13.02.2000 - TPIR/CHAMBRE - LA CHAMBRE D'APPEL SIEGE A ARUSHA POUR DES AUDIENCES DECISIVES

Arusha 13 février 2000 (FH) - La chambre D'appel du Tribunal pénal international pour le Rwanda (TPIR), siégera à Arusha en Tanzanie à partir de lundi pour tenir un certain nombre D'audiences décisives. Les membres de cette chambre participeront aussi à une session plénière extraordinaire des juges du TPIR, qui pourrait aboutir à D'importants changements dans le règlement du Tribunal.

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La chambre D'appel, normalement basée à La Haye ( Pays-Bas), siégera au TPIR à Arusha du 14 au 22 février. Son programme comprend notamment l'audition de la requête du procureur aux fins de révision de la décision controversée de libérer un accusé du génocide, Jean Bosco Barayagwiza, pour vices de procédure.

La chambre entendra lundi les arguments de l'appel interjeté par Omar Serushago, reconnu coupable de génocide. Serushago, un ancien leader milicien dans la préfecture de Gisenyi (nord-ouest du Rwanda), a été condamné à quinze ans D'emprisonnement le 5 février 1999, après qu'il a plaidé coupable. Il a , comme les six autres personnes jusque-là condamnées par le TPIR, fait appel de la décision de la chambre de première instance. Le fait que son appel sera entendu le premier signifie que son affaire sera presque certainement la première du TPIR à être définitivement close.

Serushago a interjeté appel contre sa sentence, en faisant valoir que la chambre de première instance n'a pas suffisamment tenu compte de sa coopération avec le procureur, du fait qu'il s'est remis volontairement entre les mains de la police ivoirienne en juin 1998, et qu'il a plaidé coupable.

Son avocat tanzanien, Mohamed Ismaïl, avance que non seulement Serushago a plaidé coupable, mais aussi qu'il a exprimé publiquement ses remords, a demandé pardon aux victimes de ses crimes, et a appelé à la réconciliation nationale au Rwanda. Ceci est en net contraste avec le cas de l'ancien premier ministre Jean Kambanda, le seul autre condamné qui a plaidé coupable devant le TPIR, note Me Ismaïl.

"La défense avance respectueusement que, dans sa détermination de la sentence, la chambre de première instance n'a pas jugé la pénitence par les remords à sa juste valeur", écrit Me Ismaïl dans son dossier D'appel daté du 6 août 1999. Me Ismaïl dit aussi que la sentence est plus lourde que celle que son client aurait reçue au Rwanda.

"Sûrement, si le tribunal a été mis en place sur demande du gouvernement rwandais avec des objectifs aussi nobles et que le même gouvernement du Rwanda a édicté une loi qui condamnerait Omar Serushago à un emprisonnement allant de 7 à 11 ans s'il était condamné au Rwanda, cette loi ne mérite-t-elle pas plus de respect de la part du tribunal ?", argumente l'avocat.

Semanza et BARAYAGWIZA La chambre D'appel entendra, mercredi, l'ancien maire de Bicumbi dans le centre-est du Rwanda, Laurent Semanza. Il a fait appel contre le rejet par la chambre de première instance, en octobre, de sa requête en vue de déclarer son arrestation et sa détention illégales.

Semanza a été arrêté au Cameroun avec onze autres personnes en mars 1996. l'un D'eux était Barayagwiza. Semanza avance que le parquet n'a pas pu respecter la procédure requise pendant sa détention initiale au Cameroun et après son transfert à Arusha.

Les circonstances et les arguments dans l'affaire Semanza sont en fait très similaires à ceux du cas Barayagwiza, dont la chambre D'appel a ordonné la libération pour vices de procédure. Cette décision du 3 novembre 1999 a amené le gouvernement rwandais à suspendre sa coopération avec le TPIR, bien qu'elle vient juste D'être restaurée officiellement.

Peu après la décision du 3 novembre, le nouveau procureur, la Suissesse Carla Del Ponte, a introduit une requête aux fins de révision de la décision de la chambre D'appel, notamment sur base de "faits nouveaux". C'est cette requête qui sera entendue par la chambre D'appel le 22 février.

Del Ponte qui a effectué en fin de semaine une brève visite de travail à Kigali, et qui a rencontré le vice-président rwandais , Paul Kagame, a dit qu'elle plaidera personnellement cette affaire devant les juges de la chambre D'appel . Elle a dit jeudi à Kigali que le bureau du procureur avait "de grands espoirs que la chambre D'appel changera sa décision".

La décision du 3 novembre ordonnait la libération immédiate de Barayagwiza "avec préjudice au procureur", ce qui signifie que le TPIR ne peut plus procéder à son arrestation. Carla Del Ponte espère que la chambre acceptera de modifier sa décision, afin qu'elle puisse encore arrêter l'intéressé.

La chambre avait aussi ordonné que Barayagwiza soit remis aux autorités du Cameroun, où il avait été arrêté au début de la procédure. Cependant, cette décision a été gelée en attendant l'issue de la requête introduite et dans l'intervalle, Barayagwiza reste dans la prison du TPIR à Arusha.

Le gouvernement rwandais a aussi demandé de comparaître comme amicus curiae (ami de la cour) devant la chambre D'appel, dans l'affaire Barayagwiza.

Après l'annonce jeudi dernier de la reprise de la coopération entre Kigali et le TPIR, l'envoyé spécial du Rwanda auprès du tribunal , Martin Ngoga, s'est rendu en fin de semaine à Arusha. Il avait jusque là effectué seulement une visite préliminaire au TPIR en octobre, mais devrait maintenant prendre son poste.

Session plénière

Du 18 au 22 février, les juges des chambres de première instance et de la chambre D'appel du TPIR tiendront une session plénière extraordinaire à Arusha. Ils devraient examiner les voies et moyens D'accélérer les procédures judiciaires, notamment en apportant des changements dans le règlement du TPIR.

Les juges ont déjà fait un certain nombres de pas dans cette direction, et le dernier jugement dans l'affaire D'Alfred Musema a été le plus rapide jusque là rendu par le TPIR. Le procès a duré moins de six mois.

Cependant, un rapport D'experts commis par le secrétaire général des Nations Unies, Kofi Annan, a conclu récemment que l'efficacité des deux tribunaux internationaux pour le Rwanda (TPIR) et pour l'ex-Yougoslavie (TPIY), était entravée par "des retards préalables aux procès et des procès prolongés". Il a attribué aux juges la plus grande part de responsabilité dans l'accélération de la procédure.

Prestation de serment

Le travail de la chambre D'appel à Arusha devrait être précédé par une brève cérémonie de prestation de serment pour le nouveau juge italien Fausto Pocar. Les autres juges composant la chambre D'appel sont le français Claude Jorda, président de la chambre, Lal Vohrah de Malaisie, Mohamed Shahabudeen de Guyanne , et Raphaël Nieto-Navia de Colombie.

Le juge Jorda a remplacé l'Américaine Gabrielle Kirk McDonald à la présidence en novembre, depuis que la chambre a rendu sa décision sur Barayagwiza.

JC/CR/PHD/FH