, six jeunes, dont quatre filles, ont été enlevés, un poste de santé saccagé et du matériel de communication appartenant à l'ONG Catholic Relief Services (CRS) pillé.

 Mais la pire attaque avait eu lieu une semaine auparavant lorsque les hommes de Joseph Kony avaient fait irruption dans des villages périphériques de Bria, chef-lieu de la Haute Kotto, tuant quatre civils et enlevant d'autres. « Depuis la résurgence de la LRA dans ces localités, la psychose s'est généralisée au sein de la population », s'alarme Radio Ndeke Luka.

Après sa reddition en janvier 2015, Dominic Ongwen, l'un des commandants de la LRA, comparaît jusqu'au mercredi 27 janvier, une audience préliminaire qui permettra aux juges de déterminer, par la suite, s'il y a ou non des motifs substantiels de croire que le suspect a commis les crimes qui lui sont imputés. La défense aura aussi le droit de faire valoir des contre arguments.

Si la chambre préliminaire décide de confirmer les charges, elle renverra l'affaire devant une chambre de première instance, laquelle sera chargée de conduire la phase suivante de la procédure : le procès proprement dit.

 Agé d'environ 40 ans, Ongwen est le premier chef de la LRA à comparaître devant la CPI. Dirigé par le tristement célèbre Joseph Kony, lui-même recherché par la CPI, ce mouvement rebelle ougandais, né dans les années 1980, a signé les crimes les plus atroces non seulement dans le nord de l'Ouganda, mais aussi au Soudan du Sud, en République démocratique du Congo (RDC) et en Centrafrique.

Dans tous ces pays, la LRA s'est illustrée notamment par des mutilations et des massacres de civils, des enlèvements d'enfants transformés en soldats ou en esclaves.

Selon l'ONU, la rébellion de la LRA a tué depuis sa création plus de 100. 000 personnes et enlevé plus de 60. 000 enfants dans cette partie de l'Afrique.

 

 

Demande de poursuites pour les crimes en dehors de l'Ouganda

 

 A la CPI, l'accusation veut poursuivre Dominic Ongwen pour crimes contre l'humanité (meurtre, réduction en esclavage, actes inhumains causant de grandes souffrances ou des atteintes graves à l'intégrité physique) et crimes de guerre (meurtre, traitements cruels à l'encontre de civils, fait de diriger intentionnellement une attaque contre une population civile, pillage) commis dans le nord de l'Ouganda.

 « Le procureur de la CPI devrait envisager d'ajouter des chefs d'accusation liés aux crimes commis en dehors de l'Ouganda dans les pays où la CPI a compétence, comme la RD Congo et la République centrafricaine », avait suggéré Human Rights Watch (HRW) au lendemain du transfert de Dominic Ongwen au siège de la CPI, à La Haye, aux Pays-Bas. « Joseph Kony est toujours en fuite, et ses combattants constituent toujours une grave menace pour les civils dans la région frontalière entre la République centrafricaine, le Soudan du Sud et le nord-est de la RD Congo », avait souligné l’organisation américaine.

« En décembre 2009, avait accusé HRW, des troupes sous le commandement d'Ongwen ont tué au moins 345 civils et en ont enlevé 250 autres, dont au moins 80 enfants, au cours d'un saccage de quatre jours dans la région de Makombo du nord-est de la RD Congo. Cela a été l'un des pires massacres commis pendant la longue histoire brutale de la LRA ».

 Le même souhait avait été exprimé en février 2015 par l'Association des victimes de la LRA en Centrafrique, une ONG locale bien connue à Bangui. « Les rebelles de la LRA, avec à leur tête Joseph Kony et Dominic Ongwen, sont arrivés en 2008 à Obo (est de la Centrafrique) et ont commis beaucoup d'exactions jusqu'à ce jour. Nous sommes surpris d'apprendre qu'Ongwen est poursuivi seulement pour des crimes commis entre 2002 et 2005 en Ouganda », protestait dans un communiqué. A défaut de poursuites devant la justice internationale, l'association avait demandé aux tribunaux centrafricains de se saisir du dossier et d'émettre, eux aussi, des mandats d'arrêt à l'encontre des chefs de la LRA.

 C'est en décembre 2003 que le gouvernement du président ougandais Yoweri Museveni a déféré la situation de l'Armée de résistance du seigneur à la CPI. En juillet 2004, le procureur de la CPI a annoncé que la Cour ouvrait une enquête sur la situation dans le nord de l'Ouganda. En juillet 2005, la CPI a émis des mandats d'arrêt sous scellés pour crimes de guerre et crimes contre l'humanité à l'encontre des cinq principaux dirigeants de la LRA à l'époque : Joseph Kony, Vincent Otti, Dominic Ongwen, Okot Odhiambo et Raska Lukwiya. Mais les deux derniers sont morts entre temps, selon la CPI.