Colombie : ce que va changer l'accord de paix avec les FARC

Colombie : ce que va changer  l'accord de paix avec les FARC©RAUL ARBOLEDA / AFP
Les Colombiens célébrant l'accord de paix le 23 juin à Medellin
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 La signature historique d'un cessez-le-feu avec la guérilla des Farc marque une "avancée très importante", voire un "point de non-retour" sur le chemin de la paix en Colombie, estiment des analystes, sans pour autant occulter les risques à venir.

 

- Quelle est la portée de cet accord?

"C'est une avancée très importante" dans les pourparlers menés depuis novembre 2012 entre le gouvernement du président Juan Manuel Santos et la guérilla marxiste des Forces armées révolutionnaires de Colombie (Farc), a déclaré à l'AFP Ariel Avila, politologue de l'université Externado de Bogota et sous-directeur de la Fondation Paix et Réconciliation.

"Si ce n'est pas l'accord final, nous sommes déjà au point de non-retour", a renchéri le Pr Alejo Vargas, coordinateur du Centre de réflexion et de suivi sur le dialogue de paix à l'université Nationale, dans un communiqué. 

"Cet accord est le point décisif dans la négociation et conduira à la finalisation du conflit avec les Farc", issu en 1964 d'une insurrection paysanne, souligne pour sa part le Centre de ressources pour l'analyse des conflits (Cerac).

- Quels sont les points importants?

"L'élément le plus significatif de cet accord, ajoute le Cerac dans son analyse écrite, est le renoncement à la violence armée et à l'usage de la force pour porter préjudice à l'adversaire et soutenir l'appareil de guerre, en ce qui concerne les Farc".

Rappelant que le texte comporte quatre thèmes essentiels: "conditions du cessez-le-feu bilatéral; protocole de vérification et d'accès aux zones de concentration (des Farc); zones de concentration et calendrier d'abandon des armes; garantie de sécurité ce qui inclut un accord sur le paramilitarisme", Ariel Avila estime qu'"avec cela l'agenda de la négociation de la Havane est atteint à 95%", pour mettre fin à plus d'un demi-siècle de conflit armé, qui a fait au moins 260.000 morts, 45.000 disparus et 6,9 millions de déplacés.

Pour le Pr Alejo Vargas, l'étape est si importante que désormais "les négociations sont irréversibles et que ce qui reste se réduit à la mise en application des accords signés", soit ceux sur la réforme agraire et la participation politique des Farc en 2013, sur les drogues illégales en 2014, la réparation des victimes en 2015, et enfin le cessez-le-feu.

- Quels sont les défis à venir?

"Il manque trois thèmes, petits mais néanmoins délicats: la réincorporation des Farc, les mécanismes d'approbation et les fameuses réserves" émises par la guérilla, indique Ariel Avila, en référence aux thèmes laissés en marge des accord signés, et que les Farc veulent à nouveau discuter, tels les conflits sur l'usage de terres agricoles, la démocratisation des médias ou la mise au point d'une nouvelle politique de lutte anti-drogues, dans ce pays qui est le premier producteur mondial de cocaïne.

De son côté, le Pr Alejo Vargas estime que s'il y a une violation du cessez-le-feu bilatéral "il ne se passera rien", arguant qu'il y a eu des incidents depuis le cessez-le-feu unilatéral décrété par les Farc en juillet 2015 et que "cela n'affecte cependant pas ce qui est atteint aujourd'hui et ce qui va venir".

Moins optimiste, la Colombie ayant déjà connu trois autres tentatives d'accords de paix qui ont échoué, le Cerac prévoit qu'"augmente la confrontation violente en raison d'affrontements pour le contrôle des ressources criminelles (...) dans les départements où sont présents des groupes de paramilitaires démobilisés, et l'ELN", l'Armée de libération nationale, seconde guérilla du pays inspirée de la révolution cubaine.

Il n'écarte pas que "d'autres groupes armés usent de la violence pour attenter à cet accord et au processus de paix", "un risque mineur, mais non négligeable". Et il met aussi en garde contre le "risque politique qu'un éventuel accord final avec les Farc soit rejeté par une partie des citoyens ou l'opposition politique, ce qui contrecarrerait les avancées de l'accord de cessez-le-feu bilatéral".  

Mais à ce sujet, le Pr Alejo Vargas souligne que "les forces du gouvernement sont majoritaires" face à l'opposition menée par l'ex-président de droite Alvaro Uribe, et pense "que pour le plébiscite on pourra compter jusqu'à 70% de voix pour le Oui".