07.06.2000 - TPIR/BAGILISHEMA - BAGILISHEMA A TOUJOURS PRIS DES MESURES APPROPRIEES, SELON SA DEFENS

Arusha 7 juin 2000 (FH) - La défense de l'ancien maire de Mabanza, Ignace Bagilishema, a affirmé mercredi devant les juges du tribunal pénal international pour le Rwanda (TPIR) qu'il avait toujours pris des mesures appropriées pour faire face aux malfaiteurs. "A de nombreuses reprises, vous avez posé des questions aux témoins de l'accusation, pour savoir si Bagilishema avait pris des mesures appropriées pour contrer les malfaiteurs.

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Je suis en train de prouver qu'il avait toujours pris des décisions appropriées", a dit l'avocat français, Me Roux.

Ignace Bagilishema était maire de Mabanza dans la préfecture de Kibuye (ouest du Rwanda) lors du génocide rwandais en 1994. Il est poursuivi pour des massacres de Tutsis dans quatre communes de la préfecture de Kibuye. Il plaide non coupable.

Depuis jeudi dernier, Bagilishema a commencé à témoigner dans son propre procès, à travers un interrogatoire mené par ses deux avocats, le français François Roux et le mauritanien Maroufa Diabira.

"J'avais des extrémistes hutus et tutsis dans ma commune et je devais les gérer", a dit Bagilishema aux juges . "Je n'ai tué ni voulu tuer personne", a-t-il poursuivi, avant D'ajouter que "je transférais les assassins devant les tribunaux".

Bagilishema a affirmé avoir essayé D'utiliser les moyens à sa disposition pour notamment contrer les attaques des assaillants "Abakiga" venant du Nord.

Au cours de l'interrogatoire, les avocats de Bagilishema ont présenté plusieurs lettres qu'il avait signées entre avril et juin 1994 pendant le génocide, prouvant notamment qu'il avait souvent transféré soit des criminels, soit des victimes, ou alors des armes saisies en commune Mabanza. "J'avais recours au commandant de la gendarmerie pour les problèmes qui avaient un rapport avec la guerre du FPR (front patriotique rwandais), et au procureur de la république, pour D'autres infractions", a expliqué Bagilishema.

La défense de Bagilishema a par ailleurs fait référence au registre des résidents de la commune pour prouver qu'entre 1990 et 1994, "Mabanza était devenue un lieu sûr où les tutsis venaient se cacher". "Pendant cette période, il y a eu beaucoup de résidents et il s'agit de personnes accueillies parce qu'elles cherchaient sécurité", a dit Bagilshema. "C'est D'ailleurs cela qui nous a occasionné les attaques des Abakiga", a affirmé Bagilishema.

Dans sa défense, Bagilishema attribue les massacres survenus dans sa commune essentiellement aux assaillants Abakiga venus des communes voisines du Nord, auxquels à un moment donné se sont joints "les délinquants de Mabanza".

l'accusé a confirmé avoir pris l'initiative de falsifier l'identité de la plupart des tutsis qui étaient venus D'ailleurs pour résider dans sa commune, en leur attribuant l'ethnie hutue. De même, il a dit avoir distribué à des tutsis originaires de sa commune, des cartes D'identité avec mention hutue . " Je savais très bien que c'était illégal mais pour sauver des gens J'étais prêt à tricher", a dit Bagilishema. "Je suis prêt à être puni pour avoir falsifié des documents afin sauver des vies humaines", a-t-il encore dit, répondant à une question D'un juge.

"C'est par hasard que l'on naît blanc ou noir[...] On ne doit pas être victime de sa couleur, de son ethnie[...] Ca me faisait de la peine que quelqu'un soit tué parce qu'il est tutsi", a-t-il ajouté.

Bagilishema a aussi dit aux juges ne pas avoir eu le temps D'organiser les entraînements aux fins de la défense civile préconisée par le premier ministre, de même qu'il a affirmé que la seule barrière officielle implantée au site dit de "Trafipro", avait pour but de contrôler les infiltrations du FPR. "Dès le 7 avril", a précisé Bagilishema, "le FPR a ouvert les hostilités sur tous les fronts, y compris dans la capitale Kigali". "Vers le 22 juin, une partie de la capitale était prise (par le FPR), le sud du pays aussi, le centre, et le front se rapprochait de plus en plus de Mabanza, et la population fuyait l'avancée du FPR", a-t-il ajouté.

Bagilishema a caractérisé D' "aberrantes" et de "pures inventions" les allégations soutenues par certains témoins de l'accusation, selon lesquelles il aurait participé aux massacres des tutsis, soit à Mabanza, soit dans les hauteurs de Bisesero. "J'ai beau être accusé mais ici je réclame les petits gestes que J'ai pu poser pour sauver des vies humaines. Je les ai posés en tant qu'homme démocrate et de bonne volonté. J'ai cherché à agir comme chrétien croyant et ça a été toujours ma ligne de conduite", a conclu Bagilishema.

l'accusation procédera au contre-interrogatoire dès jeudi matin. Le procès de Bagilishema a commencé le 27 septembre 1999, devant les juges de la première chambre de première instance du TPIR présidée par le juge norvégien, Erik Mose, et comprenant les juges Asoka de Zoysa Gunawardana (Sri Lanka), et Mehmet Güney (Turquie).

CR/DO/FH (BS%0607a)