Le Prix Bayeux-Calvados des correspondants de guerre a récompensé samedi un reportage photo du journaliste irakien Ali Arkady, pour l'agence VII, dénonçant le recours à la torture par une milice irakienne, une récompense qui a donné lieu à un vif débat au sein du jury.
Parmi les autres principaux prix remis samedi Samuel Forey l'emporte en presse écrite pour une série de reportages sur Mossoul dans Le Figaro, Gwendoline Debono en radio pour Europe 1, pour "L'entrée dans Mossoul (Irak)".
En télé, la "journaliste citoyenne syrienne" Waad Al-Kateab est récompensée en TV format court, pour "Le dernier hôpital d'Alep détenu par des rebelles", diffusé par Channel 4, et Olivier Sarbil en format long pour "Dans la bataille de Mossoul" diffusé sur Channel 4 News. Ce dernier remporte aussi le prix de l'image vidéo.
Le reportage d'Ali Arkady primé en photo a fait l'objet d'un "vif débat" au sein du jury international de 50 journalistes, a expliqué à l'AFP le président du jury Jeremy Bowen, reporter de guerre depuis plus de 30 ans à la BBC.
Le reporter irakien de 34 ans a suivi une division de soldats irakiens baptisée ERD (Emergency Response Division) pour en dénoncer les actes de torture mais il a admis avoir à deux reprises participé à ces "crimes de guerre", par crainte de représailles, sous la pression de la milice irakienne dont il avait acquis la confiance.
"Ce n'est pas toujours facile de prendre une décision. Mais au final le service qu'il a rendu en prenant ces photos a plus de puissance que le fait qu'il ait commis des erreurs. Il a souffert lui-même. Ce n'est pas un tortionnaire. Il a documenté ce que ces types faisaient", a poursuivit M. Bowen.
"Ce sont les photos les plus bouleversantes que j'ai vues de toute ma vie", a ajouté le grand reporter de la BBC qui a couvert 70 pays.
"A travers ces photos vous voyez le diable (...) Je pouvais le sentir dans mon estomac", a poursuivi M. Bowen. "Il n'y a pas d'endroit pire au monde" que ce qu'a montré Ali Arkady, a ajouté M. Bowen lors de la cérémonie de remise des prix.
Interrogé par l'AFP, M. Arkady a juste confirmé avoir à deux reprises participé à des actes de torture. "Trop ému" pour répondre, il a renvoyé à notamment un entretien à Télérama en mai où il explique n'être "pas fier" d'avoir donné une fois une gifle et une autre fois un coup.
"Je voulais que le gouvernement irakien se rende compte que ces soldats commettent des crimes de guerre. Je voulais arrêter cela. Mais malheureusement cela continue", a déclaré le journaliste irakien de 34 ans lors de la cérémonie de remise des prix samedi à Bayeux (Calvados).
"La ligne rouge est si floue quand on est ainsi "embedded" avec des guerriers. En quelques secondes, la distance que je m'efforçais de maintenir a volé en éclats. Je n'en suis pas fier, je ne suis pas un homme violent, mais je sais au fond de moi que je ne pouvais rien faire d'autre", avait expliqué Ali Arkady à Télérama.
Parmi les prix attribués par d'autres jury que le jury international, le prix du public est revenu au photographe Antoine Agoudjian pour "La conquête de Mossoul Ouest", publié par le Figaro Magazine.
"La sélection était dominée cette année par Mossoul, car l'accès était assez facile", a précisé M. Bowen.
Cinquante reportages avaient été présélectionnés, sur près de 330 reçus. Le montant des prix varie de 3.000 à 7.000 euros.