16.01.2004 - TPIR/MILITAIRES I - RESUME: "J'AI SERRE LA MAIN DU DIABLE", UN LIVRE DU GENER

Arusha, le 16 janvier 2004 (FH) - l'ancien commandant de la Mission des Nations Unies pour l'assistance au Rwanda (MINUAR), le général canadien Roméo Dallaire, qui dépose depuis lundi prochain dans le procès de quatre hauts gradés des ex-Forces armées rwandaises (FAR), est aussi l'auteur de "Shake hands with the Devil" (J'ai serré la main du diable), un livre en partie autobiographique, en partie témoignage sur la crise rwandaise. Publié en octobre 2003, "Shake hands with the Devil", évoque notamment le rôle joué par le colonel Théoneste Bagosora, un des quatre accusés dans ce procès.

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Bagosora était directeur de cabinet au ministère de la défense. Le procureur le décrit comme "le cerveau" du génocide rwandais. l'accusé plaide non coupable.

Dans son livre, Roméo Dallaire indique qu'il a rencontré plusieurs fois le colonel Bagosora depuis l'attentat meurtrier du 6 avril 1994 contre l'avion du président Juvénal Habyarimana. Dans les minutes qui ont suivi l'attentat, Dallaire a été invité à une réunion à l'Etat major de l'armée rwandaise.

"Bagosora nous a souhaité la bienvenue et il a expliqué que dès lors que le ministre de la défense était à l'extérieur du pays pour participer à une réunion du Comité olympique au Cameroun, le groupe D'officiers qui se trouvaient dans cette salle de réunion représentait le haut commandement de l'armée et de la gendarmerie. Les militaires avaient besoin de prendre le contrôle du pays, étant donné l'incertitude occasionnée par le crash de l'avion présidentiel."

Durant cette réunion, présidée par Bagosora et, de temps à autre, par le chef D'Etat major de la gendarmerie Augustin Ndindiliyimana, Dallaire a fait des propositions sur la manière dont le gouvernement devait continuer à gérer les affaires du pays. Toutes ses propositions ont été rejetées, écrit-il.

Bagosora s'est violemment opposé à ce que le premier ministre Agathe Uwilingiyimana prenne les choses en main, selon le livre de Dallaire.

"J'ai souligné que du point de vue de la MINUAR et de la communauté internationale, le Rwanda avait encore un gouvernement dirigé par le premier ministre Agathe. Toutes les affaires devraient être sous son contrôle. Bagosora a répondu brusquement que Mme Agathe n'avait pas la confiance de la population rwandaise et était incapable de diriger le pays".

Dans les jours qui ont suivi, Dallaire s'est entretenu à plusieurs reprises avec Bagosora dans le but D'obtenir un cessez-le-feu entre les FAR et les rebelles du Front patriotique rwandais (FPR). Ces entretiens ont été infructueux.

Dallaire décrit Bagosora comme l'un des principaux acteurs après la mort du président Habyarimana. Bien que Bagosora l'ait assuré, lors des réunions de crise, de son engagement à respecter les accords D'Arusha, le général canadien était convaincu du contraire. Surtout après le refus de reconnaître la légitimité de Mme Uwilingiyimana.

Ses appréhensions ont été confirmées quand la même Uwilingiyimana a été assassinée par des éléments des FAR, le matin du 7 avril 1994. Bagosora avait promis que les soldats resteraient calmes.

Dallaire raconte alors des moments difficiles qu'il a vécus lorsqu'il a tenté D'obtenir la libération de dix casques bleus belges qui gardaient Mme Uwilingiyimana. Ils avaient alors été pris en otage par des soldats rwandais. Bagosora ne lui aurait pas facilité la tâche, invoquant des problèmes de logistique et le manque de moyens de transport.

Les dix soldats belges ont été, dans l'intervalle, assassinés.Il lui a été rapporté qu'ils avaient été tués par des soldats délinquants et des invalides de guerre qui étaient hébergés au camp Kigali.

Dallaire, plus loin dans son livre, allègue que Bagosora avait un ascendant sur la milice Interahamwe considérée par le parquet du TPIR comme le fer de lance du génocide.

l'auteur de "J'ai serré la main du diable" déclare avoir fait ce constat au cours D'une réunion consacrée au transfert de déplacés qui se trouvaient de part et D'autre de la ligne de front, à laquelle a assisté le colonel Bagosora et des dirigeants Interahamwe. Les enregistrements vidéos de cette réunion qui a eu lieu mois de mai 1994 à l'hotel des Diplomates à Kigali existent, selon le général Dallaire.

l'ancien patron de la MINUAR avance que le génocide rwandais n'était pas un acte spontané, mais bien une opération concertée impliquant l'armée, la gendarmerie, les Interahamwe et l'administration publique.

Dallaire ajoute cependant que la MINUAR aurait pu stopper ce génocide si elle avait reçu des moyens supplémentaires en hommes et en matériel.

l'auteur conclut que la communauté internationale dans son ensemble- en particulier les grands pays membres du Conseil de sécurité de l'ONU- a du sang rwandais sur ses mains.

AT/PJ/GF/FH (ML"0116D)