05.06.2000 - TPIR/POLITIQUES - LE PARQUET DEMANDE UN PROCES CONJOINT POUR TROIS ANCIENS POLITICIENS

Arusha 5 juin 2000 (FH) - Le parquet a demandé un procès conjoint pour trois anciens politiciens, lundi, devant le Tribunal pénal international pour le Rwanda (TPIR). Il s'agit de l'ancien président de l'ex-parti unique, Matthieu Ngirumpatse, son secrétaire général, Joseph Nzirorera, et l'ancien maire de Mukingo (préfecture Ruhengeri, ouest du Rwanda), Juvénal Kajelijeli.

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Le parquet a affirmé que les trois accusés étaient liés par leurs activités au sein de l'ancien parti unique, le Mouvement républicain national pour la démocratie et le développement (MRND), et de sa jeunesse, les Interahamwe, considérée comme le fer de lance du génocide anti-tutsi et des massacres D'opposants en 1994.

Les concernés font actuellement l'objet D'un acte D'accusation comprenant huit personnes dont trois sont encore en fuite. Lundi, le parquet a demandé qu'ils en soient retirés, afin qu'ils soient jugés seuls. Le parquet souhaiterait les dissocier D'avec l'ex-ministre de l'intérieur sous le gouvernement intérimaire, Edouard Karemera, ainsi que celui de l'éducation, André Rwamakuba, détenus à Arusha. A ces derniers s'ajoutent l'ancien ministre de la défense, Augustin Bizimana, celui de la jeunesse, Callixte Nzabonimana, et l'homme D'affaires, Félicien Kabuga, tous encore recherchés.

Les substituts australien du procureur, Ken Fleming, et jamaïcain, Don Webster, ont laissé entendre que Karemera et Rwamakuba pourraient être jugés avec D'autres membres du gouvernement intérimaire tandis que pour les accusés en fuite, "le jour où ils seront arrêtés [...] nous pourrons demander la jonction de leur instance", ont-ils indiqué.

Les avocats de la défense se sont opposés à la requête du parquet, expliquant qu'elle était de nature à porter préjudice aux accusés. l'avocat de Trinad et Tobago, Me Charles Roach, de Ngirumpatse a indiqué qu'il y avait très peu D'allégations concernant son client, ajoutant : "on essaie D'englober tout le monde, tous ceux qui avaient un poste quelconque sous l'ancien régime, et qui ont une origine hutue." l'avocat écossais, Me McCartan, de Nzirorera a pour sa part plaidé pour que son client soit poursuivi sur base de sa responsabilité individuelle présumée, "la responsabilité des organes comme les partis , le gouvernement ne relèvent pas de la compétence du Tribunal", a-t-il dit. l'avocat américain, Me Richard Harvey, co-conseil dans l'affaire Kajelijeli, a lui aussi réclamé un procès individuel pour l'ancien maire, qu'il a présenté comme un "accusé accidentel". "l'histoire nous montre qu'il n'était pas recherché par le procureur.[...] Le seul lien qui existe est qu'il avait été hébergé par M. Nzirorera, alors qu'ils étaient tous les deux en exil. N'eût été cela, on aurait jamais entendu parler de M. Kajelijeli", a plaidé Me Harvey. l'avocat américain a ajouté que son client a rencontré Matthieu Ngirumpatse, pour la première fois, au centre de détention des Nations unies à Arusha. Me Harvey a révélé que Nzirorera et Ngirumpatse avaient accepté de témoigner, pour prouver que Kajelijeli n'a jamais été membre du MRND.

Le parquet a répondu qu'il disposait de nombreux témoignages qui parlent D'entente entre Kajelijeli et Nzirorera. "Non seulement, ils étaient ensemble au Bénin, mais également ils étaient ensemble lorsqu'ils ont organisé des meetings du MRND et distribué des armes aux Interahamwe". Le parquet a qualifié Kajelijeli de "rien D'autre que le boucher le plus abominable de Mukingo".

l'avocat anglais, Me David Hooper, de Rwamakuba, qui était également présent, a indiqué que l'argumentation du procureur était "vague et très imprécise" et qu'il y avait "une certaine confusion".
l'avocat français de Karemera, Me Didier Skornicki, a de son côté, demandé aux juges de ne pas se laisser tenter par "l'approche politique du procureur". Les avocats avaient D'abord tenté de faire ajourner l'audience, en raison de certaines requêtes en exception D'incompétence de la chambre pendantes en première instance ou en appel.

Les juges ont décidé qu'un "appel interlocutoire ne doit pas signifier nécessairement la suspension de la procédure", à moins qu'elle ne soit de nature à porter un préjudice grave à l'accusé, "ce qui n'est pas le cas en l'espèce", ont-ils dit. l'affaire a été mise en délibéré devant la deuxième chambre de première instance du TPIR présidée par le juge sénégalais Laïty Kama et comprenant en outre les juges tanzanien, William Hussein Sekule et turc, Mehmet Güney.

AT/MBR/FH (PL%0605A. )