PREMIER FAUX TEMOIGNAGE AVERE DEVANT LE TPIR (ECLAIRAGE)

La Haye, 17août 2007 (FH - TPIR/TEMOINS) -  Le Tribunal pénal international pour le Rwanda (TPIR) devant lequel toutes les parties ont depuis 10 ans dénoncé des faux témoignages, accusations parfois confirmées dans des jugements, vient pour la première fois de mettre en accusation un faux témoin.  

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Vendredi dernier, un Rwandais, surnommé GAA pour sa sécurité, a comparu devant le TPIR pour se voir accusé de faux témoignage et d’outrage à la cour. Il a plaidé coupable pour le premier chef d’accusation de faux témoignage mais a plaidé non coupable des autres chefs d’outrage et tentatives d’outrage. Il sera jugé à Arusha.   Le faux témoignage reconnu concerne la déposition qu’il avait faite lors du procès en appel en 2005 de l’ex-ministre de l’enseignement supérieur Jean de Dieu Kamuhanda, dans laquelle il rétractait la déclaration à charge qu’il avait déposée lors du procès en première instance en 2001.   D’après l’acte d’accusation, le témoin GAA aurait affirmé à un autre avoir reçu un pot-de-vin de gens proches de Kamuhanda en échange de ce faux témoignage en appel et, selon le Procureur, cela constituerait un outrage à la cour.   Or, l’article 77 A du Règlement de procédure et de preuve (le Règlement) du TPIR qui réprime l’outrage à la cour, et plus particulièrement l’alinéa iv qui est à la base des charges, organise la poursuite du corrupteur et non du corrompu. Si l’on peut raisonnablement accepter une extension de l’application de l’article 77, cette lacune du texte est caractéristique de la manière dont il a été rédigé et celle dont il a été utilisé notamment devant le Tribunal pénal international pour l’ex-Yougoslavie (TPIY).   En effet, la rédaction de l’article a beaucoup évolué depuis sa première version. Et tandis que les rédacteurs n’ont cessé d’être de plus en plus précis dans l’énumération des comportements répréhensibles au titre de l’outrage, laissant à penser même qu’ils créaient une liste exhaustive, les juges ont maintes fois répété que les actes punissables de l’article 77 ne constituaient qu’une illustration des comportements d’entrave à la justice possibles.   Les corrupteurs seront-ils poursuivis ?   Ceci étant, les quatre autres chefs d’accusation reprochent à GAA de s’être rendu coupable de tentative de corruption ou de tous autres moyens d’intervention sur d’autres témoins. La tentative est punissable sur la base de l’article 77 B du Règlement.   Selon l’acte d’accusation, toutes les personnes abordées par GAA, tantôt avant sa propre déclaration en appel, tantôt après, étaient des témoins à charge en première instance à qui il aurait demandé, en échange d’un pot-de-vin, de se rétracter comme il avait lui-même l’intention de le faire.   Quasiment tous étaient des témoins protégés à qui le TPIR avait octroyé des pseudonymes, toutefois, cela n’a pas empêché l’accusé et les «chefs corrupteurs» de connaître leur identité. Presque tous étaient des survivants des massacres de Gikomero (centre du Rwanda). Il semble qu’aucun n’ait succombé à la corruption.   Les soupçons de subornation de témoins, comme de faux témoignages, ne sont pas rares mais pour l’un comme pour l’autre, c’est la première fois que ces faits sont poursuivis.   C’est à la suite d’une enquête sur les auditions devant la Chambre d’appel en 2005, confiée à une juriste américaine, étrangère au Tribunal, que le Procureur a pu construire et délivrer un acte d’accusation.   Cette enquête avait également visé deux anciens membres de la Section d’aide aux victimes et aux témoins du TPIR ainsi que d’autres faits soupçonnés dans une autre affaire mais rien n’est mentionné dans l’acte d’accusation à ce propos.   Dans l’affaire Simon Bikindi, un musicien de renom, la Chambre de première instance avait demandé en février 2007 que le greffier fasse une enquête sur un avocat de la défense dans laquelle il a conclu que les allégations de subornation étaient sans fondement.   Le Tribunal pénal international pour l’ex-Yougoslavie (TPIY) a connu trois affaires de subornation de témoins mais aucune n’a abouti à une condamnation. Un avocat, Milan Vujin dans l’affaire Tadic, condamné pour d’autres faits d’outrage, a été poursuivi ainsi qu’un autre et son client (Branislav Avramovic et Milan Simic dans l’affaire Simic et consorts) et un tiers aux procédures (Beqe Beqaj dans l’affaire Limaj et consorts).   Si la corruption de témoins n’a finalement pas été condamnée, les autres modes d’intervention auprès de témoins, aussi considérées comme des outrages au Tribunal, comme les pressions, les menaces et les intimidations, ont elles parfois été sanctionnées par de lourdes peines allant jusqu’à de l’emprisonnement.   Après que la Chambre de première instance a étudié la valeur du plaidoyer de culpabilité de GAA portant sur le faux témoignage, elle décidera directement de la sentence en fonction des circonstances aggravantes et atténuantes qui auront été avancées. Cependant un procès aura quand même lieu pour juger les accusations d’outrage qu’il a rejetées.   AV/PB/GF    © Agence Hirondelle